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15/02/1999 | FRANCE | N°172171

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 15 février 1999, 172171


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août et 26 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL LE CENTRE D'ETUDES, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice ; la SARL LE CENTRE D'ETUDES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 juin 1995, par lequel la cour administrative d'appel de Paris : 1°) a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 1992 rejetant sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés a

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 août et 26 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL LE CENTRE D'ETUDES, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice ; la SARL LE CENTRE D'ETUDES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 juin 1995, par lequel la cour administrative d'appel de Paris : 1°) a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 1992 rejetant sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1984, ainsi que des pénalités y afférentes, 2°) l'a condamnée à payer une amende pour recours abusif de 10 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Belliard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la SARL "LE CENTRE D'ETUDES",
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL "LE CENTRE D'ETUDES", qui a pour activité la vente par correspondance de méthodes d'études de langues et d'acquisition de culture générale a, au cours de l'année 1984, à la fois donné en location aux sociétés ENI et ICED et pris en location auprès de ces dernières, des fichiers d'adresses ; que la location des fichiers fournis par la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" aux sociétés ENI et ICED ayant été faite au prix de 1 F par adresse, tandis que les sociétés ENI et ICED ont facturé la location de leurs fichiers à la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" à des prix variant de 0,85 F à 4 F par adresse, l'administration a regardé comme un acte anormal de gestion, le paiement par la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" de la fraction des frais de location de fichiers d'adresses qui avait excédé le prix de 1 F par adresse et réintégré, en conséquence, dans ses résultats imposables, au titre de l'exercice clos en 1984, la somme correspondante, d'un montant de 342 972 F ;
Considérant qu'en vertu de l'article 39-1 du code général des impôts, le bénéfice net imposable d'une entreprise est établi sous déduction de toutes charges ; que l'administration est cependant en droit de réintégrer dans les résultats imposables celles des charges qui sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que, si l'appréciation du caractère normal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;
Considérant qu'en l'espèce, il revenait à l'administration, qui a suivi la procédure contradictoire pour l'établissement du redressement notifié à la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" et n'a contesté les justifications apportées par cette société, ni quant à la réalité de ses dépenses de location de fichiers, ni quant à l'exactitude de leur enregistrement dans ses comptes de charges, d'établir les faits ayant, selon elle, révélé l'existence d'un caractère anormal à l'acte de gestion ; que, par suite, en adoptant les motifs retenus par les premiers juges, qui avaient relevé que la société ne justifiait pas "de façon précise et détaillée" des écarts constatés dans sa comptabilité entre les prix de location de fichiers qu'elle mettait à la disposition des sociétés ENI et ICED et ceux que ces sociétés lui facturaient de leur côté, et en avaient déduit que l'administration devait être regardée comme établissant le caractère anormal du paiement par la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" de la partie du prix de location des fichiers des sociétés ENI et ICED qui excédait 1 F par adresse, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt attaqué d'une erreur de droit, quant à la dévolution de la charge de la preuve ; que cet arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" a fait ressortir lesdifférences de valeur des fichiers donnés ou pris par elle en location, selon que les adresses y figurant étaient ou non celles de personnes déjà clientes des sociétés détentrices des fichiers et selon que ces derniers concernaient telle ou telle catégorie déterminée de clients ou de clients potentiels ; que l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe en l'espèce, du caractère anormal du prix de location payé par la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" aux sociétés ENI et ICED en se bornant à faire valoir qu'il existait, à l'époque des faits, une communauté d'intérêts entre les trois sociétés, qui avaient le même gérant, et à soutenir, sans autre précision, que les libellés des factures émises et reçues par la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" ne corroboreraient pas les allégations de cette dernière ayant trait aux différences qualitatives entre les fichiers qu'elle donnait et prenait, respectivement, en location ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 7 juillet 1992, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1984, en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables de la somme de 342 972 F ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 juin 1995 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 1992 sont annulés.
Article 2 : La SARL "LE CENTRE D'ETUDES" est déchargée des suppléments à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1984, ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL "LE CENTRE D'ETUDES" et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 172171
Date de la décision : 15/02/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES.


Références :

CGI 39
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 1999, n° 172171
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Belliard
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:172171.19990215
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