Vu la requête enregistrée le 20 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Sorinel X..., demeurant à la maison d'arrêt de Villeneuve-les-Maguelonne (34753) ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 9 avril 1998 accordant son extradition aux autorités turques ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 85-1173 du 12 novembre 1985 et dont le texte a été publié au Journal officiel de la République française du 14 novembre 1987, en vertu du décret n° 87-916 du 9 novembre 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984, et publiée au Journal officiel de la République française en vertu du décret n° 87-916 du 9 novembre 1987 : " 1- Aucun Etat n'expulsera, ne refoulera ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. 2 - Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives" ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier et, en particulier, des précisions apportées par M. X..., quant aux graves sévices dont il déclare avoir fait l'objet lors de son arrestation à Istanbul en mai 1993, qu'il est fondé à soutenir qu'il existe des motifs sérieux de croire qu'il risque, au cas où il serait remis aux autorités turques, d'être soumis à la torture ; qu'il est, dès lors, fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du décret du 9 avril 1998, accordant son extradition aux autorités turques ;
Article 1er : Le décret du 9 avril 1998, accordant l'extradition de M. X... aux autorités turques, est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Sorinel X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.