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10/03/1999 | FRANCE | N°200678

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 10 mars 1999, 200678


Vu la requête enregistrée le 19 octobre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL D'OISE ; le PREFET DU VAL D'OISE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. Mohamed X..., annulé son arrêté du 14 septembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés f...

Vu la requête enregistrée le 19 octobre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL D'OISE ; le PREFET DU VAL D'OISE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. Mohamed X..., annulé son arrêté du 14 septembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, le préfet peut : "décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire au delà du délai d'un mois à compter de la date de la notification du refus ou du retrait ..." ;
Considérant qu'il est constant que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du PREFET DU VAL D'OISE du 30 juin 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi il se trouvait bien dans un des cas prévus par la disposition précitée où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles, saisi par M. Mohamed X... de conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 1998 du PREFET DU VAL D'OISE ordonnant sa reconduite à la frontière, s'est fondé, pour annuler cet arrêté, sur ce que l'intéressé devait être regardé comme établissant l'existence de circonstances faisant obstacle à sa reconduite en Algérie ;
Considérant cependant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit vers la frontière est éloigné : 1° A destination de pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission de recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950" et qu'aux termes de l'article27 ter de ladite ordonnance : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même" ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 27 bis et 27 ter précités de ladite ordonnance que le moyen tiré des risques encourus par l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine, s'il peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel l'étranger doit être éloigné, ne peut en revanche être utilement invoqué à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière d'un étranger, qui ne fixe pas le pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce moyen pour annuler l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence notamment d'éléments de preuve de nature à corroborer les allégations de M. X... sur l'ancienneté de son séjour en France, où il dit être arrivé après le décès de ses parents le 6 septembre 1978 avant l'âge de quinze ans et où il affirme résider depuis de manière ininterrompue, compte tenu par ailleurs des conditions du séjour de M. X... en France, et eu égard enfin aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, que l'arrêté attaqué ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, ni que l'administration ait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant que si M. X... invoque, à l'encontre de l'arrêté de reconduite attaqué, l'illégalité de la décision du 30 juin 1998 du préfet lui refusant un titre de séjour, en soutenant que cette décision a méconnu les dispositions de la circulaire du 24 juin 1997 du ministre de l'intérieur, les dispositions de cette circulaire qui n'est pas de nature réglementaire et ne constitue pas davantage une directive, ne peuvent en tout état de cause être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de régularisation ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de l'incertitude sur l'ancienneté du séjour en France de l'intéressé, et alors même que son maintien sur le territoire français ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, que la décision de refus de titre de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation de l'administration ; qu'enfin si M. X... soutient qu'il aurait pu obtenir la régularisation de sa situation en application de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, il ne justifie pas en tout état de cause en remplir les conditions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU VAL D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le conseiller délégué désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 14 septembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant enfin que, par décision distincte, notifiée à l'intéressé le même jour que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, le PREFET DU VAL D'OISE a décidé que le pays vers lequel devrait être reconduit M. X... serait l'Algérie ; qu'eu égard à l'argumentation de sa demande, l'intéressé doit être regardé comme ayant également présenté des conclusions tendant à l'annulation de cette décision, distincte de l'arrêté de reconduite à lafrontière ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué pour défaut de réponse à ces conclusions et d'évoquer l'affaire sur ce point ;

Considérant que si, pour demander l'annulation de cette décision, M. X... soutient que son retour en Algérie lui ferait courir des risques importants et s'il fait valoir que son père a servi dans l'armée française, ses allégations ne sont pas assorties de précisions ni de justifications suffisantes et doivent être rejetées ; que par suite M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de cette décision ;
Article 1er : Le jugement du 16 septembre 1998 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Mohamed X... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL D'OISE, à M. Mohamed X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6 ss
Numéro d'arrêt : 200678
Date de la décision : 10/03/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Circulaire du 24 juin 1997
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis, art. 27 ter


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 1999, n° 200678
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mitjavile
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:200678.19990310
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