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12/03/1999 | FRANCE | N°142490

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 12 mars 1999, 142490


Vu l'ordonnance en date du 3 novembre 1992, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 novembre 1992, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à cette cour par le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 novembre 1992 et 25 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pou

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Vu l'ordonnance en date du 3 novembre 1992, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 novembre 1992, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à cette cour par le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 novembre 1992 et 25 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE dont le siège social est ..., représenté par sa gérante la Compagnie de gestion forestière Trinité, domiciliée en cette qualité audit siège social, elle-même représentée par son directeur général M. X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 9 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes dirigées contre le plan d'occupation des sols révisé de la commune d'Apremont et la délibération du 19 décembre 1991 par laquelle le conseil municipal d'Apremont a approuvé cette révision ;
2°) annule le plan d'occupation des sols révisé et ladite délibération ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 123-1 et R. 123-18 ;
Vu le code forestier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953 modifié, notamment par le décret n° 72-143 du 22 février 1972 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Colmou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE est propriétaire d'une forêt dont le sous-sol renferme des gisements de silice sur une surface de 83 hectares ; que les terrains qui abritent ces gisements étaient classés en zone NCa, zone naturelle protégée dans laquelle l'extraction de matériaux est autorisée, dans le plan d'occupation des sols modifié en dernier lieu ; que par la délibération en date du 19 décembre 1991 approuvant la révision du plan d'occupation des sols le conseil municipal d'Apremont a restreint la surface de la zone NCa en classant 35 hectares de ces terrains en zone ND, zone naturelle boisée protégée dans laquelle l'extraction de matériaux est interdite, afin de prévenir les nuisances susceptibles d'être engendrées par le développement de l'exploitation des gisements et assurer la préservation de l'environnement ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-4 du code de l'urbanisme "le plan d'occupation des sols est révisé dans les formes prévues aux six premiers alinéas de l'article L. 123-3, puis soumis à enquête publique" et qu'aux termes de l'article L. 123-3 précité "le plan d'occupation des sols est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. ... Sont associés à cette élaboration l'Etat et, à leur demande dans les formes que la commune ... détermine, la région, le département et les organismes mentionnés aux articles L. 121-6 et L. 121-7 ; le maire ou le président de l'établissement public peut recueillir l'avis de tout organisme ou association ayant compétence en matière de construction, d'aménagement ou d'urbanisme ... Le conseil municipal ... arrête le projet de plan d'occupation des sols. Celui-ci est alors soumis pour avis aux personnes publiques associées à son élaboration ainsi que, à leur demande, aux communes limitrophes et aux établissements publics directement intéressées" ; qu'il ne résulte ni des dispositions législatives précitées ni d'aucune autre disposition réglementaire que la commune d'Apremont aurait dû consulter le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE sur le projet de révision du plan d'occupation des sols, alors même d'ailleurs que les modifications de zonage prévues par le projet de révision auraient porté uniquement sur des terrains appartenant au GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE ; que le plan d'occupation des sols étant un acte à caractère réglementaire, le groupement requérant ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de ce que la commune aurait méconnu un principe général du droit en s'abstenant de suivre une procédure contradictoire ;
Considérant que si le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE soutient que le dossier d'enquête publique ouvert à la consultation du public ne contenait ni le projet de règlement du plan d'occupation des sols, ni le rapport du commissaire enquêteur, cette assertion n'est pas assortie de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il n'est pas établi que le requérant n'aurait pu avoir accès à ces documents après l'approbation de la révision du plan d'occupation des sols par la délibération attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur "le rapport de présentation : 1°) expose à partir de l'analyse de la situation existante les perspectives d'évolution démographique, économique et sociale ainsi que celles relatives à l'habitat, aux activités économiques et aux équipements publics ; 2°) analyse, en fonction de la sensibilité du milieu, l'état initial du site et de l'environnement et les incidences de la mise en oeuvre du plan d'occupation des sols sur leur évolution ainsi que les mesures prises pour leur préservation et leur mise en valeur ..." ; que le rapport de présentation contient une description détaillée de l'état initial du site et de l'environnement ; que si les auteurs de ce rapport ont fait état des atteintes à l'environnement causées par l'activité extractive, souligné les menaces que ferait peser sur l'environnement le développement de cette activité et présenté de manière succincte l'intérêt économique et industriel qui s'attache à l'exploitation des gisements de silice, ils ont analysé avec suffisamment de précision les incidences de la révision du plan d'occupation des sols sur la poursuite et le développement de l'activité minière ; qu'ainsi, le moyen tiré du caractère lacunaire et partisan du rapport de présentation doit être écarté ;
Considérant que le moyen tiré de ce que le registre d'enquête publique n'aurait pas été constitué, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme, de feuillets non mobiles, cotés et paraphés manque en fait ;
Considérant qu'aux termes des cinquième et septième alinéas du même article "Pendant le délai fixé au troisième alinéa, les observations sur le plan d'occupation des sols peuvent être consignées par les intéressés sur le ou les registres d'enquête, ou adressées par écrit, au lieu fixé pour l'ouverture de l'enquête, au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête, lequel les annexe au registre mentionné à l'alinéa précité. A l'expiration du délai d'enquête, le ou les registres d'enquête sont clos et signés par le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête examine les observations consignées ou annexées aux registres, établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et rédige des conclusions motivées en précisant si celles-ci sont favorables ou défavorables" ; qu'il résulte des dispositions précitées que le commissaire enquêteur n'était nullement tenu de mentionner dans son rapport la teneur de l'entretien qu'il aurait eu avec le directeur général de la société gérante du GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE pendant le délai d'enquête, dès lors qu'il n'est pas soutenu que le groupement ou sa gérante auraient été dans l'impossibilité soit de consigner leurs observations sur le registre d'enquête, soit de les adresser par écrit afin qu'elles soient annexées à ce registre ;
Considérant que les conclusions du commissaire-enquêteur sont suffisamment motivées ;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.123-11 du code de l'urbanisme relatives aux modalités de la publicité des avis d'ouverture d'enquête publique n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme les plans d'occupation des sols expriment des prévisions et déterminent les zones d'affectation de sols suivant l'usage principal qui doit en être fait ; qu'ainsi l'administration n'est pas liée, pour déterminer l'affectation future des divers sections des zones qu'elle institue, par les utilisations possibles des terrains dont elle peut prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ; que le périmètre de la zone NCa nouvellement délimité par la délibération litigieuse inclut des terrains d'une superficie de vingt hectares environ dont le sous-sol n'a pas encore été exploité ; qu'il était de l'intérêt de la préservation de la faune et de la flore de modifier l'affectation du sol et du sous-sol dans cette partie de la forêt ; que, compte tenu de ces intérêts, le conseil municipal d'Apremont a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ne pas inclure la totalité des terrains comportant des gisements de silice dans le nouveau périmètre de la zone NCa ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : "les plans d'occupation des sols doivent ... respecter les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ainsi que les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de projets d'intérêts général relevant de l'Etat, de la région, du département ou d'autres intervenants" ; que le groupement forestier requérant soutient qu'il aurait bénéficié d'un plan simple de gestion agréé, pris en application des articles L. 222-1 et suivants du code forestier, définissant un programme d'exploitation forestière tenant compte de l'activité d'extraction de silice ; qu'un tel plan ne constitue ni une servitude d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ni un projet d'intérêt général au sens de l'article L. 123-1 précité ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le plan d'occupation des sols révisé aurait illégalement porté atteinte à des droits que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE tenait du plan simple de gestion dont il aurait été titulaire est inopérant ;
Considérant que le règlement du plan d'occupation des sols révisé prévoit que "les coupes et abattages d'arbres sont soumis à autorisation dans les espaces boisés classés" ; que ces dispositions ne sauraient méconnaître les dispositions de l'article 157 de l'ancien code forestier, aujourd'hui codifiées à l'article L. 311-1 dudit code, qui sont relatives au défrichement ;
Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme " ... dans tout espace boisé classé, les coupes et abattages d'arbres sont soumis à autorisation préalable, sauf dans les cas suivant : ... s'il est fait application d'un plan simple de gestion approuvé ..." ; que le conseil municipal d'Apremont s'est borné à rappeler, par les dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols, la règle fixée par l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, et n'a pas entendu méconnaître les exceptions à cette règle prévues par cet article ;

Considérant que la circonstance que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE avait, à la date de la délibération attaquée, interjeté appel du jugement du 26 juin 1990 par lequel le tribunal administratif d'Amiens avait annulé les autorisations de défrichement et d'exploitation accordées respectivement par le ministre chargé de l'agriculture etle préfet de l'Oise en 1985 est en tout état de cause sans influence sur la légalité de ladite délibération ;
Considérant que si les requérants se prévalent de ce que le Gouvernement avait, à la date de la délibération attaquée, engagé une procédure tendant à la création par décret, en application de l'article 109 du code minier, d'une zone spéciale de recherches et d'exploitation de carrières concernant le gisement de silice situé sur le territoire de la commune d'Apremont, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 109 du code minier ne saurait en tout état de cause être accueilli dès lors qu'un tel décret a seulement pour objet de permettre la délivrance d'autorisations de recherches et de permis d'exploitation, et non d'instituer une servitude d'urbanisme s'imposant au plan d'occupation des sols et faisant obstacle à ce que l'ensemble des terrains situés dans la zone spéciale puisse recevoir d'autres affectations que celles compatibles avec l'exploitation de carrières ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête dirigée contre la délibération du conseil municipal d'Apremont du 19 décembre 1991 ;
Article 1er : La requête du GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT FORESTIER DE LA HAUTE POMMERAIE, à la commune d'Apremont, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 142490
Date de la décision : 12/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PECHE - BOIS ET FORETS - GESTION DES FORETS - Plan simple de gestion agréé - Servitude d'utilité publique affectant l'utilisation du sol au sens de l'article L - 123-1 du code de l'urbanisme - Absence.

03-06-01, 68-01-01-01-03 Un plan simple de gestion agréé, pris en application des articles L. 222-1 et suivants du code forestier, et définissant un programme d'exploitation forestière, ne constitue ni une servitude d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ni un projet d'intérêt général au sens de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme. Inopérance du moyen tiré de ce que le plan d'occupation des sols révisé aurait illégalement porté atteinte à des droits que le requérant tenait du plan simple de gestion dont il aurait été titulaire.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - LEGALITE INTERNE - Respect des servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol (article L - 123-1 du code de l'urbanisme) - Notion de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation du sol - Absence - Plan simple de gestion agréé pris en application du code forestier.


Références :

Code de l'urbanisme L123-4, L123-3, R123-17, R123-11, L121-1, L123-1, L130-1
Code forestier L222-1, L311-1
Code minier 109


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 1999, n° 142490
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mme Colmou
Rapporteur public ?: M. Honorat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:142490.19990312
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