Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 mai 1996 et 5 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Paul X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'admettre son opposition au décret du 4 mars 1996 en tant qu'il autorise Mme Y... à substituer à son patronyme celui de "Gisèle-Halimi" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Colmou, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Hemery, avocat de M. Paul X... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Y...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : "Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom" ; qu'aux termes de l'article 61-1 du même code : "Tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d'Etat au décret portant changement de nom dans un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal Officiel" ;
Considérant que par décret du 4 mars 1996 pris en application des dispositions précitées, Mme Y... a été autorisée à substituer à son nom celui de "Gisèle-Halimi" ;
Considérant que, par une requête sommaire, présentée dans le délai de recours susmentionné, M. Paul X... a fait opposition devant le Conseil d'Etat à ce décret ; que, d'une part, cette requête énonce les moyens de droit et de fait soulevés par le requérant ; que, d'autre part, M. X..., dont Mme Y... a divorcé en 1959, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester, par la voie de l'opposition au décret attaqué, l'octroi à Mme Y... du nom qu'elle portait lorsqu'elle était son épouse ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par Mme Y... et par le garde des sceaux, ministre de la justice, doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y... a demandé à porter le nom sous lequel elle a mené son activité professionnelle et politique ; que, toutefois, ni la notoriété attachée à ce nom, ni la possession d'état dont se prévalait Mme Y..., n'était de nature à lui conférer l'illustration lui donnant un intérêt légitime justifiant sa demande de changement de nom ; que si Mme Y... invoque en défense l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale" cet article ne donnait pas au gouvernement compétence liée pour accéder à sa demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation du décret du 4 mars 1996, en tant qu'il autorise Mme Y... à changer son nom en "Gisèle-Halimi" ;
Article 1er : Le décret du 4 mars 1996 est annulé en tant qu'il autorise Mme Y... à changer son nom en "Gisèle-Halimi".
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Paul X..., à Mme Y... et au garde des sceaux, ministre de la justice.