Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 27 juillet et 25 août 1998, présentés pour M. Yves Z..., demeurant à Menerbes, (84560) La Citadelle ; M. Z... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 24 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa protestation contre l'élection de M. Y... en qualité de conseiller général de Bonnieux lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 22 mars 1998 ;
2°) annule ces opérations électorales ;
3°) condamne M. Y... à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Yves Z... et de Me Roue-Villeneuve, avocat de M. Roger Y...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, si M. Z... soutient, à l'appui de sa protestation contre l'élection de M. Y... en qualité de conseiller général du canton de Bonnieux (Vaucluse) lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 22 mars 1998, qu'il aurait été procédé à des inscriptions irrégulières sur les listes électorales, il invoque seulement, à l'appui de ce grief, la double circonstance que deux électeurs ayant voté le 22 mars 1998 n'habitaient plus à l'adresse indiquée sur la liste électorale et qu'un certain nombre d'inscriptions récentes apparaîtraient "contestables ; que de tels éléments ne sont pas suffisants pour établir l'existence de manoeuvres susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;
Considérant que si, trois jours avant la date du scrutin, M. Y... a envoyé un courrier à tous les électeurs du canton, il résulte de l'instruction que les enveloppes choisies par M. Y... pour l'expédition de ce courrier, dès lors qu'elle ne portent pas les mêmes mentions que celles utilisées pour les documents de la propagande officielle, n'ont pu, quel que soit leur aspect extérieur, entretenir une confusion dans l'esprit des électeurs sur la nature des documents expédiés ; que la lettre de soutien de M. X..., contenue dans ce courrier, portait uniquement l'en-tête "André X... député de Vaucluse-conseiller général sortant" ; que, dans ces conditions, elle ne pouvait être regardée comme l'intervention officielle d'une autorité publique, susceptible de constituer une manoeuvre ; que si, dans l'un des documents envoyés, M. Y... a introduit des éléments nouveaux de polémique électorale en indiquant que M. Z... avait déposé une proposition de loi abrogeant l'impôt de solidarité sur la fortune et était favorable au démantèlement de la sécurité sociale, ces allégations ne sont pas établies ; que, de même, l'allégation selon laquelle les services postaux de Bonnieux auraient accordé à M. Y... divers avantages, notamment tarifaires, pour l'acheminement de son courrier, n'est pas établie ; qu'il en résulte que M. Z... n'est fondé à soutenir ni que les agissements de son adversaire auraient présenté le caractère d'irrégularités ou de manoeuvres susceptibles d'exercer une influence sur les résultats du scrutin, ni qu'il aurait été victime d'une méconnaissance du principe d'égalité, ni que les dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral interdisant aux personnes morales à l'exception des partis ou groupements politiques, de participer au financement de la campagne électorale, auraient été méconnues ;
Considérant que l'utilisation d'une liste d'émargement distincte pour chacun des deux tours, n'est interdite par aucune disposition législative ou réglementaire ;
Considérant que la circonstance que certains électeurs auraient été autorisés à voter sans produire une pièce d'identité, n'est pas établie ; que si M. ROUSSET-ROUARDallègue que certains bulletins à son nom auraient à tort été déclarés nuls et qu'annexés au procès verbal, ils n'auraient pas été contresignés, ce grief dont l'intéressé ne précise pas qu'il ait donné lieu à une observation de sa part lors de l'établissement dudit procès-verbal, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les incidents, d'ailleurs mineurs, invoqués par M. Z..., se sont déroulés après la clôture du scrutin et hors des lieux de dépouillement ; qu'ils ont, par suite, été sans conséquence sur le résultat de celui-ci ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'enquête demandée par lui, M. Z... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa protestation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. Y..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. Z... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner sur le même fondement M. Z... à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Z... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. Y... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Yves Z..., à M. Y... et au ministre de l'intérieur.