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15/03/1999 | FRANCE | N°162036

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 15 mars 1999, 162036


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre 1994 et 30 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Agnès Y... demeurant ... ; Mme Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 juin 1994 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 octobre 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 avril 1992 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a déclaré d'utilité publique les travaux d'

aménagement de la RD 76 et déclaré cessibles les parcelles nécessai...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre 1994 et 30 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Agnès Y... demeurant ... ; Mme Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 juin 1994 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 octobre 1993 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 avril 1992 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement de la RD 76 et déclaré cessibles les parcelles nécessaires à l'exécution de ces travaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de Mme X... CANONNE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du département du Pas-de-Calais,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement de la RD 76 dont l'objectif est d'améliorer la sécurité routière, ampute le parc du château appartenant à Mme Y... d'une partie de son terrain d'assiette ; qu'en admettant même que la modification du tracé de la RD 76 ait un effet favorable sur la sécurité de la circulation sur cette voie, une telle opération porte à un site qui est pourvu d'un intérêt historique et esthétique certain, d'ailleurs constaté ultérieurement par son inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, une atteinte disproportionnée à l'intérêt qu'elle comporte ; qu'ainsi, en se fondant, pour écarter le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet sur le motif que les inconvénients pour l'ensemble dont s'agit n'étaient pas excessifs, en dépit des souvenirs attachés aux lieux, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, dès lors, Mme Y... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 30 juin 1994 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les parcelles appartenant à Mme Y... ne pouvaient être légalement expropriées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 22 avril 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que Mme Y..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser au département du Pas-de-Calais la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 30 juin 1994 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 21 octobre 1993 et l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 22 avril 1992 sont annulés.
Article 3 : Les conclusions du département du Pas-de-Calais tendant à l'application de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X... CANONNE, au département du Pasde-Calais et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - NOTIONS GENERALES - NOTION D'UTILITE PUBLIQUE - ABSENCE - Projet d'aménagement d'une route départementale portant à un site pourvu d'un intérêt historique et esthétique une atteinte disproportionnée à l'intérêt du projet.

34-01-01-01, 54-08-02-02-01-02 Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet d'aménagement de la RD 76, dont l'objectif est d'améliorer la sécurité routière, ampute le parc du château appartenant à l'intéressée d'une partie de son terrain d'assiette. En admettant même que la modification du tracé de cette route ait un effet favorable sur la sécurité de la circulation sur cette voie, une telle opération porte à un site qui est pourvu d'un intérêt historique et esthétique certain, d'ailleurs constaté ultérieurement par son inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, une atteinte disproportionnée à l'intérêt qu'elle comporte. Ainsi, en se fondant, pour écarter le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet sur le motif que les inconvénients pour l'ensemble dont s'agit n'étaient pas excessifs, en dépit des souvenirs attachés aux lieux, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

- RJ1 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - Qualification inexacte - Existence - Procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique - Caractère d'utilité publique de l'opération - Absence en l'espèce (1).


Références :

Arrêté du 22 avril 1992
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. Section 1998-07-03, Salva-Couderc, p. 297


Publications
Proposition de citation: CE, 15 mar. 1999, n° 162036
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Mary
Rapporteur public ?: M. Hubert

Origine de la décision
Formation : 2 / 6 ssr
Date de la décision : 15/03/1999
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 162036
Numéro NOR : CETATEXT000008013223 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1999-03-15;162036 ?
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