La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/1999 | FRANCE | N°159443

France | France, Conseil d'État, 7 / 10 ssr, 17 mars 1999, 159443


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 20 juin 1994 et le 20 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DU HAVRE ; la VILLE DU HAVRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 14 avril 1994 en tant qu'il a ramené à 981 379,79 F la somme que MM. X... et Y..., la société BHET et l'entreprise Durand ont été condamnés à lui payer solidairement en réparation des désordres ayant affecté la piscine municipale du cours de la République ;

) à titre subsidiaire, d'annuler ledit arrêt en tant qu'il a rejeté comme i...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 20 juin 1994 et le 20 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DU HAVRE ; la VILLE DU HAVRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 14 avril 1994 en tant qu'il a ramené à 981 379,79 F la somme que MM. X... et Y..., la société BHET et l'entreprise Durand ont été condamnés à lui payer solidairement en réparation des désordres ayant affecté la piscine municipale du cours de la République ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ledit arrêt en tant qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre la Sarl Piscinaro ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Challan-Belval, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de la VILLE DU HAVRE,
- de Me Boulloche, avocat de M. X... et de M. Y...,
- de Me Roger, avocat de l'entreprise Durand,
- et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SARL "Piscinaro",
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la VILLE DU HAVRE a mis en cause la responsabilité décennale des architectes, MM. X... et Y..., du bureau d'études BHET, de l'entreprise Gagneraud chargée du lot de maçonnerie, de l'entreprise Durand, chargée du lot carrelage et revêtement de sols, et de l'entreprise Piscinaro, chargée du lot traitement des eaux, à la suite des désordres d'étanchéité consécutifs aux travaux de rénovation de la piscine du cours de la République ; que, par jugement du 17 mars 1993, après que la Ville se fût désistée de ses conclusions contre l'entreprise Gagneraud, le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement les architectes, le bureau d'études et l'entreprise Durand à verser à la Ville deux indemnités de 374 747,52 F et 665 403,80 F au titre de la réparation des désordres et de la surconsommation d'eau, et statué sur les appels en garantie ; que, par l'arrêt attaqué du 14 avril 1994 la cour administrative d'appel de Nantes sur appel principal des architectes a ramené à 1 040 151,30 F le total des indemnités dues à la ville après en avoir déduit la taxe sur la valeur ajoutée et rejeté les conclusions d'appel provoqué de la ville tendant à ce que la condamnation solidaire prononcée par le tribunal administratif soit étendue à l'entreprise Piscinaro ; qu'enfin la VILLE DU HAVRE demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il réduit du montant de la taxe sur la valeur ajoutée les indemnités qui lui sont dues et en tant qu'il rejette ses conclusions d'appel provoqué contre l'entreprise Piscinaro ;
Sur le montant des indemnités allouées à la VILLE DU HAVRE :
Considérant que le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent en règle générale la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux ; que, toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable ;
Considérant que, pour l'application de ces principes, il appartient normalement au maître de l'ouvrage, à qui incombe, de façon générale, la charge d'apporter tous les éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir s'il demande que l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires englobe le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il n'est pas susceptible, à la date normale d'évaluation du préjudice, de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en estimant que la VILLE DUHAVRE devait justifier pour prétendre à une indemnité englobant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée que la taxe supportée par elle sur les éléments de son préjudice devait demeurer à sa charge et ce, notamment, dès lors qu'en vertu des dispositions des articles 256 B et 260 A du code général des impôts certaines de ses activités peuvent être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et lui ouvrir droit à récupération de la taxe acquittée à ses fournisseurs, la cour n'a ni renversé la charge de la preuve ni commis une erreur de droit ; qu'en relevant qu'en l'espèce la VILLE DU HAVRE n'apportait pas les éléments de cette justification la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;
Sur le rejet des conclusions d'appel provoqué de la VILLE DU HAVRE contre l'entreprise Piscinaro :
Considérant qu'en faisant droit aux conclusions de l'appel principal tendant à la réduction du montant de l'indemnité allouée à la ville, l'arrêt attaqué a aggravé la situation de cette dernière laquelle était par suite recevable à demander par des conclusions qui ne soulèvent pas un litige distinct que la condamnation solidaire prononcée par le tribunal administratif à son profit soit étendue à l'entreprise Piscinaro ; que c'est donc par une erreur de droit que la cour pour déclarer ces conclusions irrecevables s'est fondée sur ce que leur admission ne serait pas susceptible de faire échapper la commune à l'aggravation de sa situation résultant de l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée des sommes devant lui être versées, alors que l'augmentation du nombre des codébiteurs solidaires accroît les possibilités pour la ville de recouvrer effectivement les indemnités minorées qui lui sont dues ; que dès lors il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions d'appel provoqué de la VILLE DU HAVRE contre l'entreprise Piscinaro ; Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que la rupture de canalisations posées par l'entreprise Piscinaro a été provoquée par l'absence de compensateur de dilatation qui aurait permis d'absorber le déplacement vertical du bassin selon qu'il est plein ou vide, déplacement dû à ses caractéristiques particulières ; qu'en l'absence de toute prescription dans les spécifications techniques détaillées du marché sur ce point, ce vice, qui en l'espèce ne pouvait être décelé par l'entreprise qui était chargée seulement de la mise en place des tuyauteries et n'a pris aucune part à la conception des travaux, ne peut lui être en quelque manière imputable ; que, par suite, la VILLE DU HAVRE n'est pas fondée à demander la condamnation de l'entreprise Piscinaro solidairement avec les autres constructeurs ; que, dès lors, les conclusions de son appel du jugement du 17 mars 1992 du tribunal administratif de Rouen dirigées contre cette entreprise doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner la VILLE DU HAVRE à verser à la société Piscinaro 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : L'arrêt susvisé en date du 14 avril 1994 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions d'appel provoqué de la VILLE DU HAVRE contre l'entreprise Piscinaro.
Article 2 : Les conclusions d'appel provoquées de la VILLE DU HAVRE contre l'entreprise Piscinaro et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La VILLE DU HAVRE versera à l'entreprise Piscinaro 15 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DU HAVRE, à MM. X... et Y..., au bureau d'études BHET, à l'entreprise Durand, à la société Piscinaro et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE.


Références :

CGI 256 B, 260 A
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 17 mar. 1999, n° 159443
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Challan-Belval
Rapporteur public ?: M. Savoie

Origine de la décision
Formation : 7 / 10 ssr
Date de la décision : 17/03/1999
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 159443
Numéro NOR : CETATEXT000008011119 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1999-03-17;159443 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award