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22/03/1999 | FRANCE | N°178455

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 22 mars 1999, 178455


Vu 1°/, sous le n° 178455, la requête enregistrée le 1er mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE THEOULE-SUR-MER, représentée par son maire, domicilié à l'Hôtel de Ville à Théoule-sur-Mer (06590) ; la COMMUNE DE THEOULE-SUR-MER demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets de l'Esterel, de Fréjus, de Saint-R

aphaël et de Tanneron (Var) ;
Vu 2°/, sous le n° 178456, la requ...

Vu 1°/, sous le n° 178455, la requête enregistrée le 1er mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE THEOULE-SUR-MER, représentée par son maire, domicilié à l'Hôtel de Ville à Théoule-sur-Mer (06590) ; la COMMUNE DE THEOULE-SUR-MER demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets de l'Esterel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
Vu 2°/, sous le n° 178456, la requête enregistrée le 1er mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Guy C... demeurant à Cannes-Marina, Le Masters H 32 à Mandelieu (06210) ; M. C... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-laNapoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets-de-l'Esterel, de Fréjus, de SaintRaphaël et Tanneron (Var) ;
Vu 3°/, sous le n° 178460, la requête enregistrée le 1er mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DETHEOULE-SUR-MER, agissant en tant que propriétaire privé de parcelles communales appartenant au domaine privé de la commune, représentée par son maire, domicilié à l'Hôtel de Ville à Théoule-sur-Mer (06590) ; la COMMUNE DE THEOULE-SUR-MER demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets-de-l'Esterel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
Vu 4°/, sous le n° 178474, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er mars 1996 et 1er juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI MANDELIEU MAURE VIEIL, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité au siège ... ; la SCI MANDELIEU MAURE VIEIL demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets de l'Estérel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 50 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Vu 5°/, sous le n° 178493, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars 1996 et 1er avril 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Albert X... demeurant ..., M. Daniel X... demeurant ..., M. et Mme D... demeurant au Centre international de Valbonne à Valbonne-Sophia-Antipolis (06000) ; M. X... et autres demandent que le Conseil d'Etat annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Estérel oriental, sur les communes de Mandelieu-laNapoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets de l'Estérel, de Fréjus, de SaintRaphaël et de Tanneron (Var) ;
Vu 6°/, sous n° 178499, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars 1996 et 4 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DES ADRETS DE L'ESTEREL, représentée par son maire domicilié, en cette qualité, Mairie des Adrets de l'Esterel (83600) ; la COMMUNE DES ADRETS DE L'ESTEREL demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets de l'Esterel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
2°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 30 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 7°/, sous le n° 178509, la requête enregistrée le 4 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE SAINTE CATHARINES DEVELOPPEMENT, représentée par son gérant en exercice domicilié au siège social ... ; la SOCIETE SAINTE CATHARINES DEVELOPPEMENT demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (AlpesMaritimes), des Adrets de l'Esterel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
Vu 8°/, sous le n° 178531, la requête enregistrée le 5 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES PROPRIETAIRES FONCIERS DE SAINT-RAPHAEL, représentée par son président, domicilié en cette qualité au siège sis Mairie annexe d'Agay à Agay (83530) ; l'ASSOCIATION DES PROPRIETAIRES FONCIERS DE SAINT-RAPHAEL demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu la Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes maritimes), des Adrets de l'Esterel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
2°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Vu 9°/, sous le n° 178532, la requête enregistrée le 5 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE ET D'ESSOR DU QUARTIER SAINT-JEAN, représentée par son président en exercice, dont le siège est chez M. B..., ... à Mandelieu-la-Napoule ; l' ASSOCIATION DE SAUVEGARDE ET D'ESSOR DU QUARTIER SAINT-JEAN demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets de l'Esterel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ; 2°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 10°/, sous le n° 178533, la requête enregistrée le 5 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES PROPRIETAIRES DES ADRETS DE L'ESTEREL, représentée par son président en exercice, dont le siège est sis Quartier le Planestel aux Adrets de l'Esterel (83600) ; l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES PROPRIETAIRES DES ADRETS DE L'ESTEREL demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites du département des Alpes-Maritimes et du Var du massif de l'Esterel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets de l'Esterel, deFréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
2°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre des frais irréptibles ;
Vu 11°/, sous le n° 178535, la requête, enregistrée le 5 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SARL RIVIERA VALESCURE représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, sis ... Fréjus ; la SARL RIVIERA VALESCURE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Estérel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets-de-l'Estérel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 12°/, sous le n° 178536, la requête et le mémoire, enregistrés les 5 mars et 5 juillet 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-RAPHAEL, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville ; la COMMUNE DE SAINT-RAPHAEL demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des AlpesMaritimes et du Var, du massif de l'Estérel oriental sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets-de-l'Estérel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;

Vu 13°/, sous le n° 178552, la requête, enregistrée le 6 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Pierre Y... et autres, demeurant ... ; M. Y... et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Estérel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets-de-l'Estérel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
Vu 14°/, sous le n° 179073, la requête, enregistrée le 28 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Roger E..., agissant en qualité de légataire universel de la succession Henri J.J. Z..., demeurant résidence "Le Peyron" bâtiment H, ... ; M. E... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des Alpes-Maritimes et du Var, du massif de l'Estérel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule, de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets-de-l'Estérel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;
2°) à titre subsidiaire de prononcer l'annulation partielle du décret en ce qu'il concerne les parcelles cadastrées section AE n° 7 et n° 17 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 15°/, sous le n° 185268, l'ordonnance en date du 29 janvier 1997, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 31 janvier 1997, par laquelle le président du tribunal administratif de Nice a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Jean F... et Mme Rosette A... demeurant à Tanneron (83440), quartier Les Barnières ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice, le 11 mars 1996, présentée par M. F... et Mme A... et tendant à l'annulation du décret du 3 janvier 1996 portant classement parmi les sites des départements des AlpesMaritimes et du Var, du massif de l'Estérel oriental, sur les communes de Mandelieu-la-Napoule et de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), des Adrets-de l'Estérel, de Fréjus, de Saint-Raphaël et de Tanneron (Var) ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 2 mai 1930 ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 92-125 du 6 février 1992 ;
Vu la loi n° 93-24 du 8 janvier1993 ;
Vu la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu le décret n° 69-607 du 13 juin 1969 ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu le décret n° 86-455 du 14 mars 1986 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SCI MANDELIEU MAURE VIEIL, de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la VILLE DES ADRETS DE L'ESTEREL, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la VILLE DE SAINT-RAPHAEL, de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la Société Dramont Aménagement, - les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 178455, 178456, 178460, 178474, 178493, 178499, 178509, 178531, 178532, 178533, 178535, 178536, 178552, 179073, 185268 susvisées tendent à l'annulation du même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité de l'intervention de l'association "Les Amis de la Corniche d'Or Varoise" :
Considérant que l'association "Les Amis de la Corniche d'Or Varoise" a intérêt au maintien du décret attaqué ; que, par suite, son intervention est recevable ;
Sur les fins de non recevoir opposées aux requêtes n°s 178536, 178552, 179073 :
Considérant que si l'association "Les Amis de la Corniche d'Or Varoise" soutient que la COMMUNE DE SAINT-RAPHAEL est irrecevable à contester le décret portant classement du massif de l'Esterel en l'absence d'intérêt et faute pour le maire de cette commune d'avoir produit l'autorisation du conseil municipal d'engager cette action, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le territoire de la COMMUNE DE SAINT-RAPHAEL est affecté par le décret de classement, d'autre part, que son maire a été régulièrement habilité par le conseil municipal pour former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre du décret attaqué ; qu'ainsi la requête n° 178536 présentée au nom de la commune est recevable ;
Considérant en revanche que M. Y... et autres, qui ont présenté la requête n° 178552 contre le même décret, ne justifient pas, en se prévalant de leur seule qualité de conseillers municipaux, d'une qualité leur donnant intérêt pour contester le décret du 3 juin 1996 ; que, par suite, leur requête est irrecevable ;
Considérant que seul un extrait du décret du 3 janvier 1996 portant classement du site de l'Estérel a été publié au Journal Officiel du 5 janvier 1996, accompagné de l'indication que le texte intégral du décret et les plans annexés pourraient être consultés à la préfecture des Alpes-Maritimes, à la préfecture du Var et dans les mairies de Mandelieu-laNapoule, Théoule-sur-Mer, les Adrets-de-l'Estérel, Fréjus, Saint-Raphaël et Tanneron ; qu'ainsi, le délai de recours contentieux à l'encontre de ce décret n'a pu commencer à courir qu'à partir de la date à laquelle son texte complet et ses annexes ont pu être consultés par le public dans les conditions précitées, c'est-à-dire à partir du 19 février 1996 ; que par suite la requête 179073 de M. Roger E... et autres, enregistrée le 28 mars 1996, l'a été avant l'expiration du délai de recours contentieux ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 deuxième alinéa de la loi du 2 mai 1930 modifiée, réorganisant la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque : "la commission départementale des monuments naturels et des sites prend l'initiative des classements qu'elle juge utiles et donne son avis sur les propositions de classement qui lui sont soumises" ; qu'il résulte de ces dispositions d'une part, que l'initiative du classement d'un site ne constitue pas une prérogative exclusive de la commission départementale des monuments naturels et des sites et, d'autre part, que cette commission est habilitée à délibérer sur les propositions en matière de classement de sites qui, comme en l'espèce, lui sont soumises par le ministre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de la loi du 8 janvier 1993 : "Il est institué, dans chaque département, une commission dite commission des sites, perspectives et paysages. Cette commission présidée par le préfet, est composée de sept représentants de l'Etat, de sept représentants élus des collectivités territoriales et de dix personnalités qualifiées en matière de protection des sites ( ...)" ; qu'en vertu de l'article 22-III de la même loi, un décret en Conseil d'Etat " ... détermine la composition, le mode de désignation et les modalités de fonctionnement ..." de cette commission ; qu'à la date du décret attaqué, la composition de ladite commission, en l'absence du décret d'application prévu par les dispositions précitées, restait soumise aux dispositions de l'article 3 du décret du 31 mars 1970 ; que par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance de la loi du 8 janvier 1993 ne peut être retenu ;
Considérant qu'aucune disposition de la loi du 2 mai 1930 ni du décret du 13 juin 1969 pris pour l'application des articles 4 et 5 de ladite loi n'impose que la commission départementale des sites donne son avis avant le déroulement de l'enquête publique ;
Considérant que les dispositions du décret du 14 mars 1986 relatives à la consultation des services des domaines ne concernent que les projets d'opérations immobilières et les acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique ; que par suite le moyen tiré par les requérants du défaut de consultation, en l'espèce, des services susmentionnés ne peut être accueilli ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le dossier d'une enquête organisée pour l'application de la loi du 2 mai 1930 comporte un document présentant les conséquences juridiques du classement, n'interdit que le plan de délimitation du site, prévu à l'article 5-1 de cette loi soit établi à partir d'un "tableau d'assemblage cadastral", ni ne prescrit que le dossier d'enquête contienne une pièce indiquant les motifs pour lesquels le projet soumis à enquête a été retenu de préférence aux autres partis envisagés ;

Considérant que les dispositions de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement s'appliquent à "la réalisation d'aménagements d'ouvrages ou de travaux" et non aux enquêtes préalables au classement des sites ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance de ces dispositions n'est pas fondé ;
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, toutes les parcelles incluses dans le classement ont été préalablement soumises à enquête ; que, notamment, les 700 hectares du domaine public maritime inclus dans le périmètre de classement figurent au dossierd'enquête publique ; que si quelques parcelles ont été retirées du classement après la clôture de l'enquête, ces soustractions, qui n'ont pas porté atteinte à l'économie générale du projet et ont été soumises aux deux commissions départementales des sites et à la commission supérieure des sites, sont sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les mesures de publicité relatives à l'ouverture de l'enquête publique ont été exécutées conformément aux dispositions de l'article 4 du décret du 13 juin 1969 ; que la circonstance que l'enquête s'est déroulée pendant les mois d'été est sans incidence sur la régularité de la procédure ;
Considérant que le Conseil d'Etat (section des travaux publics) a examiné le 19 avril et le 28 novembre 1995 le projet de décret relatif au classement du massif de l'Estérel oriental ; que son avis a été communiqué au Premier ministre avant que ne soit signé le décret attaqué du 3 janvier 1996 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 "les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que l'exécution du décret attaqué n'implique nécessairement l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle que les ministres de l'agriculture, de la défense et des finances seraient compétents pour signer ou contresigner ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait dû être contresigné par ces ministres doit être écarté ;
Considérant que la législation relative aux espaces naturels sensibles est distincte de celle relative aux sites classés, sur le fondement de laquelle a été pris le décret attaqué ; que, dès lors, l'intervention du décret attaqué n'avait pas à être précédée de la consultation du collège régional du patrimoine et des sites prévue par la loi du 18 juillet 1985 ;
Considérant que la décision attaquée n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne le classement :

Considérant que si le texte du décret attaqué identifie les parcelles qui délimitent le périmètre du classement, il ne dresse pas, et n'avait pas à dresser, la liste de l'ensemble des parcelles englobées à l'intérieur de ce péritmètre ; que, dès lors, la SCI MANDELIEU MAURE-VIEIL et la COMMUNE DES ADRETS DE L'ESTEREL ne sauraient invoquer de prétendues contrariétés entre le texte du décret et les plans qui lui sont annexés ; qu'en admettant même que la définition du périmètre comporte quelques erreurs matérielles, les plans joints au décret permettent de connaître avec précision toutes les parcelles concernées par le classement ;
Considérant que l'importance -14 300 hectares- de la superficie du site que le gouvernement a entendu protéger ne faisait pas, par elle même, obstacle à ce que cette protection fût établie sur le fondement de la loi du 2 mai 1930 ; que le fait que d'autres régimes de protection auraient pû être utilisés n'est pas susceptible d'entacher d'illégalité le décret attaqué ;
Considérant que le classement contesté ne donne lieu à aucune expropriation d'immeubles ou de droits immobiliers au sens de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, compte tenu du nombreimportant de parcelles concernées et des atteintes graves portées au droit de propriété, le classement du site de l'Esterel oriental aurait dû faire l'objet de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Considérant que le décret attaqué n'implique aucune dépossession, n'emporte, par lui-même, aucune interdiction de construire, et ne prive pas les propriétaires concernés de la possibilité de solliciter, s'ils s'y estiment fondés, l'indemnisation prévue par l'article 8 de la loi susvisée du 2 mai 1930, laquelle n'est en rien contraire aux stipulations du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que le décret attaqué a été pris sur le fondement de la loi du 2 mai 1930 ; que par suite les moyens tirés de ce que ce décret méconnaîtrait certaines dispositions du code de l'urbanisme ou de la législation sur les monuments historiques sont inopérants ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le territoire de la commune des Adrets forme un ensemble boisé classé du massif de l'Esterel oriental qui constitue, alors même qu'il comporte des terrains cultivés et bâtis, un site homogène présentant un caractère pittoresque au sens de l'article 4 de la loi du 2 mai 1930 ; que, dès lors, les auteurs du décret attaqué n'ont pas fait une inexacte application de ces dispositions en incluant une partie de cette commune dans le périmètre figurant sur le plan joint au décret du 3 janvier 1996 ;
Considérant que la circonstance que certains des terrains englobés dans le périmètre de classement du site défini sur le fondement de la loi du 2 mai 1930, n'auraient pas été protégés par la "loi littoral", est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;

Considérant que la SCI MANDELIEU MAURE-VIEIL conteste l'inclusion dans le périmètre de classement de l'ensemble de sa parcelle cadastrée BI 30 et la quasi-totalité de sa parcelle BH 16 et que M. X... et autres contestent l'inclusion de leurs parcelles cadastrées D 11 sur le territoire de Mandelieu-la-Napoule ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à supposer même que les parcelles contestées n'aient pu être regardées, compte tenu de leurs caractéristiques géologiques et topologiques, comme faisant partie intégrante du massif de l'Esterel, elles en constituent les abords immédiats ; que, quand bien même ces parcelles ne présenteraient pas la même qualité paysagère que celle du massif lui-même, elles constituent avec lui un ensemble boisé, très visible, qui contribue à sa protection ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait à tort inclus les parcelles susmentionnées doit être écarté ;
Considérant que la COMMUNE DE SAINT-RAPHAEL et M. E... soutiennent qu'un certain nombre de terrains situés dans le secteur du "Petit Gondin", et dans la "zone de transition" entre la ville et le massif, ont été à tort inclus dans le périmètre de classement, et qu'ils font valoir à cet égard que ces terrains sont situés sur des collines de faible hauteur, sont déjà fortement protégés par le plan d'occupation des sols, et possèdent des caractéristiques géographiques, géologiques, faunistiques et floristiques très différentes de celles du massif de l'Esterel ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que en toute hypothèse les parcelles dont il s'agit s'inscrivent dans un ensemble homogène qui, même s'il comporte quelques zones d'activité, notamment agricoles ou de carrière, constitue une continuité verte et naturelle qui offre de nombreux points de vue sur le massif de l'Estérel et participe à sa protection ; que dès lors le moyen tiré de ce que ces terrains ne pouvaient être inclus dans le périmètre de classement du site au regard de l'intérêt général qu'ils présentent, au sens des dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 2 mai 1930, ne peut être accueilli ;
Considérant, enfin, que contrairement à ce qui est soutenu par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret attaqué aurait englobé des zones qui ne seraient pas indispensables à la mise en valeur et à la sauvegarde du massif de l'Estérel oriental ;
Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier les inconvénients qui résultent du classement du site pour les propriétaires des terrains concernés ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
En ce qui concerne les articles 5 et 6 du décret attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 2 mai 1930 : "Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect, sauf autorisation spéciale" ; qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : "le déclassement total ou partiel d'un monument ou d'un site classé est prononcé, après avis des commissions départementale et supérieure, par décret en Conseil d'Etat" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, à moins d'un déclassement partiel prononcé en application de l'article 14 précité, nul ne peut faire effectuer des travaux sur un site ayant fait l'objet d'un classement qu'après avoir obtenu une autorisation spéciale, donnée au cas par cas, en application de l'article 12 ; que, par suite, en tant qu'elles autorisent les ministres de la défense et de l'équipement à effectuer sans autorisation spéciale des travaux sur des parcelles domaniales qui leur sont affectées, les dispositions des articles 5 et 6 du décret attaqué méconnaissent la loi du 2 mai 1930 ;
Considérant que de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une visite des lieux il résulte que seules les conclusions tendant à l'annulation des articles 5 et 6 du décret du 3 janvier 1996 portant classement du massif de l'Estérel doivent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SCI MANDELIEU MAURE VIEIL, à la COMMUNE DES ADRETS DE L'ESTEREL, à l'ASSOCIATION DES PROPRIETAIRES FONCIERS DE SAINT-RAPHAEL, à l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE ET D'ESSOR DU QUARTIER SAINT-JEAN, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES PROPRIETAIRES FONCIERS DES ADRETS DE L'ESTEREL, à la SARL RIVIERA VALESCURE et à M. Roger E... et autres, les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de l'association "Les amis de la Corniche d'Or Varoise" est admise.
Article 2 : La requête n° 178552 est rejetée.
Article 3 : Les articles 5 et 6 du décret du 3 janvier 1996 attaqué sont annulés.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes susvisées autres que celle portant le n° 178552 est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE THEOULE-SUR-MER, à M. Guy C..., à la SCI MANDELIEU MAURE VIEIL, à M. Albert X..., M. Daniel X..., à M. et Mme D..., à la COMMUNE DES ADRETS DE L'ESTEREL, à la SOCIETE SAINTE CATHARINES DEVELOPPEMENT, à l'ASSOCIATION DES PROPRIETAIRES FONCIERS DE SAINT-RAPHAEL, à l'ASSOCIATION DE SAUVEGARDE ET D'ESSOR DU QUARTIER SAINT-JEAN, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES PROPRIETAIRES DES ADRETS DE L'ESTEREL, à la SARL RIVIERA VALESCURE, à la COMMUNE DE SAINT-RAPHAEL, à M. Jean-Pierre Y..., à M. Roger E..., à M. Jean F..., à Mme Rosette A... et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 178455
Date de la décision : 22/03/1999
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

MONUMENTS ET SITES - MONUMENTS NATURELS ET SITES - CLASSEMENT - Contentieux - Intérêt pour agir - Existence - Commune dont le territoire est affecté par le classement.

41-02-02, 54-01-04-02-01 Une commune dont le territoire est affecté par un décret portant classement d'un site justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de ce décret.

MONUMENTS ET SITES - MONUMENTS NATURELS ET SITES - CLASSEMENT - MODIFICATION DE L'ETAT OU DE L'UTILISATION DES LIEUX - Interdiction d'effectuer des travaux sauf autorisation spéciale (article 2 de la loi du 2 mai 1930) - Conséquence - Illégalité de dispositions d'une décision de classement autorisant certains types de travaux sans autorisation spéciale.

41-02-02-04 Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 2 mai 1930 que, à moins d'un déclassement partiel prononcé en application de l'article 14, nul ne peut faire effectuer des travaux sur un site ayant fait l'objet d'un classement qu'après avoir obtenu une autorisation spéciale, donnée au cas par cas, en application de l'article 12. Illégalité des dispositions d'un décret portant classement d'un site qui autorisent les ministres de la défense et de l'équipement à effectuer sans autorisation spéciale des travaux sur des parcelles domaniales qui leur sont affectées.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTERET - INTERET LIE A UNE QUALITE PARTICULIERE - Décret portant classement d'un site - Commune dont le territoire est affecté par le classement.


Références :

Décret du 31 mars 1970 art. 3
Décret du 03 janvier 1996 art. 5, art. 6 décision attaquée annulation
Décret du 19 février 1996
Décret 69-607 du 13 juin 1969 art. 4
Décret 86-455 du 14 mars 1986
Loi du 02 mai 1930 art. 5, art. 4, art. 5-1, art. 8, art. 12, art. 14
Loi du 12 juillet 1983
Loi du 18 juillet 1985
Loi du 08 janvier 1993 art. 22
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mar. 1999, n° 178455
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Lerche
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:178455.19990322
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