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24/03/1999 | FRANCE | N°178919

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 24 mars 1999, 178919


Vu 1°) sous le n° 178919, la requête enregistrée le 20 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL), dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 96-45 du 18 janvier 1996, instituant une taxe parafiscale au profit du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et de condamner l'Etat à lui

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Vu 1°) sous le n° 178919, la requête enregistrée le 20 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL), dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 96-45 du 18 janvier 1996, instituant une taxe parafiscale au profit du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et de condamner l'Etat à lui payer une somme de 12 060 F, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu, 2°) sous le n° 178920 la requête enregistrée le 20 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) dont le siège est ..., qui demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté interministériel du 18 juin 1996, relatif au financement du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et de condamner l'Etat à lui payer une somme de 12 060 F, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le règlement n° 1035/72/CEE du Conseil des Communautés européennes du 18 mai 1972, modifié ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 48-1228 du 22 juillet 1948 ;
Vu le décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Belliard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) et de Me Foussard, avocat du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL),
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes de l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par une seule décision ;
Sur les conclusions de la requête n° 178919, qui tendent à l'annulation du décret n° 96-45 du 18 janvier 1996, instituant une taxe parafiscale au profit du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes :
Considérant, en premier lieu, que ce décret, qui a été pris après consultation du Conseil d'Etat, ne contient aucune disposition différant, soit de celles qui figuraient dans le projet soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat, soit de celles qui ont été adoptées par le Conseil d'Etat ; que, dès lors, l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué émanerait d'une autorité incompétente ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 9 du traité instituantla Communauté européenne : "I - La Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent ..." ; qu'aux termes de l'article 12 du même traité : "Les Etats membres s'abstiennent d'introduire entre eux de nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent ..." ; que doit être regardée comme une taxe d'effet équivalent à un droit de douane toute charge pécuniaire, fut-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises nationales ou étrangères en raison du fait qu'elles franchissent la frontière, alors même qu'elle ne serait pas perçue au profit de l'Etat, qu'elle n'exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur, et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale ; que l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) soutient que le décret attaqué aurait pour effet d'instituer une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, dès lors qu'y sont soumis les achats de certains fruits et légumes effectués auprès de toute personne vendant en gros, lorsque les produits ainsi achetés sont destinés à faire l'objet d'une livraison intra-communautaire ; qu'il résulte, toutefois, des dispositions du décret que sont également soumis à la taxe qu'il institue les achats ayant pour objet "la vente aux collectivités ou aux opérateurs assurant la transformation de ces produits" ou "la revente au détail sur le marché intérieur" ; qu'appréhendant systématiquement, selon les mêmes critères, les produits nationaux et les produits exportés, la taxe ne peut être regardée, pour le seul motif qu'y sont soumis les produits destinés à une livraison intercommunautaire, comme une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, prohibée par les stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en troisième lieu, que les mécanismes de l'organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, instituée par le règlement n° 1035/72/CEE du Conseil des communautés européennes du 18 mai 1972, modifié, ont pour objet de "tendre à réaliser un équilibre entre l'offre et la demande, à un niveau de prix équitable pour les producteurs en tenant compte des échanges avec les pays tiers, tout en favorisant la spécialisation à l'intérieur de la communauté" ; que, lorsqu'une organisation commune des marchés établie en application des articles 40 et 43 du traité instituant la Communauté européenne met en oeuvre des mécanismes qui ont essentiellement pour but d'atteindre un niveau de prix aux stades de la production et du commerce de gros qui tienne compte à la fois des intérêts de l'ensemble de la production communautaire dans le secteur concerné et de ceux des consommateurs, et qui assure les approvisionnements sans inciter à une production excédentaire, est incompatible avec le fonctionnement de ces mécanismes, la perception d'une taxe frappant un nombre restreint de produits relevant de l'organisation commune, pendant une longue période, dès lors que cette taxe est susceptible, par une influence sensible sur le niveau des prix du marché, d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation ;
Considérant que le décret attaqué institue une taxe d'un taux maximum de 1,8 pour mille, qui s'applique "au secteur des plantes aromatiques à usage culinaire et dans celui des fruits et légumes frais, secs ou séchés n'ayant pas subi de transformation de nature à leur garantir une longue conservation, à l'exception des pommes de terre de conservation et des bananes" ; que, eu égard au taux de cette taxe et au nombre important des produits relevant de l'organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, auxquels elle est applicable, le décret attaqué ne peut être regardé comme instituant une taxe susceptible, par une influence sensible sur le niveau des prix du marché, d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation ; que l'association n'apporte, d'ailleurs, aucun élément précis tendant à démontrer que la taxe pourrait avoir les effets qu'elle allègue ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aucune règle, ni aucun principe n'exige que les personnes assujetties au paiement d'une texte parafiscale soient les bénéficiaires exclusifs et directs des actions d'ordre économique ou social financées par le produit de cette taxe ; que, par suite, en assujettissant les seules personnes physiques ou morales qui effectuent des opérations de vente en gros, ainsi que certains détaillants, au paiement de la taxe qu'il institue, alors même que le produit de celle-ci serait principalement destiné, comme le soutient l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL), au financement de programmes bénéficiant aux producteurs de fruits et légumes, le décret attaqué n'a méconnu, ni les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, ni le principe d'égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 18 janvier 1996 ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL), par application des dispositions de l'article 75-I précité, à payer au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de la requête n° 178920, qui tendent à l'annulation de l'arrêté interministériel du 18 janvier 1996, fixant, pour l'année 1996, le taux effectif de la taxe parafiscale instituée par le décret n° 96-45 du 18 janvier 1996 :
Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, que la requête n° 178919, tendant à l'annulation du décret du 18 janvier 1996, pour l'application duquel l'arrêt attaqué du 18 janvier 1996 a été pris, doit être rejetée ; que, par suite, l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation du décret du 18 janvier 1996 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 3 du décret du 18 janvier 1996, le taux de la taxe parafiscale perçue au profit du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes "est fixé, chaque année, par arrêté du ministre chargé de l'économie, du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé du budget" ; que l'arrêté attaqué porte la signature de ces ministres ; que l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) n'est pas fondée à soutenir qu'il aurait dû être, en outre, signé par le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, chargé par l'article 7 du décret du 9 juin 1993 de l'exécution de celui-ci, dès lors que les dispositions précitées de l'article 3 du décret ne prévoient pas l'intervention de ce ministre pour la fixation du taux de la taxe ;
Considérant, en troisième lieu, que, ni l'article 9 de la loi du 22 juillet 1948, fixant le statut juridique des centres techniques industriels, ni aucun autre texte, n'imposent la consultation du conseil d'administration du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, avant que ne soit pris l'arrêté interministériel fixant, chaque année, le taux de la taxeparafiscale instituée au profit de ce centre ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) soutient qu'en fixant le taux de la taxe à 1,8 pour mille pour l'année 1996, les auteurs de l'arrêté du 18 janvier 1996 auraient commis une erreur manifeste d'appréciation au regard, tant de la situation des redevables de la taxe que de celle du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes ; que ce moyen, faute d'être assorti des précisions qui permettraient au Conseil d'Etat d'en apprécier la portée, ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en dernier lieu, que l'arrêté attaqué, publié au Journal officiel de la République française le 20 janvier 1996, fixe à 1,8 pour mille le taux de la taxe parafiscale pour l'année 1996 ; que, prenant, ainsi, effet à une date antérieure à celle de son entrée en vigueur, il se trouve entaché, pour la période antérieure à cette date, d'une rétroactivité illégale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 18 janvier 1996, qu'en tant qu'il prend effet à compter d'une date antérieure à celle de son entrée en vigueur ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article 75-I précité font obstacle à ce que l'ANEEFEL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêté interministériel du 18 janvier 1996, relatif au financement du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes est annulé, en tant qu'il prend effet à une date antérieure à celle de son entrée en vigueur.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL) est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par le Centre technique interprofessionnel des fruits et des légumes au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION NATIONALE DES EXPEDITEURS ET EXPORTATEURS DE FRUITS ET LEGUMES (ANEEFEL), au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 178919
Date de la décision : 24/03/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-08-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - PARAFISCALITE, REDEVANCES ET TAXES DIVERSES - TAXES PARAFISCALES.


Références :

Arrêté du 18 juin 1996
Arrêté interministériel du 18 janvier 1996 décision attaquée annulation
Décret 96-45 du 18 janvier 1996 décision attaquée confirmation
Loi 48-1228 du 22 juillet 1948 art. 9
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 59-2 du 02 janvier 1959 art. 4


Publications
Proposition de citation : CE, 24 mar. 1999, n° 178919
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Belliard
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:178919.19990324
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