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07/04/1999 | FRANCE | N°142857

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 07 avril 1999, 142857


Vu 1°/, sous le n° 142857, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 1992 et 9 mars 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean-Claude Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er du jugement du 8 octobre 1992 du tribunal administratif de Nice qui n'a pas admis l'intervention qu'il avait présentée en sa qualité de conseiller municipal de Cabasse, au soutien des demandes de M. et Mme X... ;
Vu 2°/, sous le n° 152462 la requête, enregistrée le 1er octobre 1993 au secrétariat du cont

entieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme Louis X..., dem...

Vu 1°/, sous le n° 142857, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 1992 et 9 mars 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean-Claude Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er du jugement du 8 octobre 1992 du tribunal administratif de Nice qui n'a pas admis l'intervention qu'il avait présentée en sa qualité de conseiller municipal de Cabasse, au soutien des demandes de M. et Mme X... ;
Vu 2°/, sous le n° 152462 la requête, enregistrée le 1er octobre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme Louis X..., demeurant ... : M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 8 octobre 1992 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir du plan d'occupation des sols de la commune de Cabasse approuvé le 26 juin 1987, en tant qu'il classe un terrain leur appartenant en zone NDZ, et du certificat d'urbanisme qui leur a été délivré le 23 janvier 1987, et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Cabasse à réparer le préjudice qu'ils ont subi ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 26 juin 1987 et le certificat d'urbanisme du 23 janvier 1987 ;
3°) de condamner la commune de Cabasse à leur payer une somme de 40 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1987 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. et Mme X... et de M. Y... ont trait au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la requête de M. et Mme X... :
Sur les conclusions tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme du 23 janvier 1987 :
Considérant que M. et Mme X... ont formé auprès du directeur départemental de l'équipement du Var un recours gracieux contre le certificat d'urbanisme, comportant une réserve quant à la constructibilité, au regard des dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Cabasse (Var) rendu public le 27 août 1986, de la parcelle n° 584 dont ils sont propriétaires, qui leur a été délivré le 23 janvier 1987 ; que la décision du 19 juin 1987 par laquelle le directeur départemental a rejeté ce recours gracieux a été reçue au plus tard par M. et Mme X... à la date du 25 juin 1987, à laquelle ils en ont fait état dans une lettre adressée au maire de Cabasse ; que le fait que cette décision du 19 juin 1987 ne comporterait pas les mentions relatives aux délais et voies de recours prévues par le septième alinéa ajouté à l'article 1er du décret n° 65-29 du 11 juillet 1965 par le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, auquel faisait alors renvoi l'article R. 89 du code des tribunaux administratifs ne faisait pas obstacle à ce que le délai de recours contentieux commençât à courir à compter du 25 juin 1987, dès lors qu'il n'est pas contesté que ces mentions figuraient sur le certificat d'urbanisme du 23 novembre 1987 ; que, par suite, les conclusions de M. et Mme X... dirigées contre ce certificat d'urbanisme, enregistrées le 27 juin 1988 seulement au greffe du tribunal administratif de Nice, étaient tardives et, dès lors, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Cabasse (Var) du 26 juin 1987 approuvant le plan d'occupation des sols de la commune :
Considérant que la délibération du 26 juin 1987 du conseil municipal de Cabasse, approuvant le plan d'occupation des sols de la commune, a fait l'objet d'un affichage pendant un mois à la mairie, à compter du 31 juillet 1987, et d'une mention dans deux journaux locaux "Var Matin République" et "La Marseillaise" les 1er et 3 août 1987 ; que la publicité ainsi régulièrement donnée à cette délibération a fait courir le délai de recours contentieux à partir du 3 août 1987 ; que, par suite, les conclusions de M. et Mme X... dirigées contre le plan d'occupation des sols approuvé par ladite délibération et enregistrées le 27 juin 1988 seulement au greffe du tribunal administratif de Nice, étaient tardives et, dès lors, irrecevables ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnité dirigées contre la commune de Cabasse :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme X... soutiennent que le plan d'occupation des sols rendu public le 27 août 1986 serait illégal faute d'avoir fait l'objet des mesures de publicité prévues par les articles L. 123-3-2 et R. 123-10 du code de l'urbanisme, de sorte que le certificat d'urbanisme du 23 janvier 1987, qui, ainsi qu'il a été dit, était assorti d'une réserve quant à la constructibilité de la parcelle n° 584 leur appartenant, au regard des dispositions de ce plan, serait lui même illégal ; que l'illégalité ainsi invoquée du certificat d'urbanisme n'est toutefois pas de nature à ouvrir droit à indemnité à M. et Mme X..., dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le maire de Cabasse a rejeté leur demande d'indemnisation, l'échange de la parcelle n° 584 avec la parcelle n° 542 appartenant à Mme Z..., dont la réserve insérée dans le certificat d'urbanisme du 23 janvier 1987 aurait empêché la réalisation, n'était encore qu'à l'état de projet et que, dans ces conditions, le préjudice qu'ils invoquent ne présente pas un caractère direct et certain ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit des quelques réserves émises, dans ses conclusions, par le commissaire-enquêteur sans d'ailleurs que celles-ci soient de nature à le faire regarder comme ayant exprimé un avis défavorable, la commune de Cabasse ait commis une erreur manifeste d'appréciation en classant en zone ND la parcelle n° 584, dès lors que l'ensemble des parcelles situées au nord-ouest du chemin départemental n° 13, où se trouve la parcelle n° 584, ont fait l'objet du même classement, à l'exception de celles qui sont situées en bordure immédiate du chemin départemental n° 13 et à proximité du village de Cabasse ; que, par suite, M. et Mme X... ne peuvent prétendre fonder leurs conclusions aux fins d'indemnité sur l'illégalité alléguée du plan d'occupation des sols approuvé, en tant qu'il délimite la zone ND ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : "N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code ... et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et, en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte aux droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage matériel, direct et certain ..."
Considérant que M. et Mme X... critiquent le jugement attaqué du tribunal administratif de Nice, pour n'avoir pas écarté l'application de ces prescriptions législatives, au motif qu'elles seraient incompatibles avec l'article 1er du Protocole additionnelà la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. - Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ..." ;

Considérant que si ces stipulations ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ;
Considérant, d'une part, que l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme subordonne le principe qu'il édicte de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme à la condition que celles-ci aient été instituées légalement, aux fins de mener une politique d'urbanisme conforme à l'intérêt général et dans le respect des règles de compétence, de procédure et de forme prévues par la loi ; que, d'autre part, cet article ne pose pas un principe général et absolu, mais l'assortit expressément de deux exceptions touchant aux droits acquis par les propriétaires et à la modification de l'état antérieur des lieux ; qu'enfin, le même article ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que, dans ces conditions, M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme serait incompatible avec les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement en zone ND de la parcelle n° 584 appartenant à M. et Mme X... porterait atteinte à des droits acquis, ni que, par son contenu ou par les conditions dans lesquelles il a été prononcé, il ferait peser sur les intéressés une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles repose le plan d'occupation des sols approuvé de la commune de Cabasse ; que, par suite, c'est par une exacte qualification des faits de la cause, contrairement à ce qui est soutenu, que le tribunal administratif de Nice a jugé que M. et Mme X... n'avaient pas droit à indemnité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal de Nice a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnité dirigées contre l'Etat :
Considérant que M. et Mme X... soutiennent que la responsabilité de l'Etat serait engagée à leur égard en raison de la faute qui aurait été commise par ses services, dans le cours de leur participation à la procédure d'élaboration du plan d'occupation des sols de la commune de Cabasse ; qu'étant présentées pour la première fois en appel, ces conclusions ne sont pas recevables ;
En ce qui concerne la requête de M. Y... :

Considérant que M. Y... ne justifiait d'aucun intérêt lui donnant qualité pour intervenir à l'appui des demandes de M. et Mme X..., sa qualité de conseiller municipal de Cabasse n'étant pas de nature à lui conférer un tel intérêt ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice n'a pas admis son intervention ;
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme X... et de M. Y... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Louis X..., à M. Jean-Claude Y..., à la commune de Cabasse (Var) et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 142857
Date de la décision : 07/04/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-01-01 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS.


Références :

Code de l'urbanisme L123-3-2, R123-10, L160-5
Décret 65-29 du 11 juillet 1965 art. 1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983


Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 1999, n° 142857
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lerche
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:142857.19990407
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