La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/1999 | FRANCE | N°178954

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 09 avril 1999, 178954


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mars et 10 mai 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert X..., demeurant à la Résidence "Les Alpilles", 397, corniche Kennedy à Marseille (13007) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision du 22 novembre 1995 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, statuant sur la plainte formée à son encontre par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et du médecin-conseil, chef du service

médical près ladite caisse, lui a infligé la sanction de l'inte...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mars et 10 mai 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert X..., demeurant à la Résidence "Les Alpilles", 397, corniche Kennedy à Marseille (13007) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision du 22 novembre 1995 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, statuant sur la plainte formée à son encontre par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et du médecin-conseil, chef du service médical près ladite caisse, lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois à compter du 1er mai 1996 et jusqu'au 31 juillet 1996 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de déontologie médicale ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 6-1 ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pignerol, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins, et de la SCP Gatineau, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 145-23 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Si la section des assurances sociales du conseil régional de discipline des médecins ( ...) n'a pas rendu sa sentence dans le délai de huit mois à compter de la réception de la plainte, la section des assurances sociales du conseil national compétent peut, à l'expiration de ce délai, être saisie par les requérants ( ...). La juridiction de première instance se trouve de ce fait dessaisie" ;
Considérant que, pour s'estimer régulièrement saisie, en application de l'article R. 145-23 précité du code de la sécurité sociale, de la plainte conjointe de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et du médecin-conseil, chef du service médical près ladite caisse, formée contre M. X... et initialement présentée à la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins de la région Provence-Alpes-Côtes-d'Azur et Corse, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre a souverainement apprécié sans les dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis en relevant que la plainte avait été déposée au conseil régional le 26 mars 1993 et qu'ainsi, le délai de huit mois prévu par l'article R. 145-23 était expiré lorsqu'elle a été saisie le 22 décembre 1993 ; que M. X... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins n'était pas compétente pour connaître de cette plainte ;
Considérant que le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ( ...)" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-7 du code de la sécurité sociale : "La section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins ( ...) comprend, en qualité de président, le conseiller d'Etat siégeant à la section disciplinaire dudit conseil, deux médecins désignés par cette section et choisis dans son sein, un représentant des caisses de sécurité sociale, et un médecin désigné par le ministre chargé de la sécurité sociale sur laproposition de la caisse nationale d'assurance maladie" ; qu'aux termes de l'article R. 145-7 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "A la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins ( ...) le médecin désigné par le ministre chargé de la sécurité sociale, est un médecin-conseil d'un rang au moins égal à celui de médecin-conseil régional" ;

Considérant qu'eu égard à la nature des contestations portées devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, aux conditions de désignation des assesseurs ainsi qu'aux modalités d'exercice de leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres de cette juridiction bénéficient de garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant elle ; qu'en outre, les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'il suit de là qu'alors même que les caisses de sécurité sociale et les médecins conseils ont la faculté de saisir, en application de l'article R. 145-23 du code de la sécurité sociale, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, M. X... n'est pas fondé à soutenir que cette section ne satisfait pas à l'exigence d'indépendance et d'impartialité des juridictions rappelée par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne les juridictions appelées à décider soit de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale ;
Considérant que si M. X... soutient que la décision est entachée d'irrégularité, faute de comporter la signature des membres de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins ayant participé au délibéré, aucune disposition particulière ni aucune règle générale de procédure n'impose que la décision notifiée à l'intéressé soit revêtue de la signature de l'ensemble des membres de la juridiction dont elle doit seulement comporter les noms ;
Considérant que si M. X... a soutenu, devant les juges du fond, que les conditions dans lesquelles s'était déroulée l'enquête préalable à la procédure juridictionnelle engagée contre lui n'avaient pas été régulières, la section des assurances sociales n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que les conditions de l'enquête préalable étaient sans influence sur la régularité de la procédure, elle-même contradictoire, suivie devant elle ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les activités de M. X... dans plusieurs cliniques, considérées comme des activités en cabinet secondaire non autorisées, se sont poursuivies au moins en partie après le 18 mai 1995 ; que, par suite, la section des assurances sociales n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que les faits reprochés, constitutifs d'une infraction continue, n'étaient pas couverts par la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;

Considérant qu'en estimant que les infractions consistant en la tarification d'actes établie par des tiers sans contrôle ni garantie suffisants et en la facturation systématique de suppléments d'honoraires pour des actes accomplis le dimanche en dehors de toute urgence, constituaient des manquements à la probité et à l'honneur professionnel, la section des assurances sociales a fait une exacte application des dispositions de la loi susvisée du 3 août 1995 portant amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner M. X... à payer à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Robert X..., à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, au médecin-conseil, chef du service médical près ladite caisse, au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-03-01 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MEDECINS.


Références :

Code de la sécurité sociale R145-23, L145-7, R145-7
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 95-884 du 03 août 1995


Publications
Proposition de citation: CE, 09 avr. 1999, n° 178954
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pignerol
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 09/04/1999
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 178954
Numéro NOR : CETATEXT000007988590 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1999-04-09;178954 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award