La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/1999 | FRANCE | N°185935

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 14 avril 1999, 185935


Vu 1°, sous le n° 185935, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 mars 1997 et 2 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE (Allier), représentée par son maire en exercice, le COMITE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT-CHER, dont le siège est à la mairie de la Petite Marche, représenté par son président en exercice, l'ASSOCIATION DE DEFENSE LOIRE ET AFFLUENTS dont le siège est à l'Olme par Coubon (43700), représentée par son président en exercice, l'ASSOCI

ATION ALLIER NATURE, dont le siège est situé aux Grivaux par Pierref...

Vu 1°, sous le n° 185935, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 mars 1997 et 2 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE (Allier), représentée par son maire en exercice, le COMITE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT-CHER, dont le siège est à la mairie de la Petite Marche, représenté par son président en exercice, l'ASSOCIATION DE DEFENSE LOIRE ET AFFLUENTS dont le siège est à l'Olme par Coubon (43700), représentée par son président en exercice, l'ASSOCIATION ALLIER NATURE, dont le siège est situé aux Grivaux par Pierrefitte-sur-Loire (03470), représentée par son président en exercice, la FEDERATION DE LA REGION AUVERGNE POUR LA NATURE ET L'ENVIRONNEMENT (FRANE), représentée par son président en exercice, l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES (truite ombre saumon), dont le siège est ..., représentée par le chargé de mission dûment habilité, par M. Michel C..., demeurant au lieu-dit "Les Bancs" à Marcillat-en-Combrailles (03420), M. Fernand THOULY, demeurant au lieudit "La Caborne" à la Petite Marche (03420), M. Marcel VERGE, demeurant au lieudit "Le Monteil" à la Petite Marche (03420), Mme Marie-Thérèse GAYON demeurant au lieudit "Les Vincents" à Saint-Marcel-en-Marcillat (03420) ; les requérants demandent :
- l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 12 décembre 1996 par lequel le préfet de l'Allier et le préfet de la Creuse ont déclaré d'intérêt général et d'utilité publique leprojet de barrage de Chambonchard sur la rivière Cher et décidé la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune d'Evaux-les-Bains dans le département de la Creuse ;
- la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°, sous le n° 185954, l'ordonnance en date du 28 février 1997, enregistrée le 3 mars 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 82 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par le COMITE DE SAUVEGARDE DE LA VALLEE DE CHAMBONCHARD et autres ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de ClermontFerrand le 24 février 1997 présentée par le COMITE DE SAUVEGARDE DE LA VALLEE DE CHAMBONCHARD, dont le siège est chez M. Jean-Pierre A... demeurant au lieudit "La Caborne" à La Petite Marche (03420), représenté par son président en exercice, par l'ASSOCIATION "LOIRE VIVANTE NIEVRE-ALLIER-CHER", dont le siège est au lieudit "Le Bourg" à Béard (58160), représentée par son président en exercice, par l'ASSOCIATION "LOIRE VIVANTE TOURAINE" dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, par l'ASSOCIATION "SOS LOIRE-VIVANTE" dont le siège est ..., au Puy (43000), représentée par son président en exercice, par l'ASSOCIATION "FONDS MONDIAL POUR LA NATURE-FRANCE" dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, par l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE DES PECHEURS PROFESSIONNELS EN EAU DOUCE DU BASSIN DE LA LOIRE ET DES COURS D'EAU BRETONS, dont le siège est au lieu-dit "la Gohardière" à Montjean-sur-Loire (49570),
représentée par son président en exercice, par M. Martin X..., demeurant ..., par M. Gilles Z... demeurant ... à Saint-Pierre des Corps (37700), par M. et Mme D..., demeurant au lieudit "Les Usages" à Béard (58160) ; le COMITE DE SAUVEGARDE DE LA VALLEE DE CHAMBONCHARD et les autres requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 12 décembre 1996, par lequel le préfet de l'Allier et le préfet de la Creuse ont déclaré d'intérêt général et d'utilité publique le projet de barrage de Chambonchard sur la rivière "Cher" et décidé la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune d'Evaux-les-Bains dans le département de la Creuse ;
Vu 3°, sous le n° 197159, l'ordonnance en date du 5 juin 1998, enregistrée le 11 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par le COMITE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT CHER ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 26 mai 1998, présentée par le COMITE DE DEVELOPPEMENTECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT CHER, dont le siège est à la mairie de La Petite Marche (03420), représenté par son président en exercice et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet de l'Allier en date du 29 mars 1998 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la construction du barrage de Chambonchard sur le Cher ;
Vu 4°, sous le n° 197160, l'ordonnance en date du 5 juin 1998, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juin 1998, par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Fernand E... ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 26 mai 1998, présentée par M. Fernand E..., demeurant au lieu-dit "La Caborne" à La Petite Marche (03420) ; M. E... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet de l'Allier en date du 26 mars 1998 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la construction du barrage de Chambonchard sur le Cher ;
Vu 5°, sous le n° 197161, l'ordonnance en date du 5 juin 1998 enregistrée le 11 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Michel C... ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 26 mai 1998, présentée par M. Michel C... demeurant au lieu-dit "Les Bancs" à Marcillat-en-Combrailles (03420) ; M. C... demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet de l'Allier en date du 26 mars 1998 déclarant
cessibles les terrains nécessaires à la construction du barrage de Chambonchard sur le Cher ;
Vu 6°, sous le n° 197162, l'ordonnance en date du 5 juin 1998, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juin 1998 par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Jean-Paul Y... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 26 mai 1998, présentée par M. Jean-Paul Y... demeurant au lieu-dit "Le Plaix" à La Petite Marche (03420) et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet de l'Allier en date du 26 mars 1998 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la construction du barrage de Chambonchard sur le Cher ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe ouverte à la signature à Berne le 19 septembre 1979 ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code rural ;
Vu la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels ;
Vu la loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952 ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 ;
Vu le décret n° 55-1064 du 4 août 1955 ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu le décret n° 92-1042 du 24 septembre 1992 ;
Vu le décret n° 93-1182 du 21 octobre 1993 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, - les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il existe un lien de connexité entre, d'une part, les requêtes de la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE et autres et du COMITE DE SAUVEGARDE DE LA VALLEE DE CHAMBONCHARD et autres, dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Allier et du préfet de la Creuse du 12 décembre 1996 déclarant d'intérêt général et d'utilité publique le projet de barrage de Chambonchard sur le Cher, d'autre part, les requêtes du COMITE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT-CHER, de M. Fernand E..., de M. Michel C... et de M. Jean-Paul Y... dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Allier du 29 mars 1998 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la construction de ce barrage ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;
Sur l'arrêté du 12 décembre 1996 déclarant d'intérêt général et d'utilité publique le projet de barrage :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes en tant qu'elles émanent respectivement de l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES (TOS), de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA LOIRE ET DE SES AFFLUENTS et du FONDS MONDIAL POUR LA NATURE-FRANCE :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 21 octobre 1993 susvisé : "Sauf lorsqu'en application de l'article L. 151-37 du code rural, le caractère d'intérêt général ou d'urgence et, s'il y a lieu, la déclaration d'utilité publique sont prononcés par décret en Conseil d'Etat, un arrêté du préfet ou un arrêté conjoint des préfets lorsque les travaux, ouvrages et installations s'étendent sur plus d'un département statue sur le caractère d'intérêt général ou d'urgence de l'opération et, s'il y a lieu, prononce la déclaration d'utilité publique et accorde l'autorisation prévue à l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée ainsi que toute autre autorisation relevant de la compétence du préfet" ; qu'il est constant que les installations du barrage de Chambonchard dont la construction est prévue sur le Cher ne s'étendent que sur le territoire du département de l'Allier et sur celui de la Creuse ; que, par suite, et alors même que l'enquête se serait déroulée dans des communes situées dans d'autres départements que l'Allier et la Creuse, les préfets de ces deux départements pouvaient légalement signer seuls l'arrêté du 12 décembre 1996 portant déclaration d'intérêt général et déclaration d'utilité publique de l'ouvrage ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 6 du même décret : "A l'exception du cas où les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sont défavorables, il est statué par le préfet dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête. En cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un délai complémentaire qui ne peut être supérieur à deux mois" ; qu'alors même que ce délai n'aurait pas été prorogé ou l'aurait été irrégulièrement, l'administration restait tenue de statuer sur la demande de déclaration d'intérêt général et d'utilité publique que lui avait présentée l'établissement public d'aménagement de la Loire et des ses affluents (EPALA) ; que, dès lors, la circonstance que l'arrêté prorogeant le délai au terme duquel il devait être statué sur cette demande a été incompétemment signé par le seul préfet de l'Allier n'a pas affecté la légalité de l'arrêté du 12 décembre 1996 déclarant d'intérêt général et d'utilité publique le projet de barrage ;
Considérant que l'organisation par l'EPALA d'une exposition itinérante dans différentes communes où devait avoir lieu l'enquête publique préalable à la déclaration d'intérêt général et d'utilité publique du projet de barrage n'a eu ni pour objet ni pour effet de priver le public de la possibilité d'exprimer librement son opinion ; qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que les membres de la commission d'enquête aient fait preuve de partialité ni que l'information donnée par un quotidien local, sous la rubrique d'une commune d'ailleurs non concernée par l'opération, et mentionnant une date inexacte de clôture de l'enquête publique ait empêché quiconque de participer à l'enquête ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de celle-ci ne peuvent qu'être rejetés ;
Considérant que la sous-évaluation de deux postes de dépenses n'a pas entraîné une insuffisance significative de l'appréciation sommaire de dépenses ; que si les requérants soutiennent que des opérations pourtant directement liées à la construction du barrage n'ont pas été prises en compte au titre de cette appréciation, il ressort des pièces du dossier que les programmes de dépollution du Cher à l'amont de Chambonchard et des haldes de l'ancienne mine du Châtelet constituent des opérations distinctes de la construction du barrage ; que le coût des emprunts à contracter pour cette construction n'avait pas à figurer dans l'appréciation sommaire des dépenses ; qu'il en va de même des éventuelles pertes de recettes qui devront être supportées par les communes concernées par les travaux de réalisation du barrage ; que les dépenses afférentes au remembrement dont le montant est incertain à la date où est pris l'acte déclaratif d'utilité publique, ne sont pas incluses dans les dépenses nécessaires à la réalisation de l'opération objet de la déclaration d'utilité publique ; que, dès lors, leur montant n'avait pas davantage à figurer dans l'appréciation sommaire des dépenses ;

Considérant que l'étude d'impact présentait de façon suffisamment détaillée l'analyse de l'état initial du site aussi bien pour la flore que pour la faune tant terrestres qu'aquatiques ; que si quelques inexactitudes et lacunes ont pu être relevées, l'analyse de l'état initial du site ne comportait pas d'erreurs ou d'omissions importantes ; que les effets indirects du projet sont décrits dans différents chapitres de l'étude consacrée aux impacts du projet sur l'environnement ; que l'étude n'avait pas à évoquer les effets d'un éventuel programme de traitement des eaux usées domestiques et industrielles de l'agglomération de Montluçon dès lors que ce programme sera dépourvu d'incidence sur le soutien des étiages du Cher qui constitue l'objectif principal du barrage de Chambonchard ; que si les requérants contestent les conclusions de l'étude d'impact relatives, d'une part, à l'ancienne mine de Montignat et, d'autre part, à l'alimentation des sources thermales d'Evaux-les-Bains il n'apportent pas de justifications pertinentes à l'appui de leurs affirmations ; que les dispositions prévues au titre des recherches archéologiques permettent de sauvegarder d'éventuelles découvertes au cours des travaux ;
Considérant que la notice explicative figurant au dossier d'enquête comporte des développements consacrés aux objectifs du projet et à la justification du choix du site au regard de l'environnement ; que, par ailleurs, l'étude d'impact contient également un chapitre décrivant les objectifs du projet ainsi qu'un autre chapitre expliquant les raisons du choix du site ;
Considérant que le rapport de la commission d'enquête analyse par thèmes et en vingt-trois rubriques distinctes les observations recueillies au cours de l'enquête publique ; qu'il est répondu dans le rapport à ces observations ; que les conclusions et les avis de la commission sont motivés ; qu'ainsi ce rapport ne présente pas d'insuffisances de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'enquête publique ;
Considérant qu'en vertu de l'article 5 et du 2 de l'article 10 du décret du 21 octobre 1993 susvisé le rapport de la commission d'enquête, d'une part, et le dossier d'enquête, d'autre part, doivent notamment comporter la liste des personnes appelées à participer aux dépenses de l'opération parce qu'elles ont rendu nécessaires les travaux projetés ou qu'elles y trouvent un intérêt ainsi que les critères retenus pour la répartition des charges ; qu'en l'espèce, il n'est envisagé aucune participation financière de personnes autres que celle du maître de l'ouvrage, de l'Etat et de l'agence de bassin ; que ni l'Etat, ni l'agence de bassin qui participent financièrement à la réalisation du projet ne peuvent être regardés comme ayant rendu nécessaires les travaux projetés ou y trouvant un intérêt particulier au sens des articles 5 et 10 du décret du 21 octobre 1993 ; que, par suite, le dossier d'enquête publique et le rapport de la commission d'enquête n'avaient pas à comporter les éléments prévus par les dispositions précitées ;
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :
Considérant que les principes énoncés aux articles L. 200-1 et L. 200-2 du code rural et qui sont mis en oeuvre dans les législations appliquées en l'espèce ne sauraient, en tout état de cause, être regardés comme méconnus par l'arrêté attaqué ;

Considérant que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne (SDAGE) adopté par le comité de bassin le 4 juillet 1996 et approuvé par le préfet coordonnateur de bassin énonce, d'une part, que les projets qu'il envisage peuvent comporter des conséquences pour l'environnement, et prévoit d'autre part expressément, la construction et le fonctionnement du barrage de Chambonchard ; qu'ainsi, loin d'être incompatibles avec les objectifs du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, leur réalisation suppose la mise en oeuvre du projet de retenue sur le Cher ; qu'il appartient seulement au règlement d'eau qui devra être pris pour l'exploitation du barrage d'assurer, en tant que de besoin, la cohérence entre les mesures techniques nécessaires au fonctionnement de l'ouvrage et les préconisations techniques du schéma directeur ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 23-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "Dans les cas où les atteintes à l'environnement ou au patrimoine culturel que risque de provoquer un projet d'aménagement ou d'ouvrage le justifient, la déclaration d'utilité publique peut comporter des prescriptions particulières destinées notamment à réduire ou à compenser les conséquences dommageables de ces aménagements ou ouvrages pour l'environnement" ; qu'il résulte de cette disposition que l'insertion de prescriptions particulières dans la déclaration d'utilité publique constitue une simple faculté et non une obligation ; que par suite, l'arrêté attaqué pouvait légalement ne pas comporter l'édiction de telles prescriptions ;
Considérant que les stipulations de la convention de Berne du 19 septembre 1979 créent seulement des obligations aux Etats parties et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne de ces Etats ; que les requérants ne peuvent par suite se prévaloir utilement de la violation de cette convention ; que, d'autre part, le dossier soumis à enquête a été établi conformément aux dispositions du décret du 12 octobre 1977 modifié dans sa rédaction alors en vigueur, pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ; qu'il résulte de l'examen de ces dispositions qu'elles ne méconnaissent pas les objectifs fixés par la directive n° 92/43/CEE du conseil du 21 mai 1992 ; que le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté interpréfectoral au regard de cette directive ne saurait, par suite, et en tout état de cause, être accueilli ;
Considérant que les arrêtés interministériels pris en application des articles R. 211-1 et suivants du code rural pour fixer les listes des espèces animales et végétales à protéger n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'interdire la réalisation de travaux ou d'opérations présentant un caractère d'utilité publique même si elles sont susceptibles de porter atteinte à des espèces protégées, dès lors que ces travaux ou opérations interviennent au terme d'une procédure régulière d'autorisation ; qu'en outre les requérants n'apportent pas de justification à l'appui de leurs allégations relatives aux risques de disparition d'espèces animales et végétales protégés ;

Considérant qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de barrage de Chambonchard a pour objet, en assurant le soutien de l'étiage du Cher, de permettre la dilution de la pollution urbaine à l'aval de la ville de Montluçon ainsi que la satisfaction des besoins en eau pour l'irrigation des terres agricoles ; que ce projet revêt ainsi un caractère d'utilité publique ; qu'eu égard à l'intérêt de l'opération, les inconvénients d'ailleurs limités, inhérents aux atteintes portées à l'environnement, aux forêts et aux paysages ne peuvent être regardés comme excessifs ; que dans ces conditions, ni le coût, ni les inconvénients du projet ne sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE et autres et le COMITE DE SAUVEGARDE DE LA VALLEE DE CHAMBONCHARD et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Allier et du préfet de la Creuse en date du 12 décembre 1996 ;
En ce qui concerne les conclusions de la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE et autres et de l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE et aux autres requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE et autres à payer à l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents les sommes qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur l'arrêté du 29 mars 1998 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la construction du barrage :
Considérant qu'à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 1998 déclarant cessibles les terrains nécessaires à la constitution du barrage de Chambonchard sur le Cher le COMITE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT-CHER et autres se bornent à exciper de l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Creuse et du préfet de l'Allier du 12 décembre 1996 déclarant d'intérêt général et d'utilité publique les travaux de construction du barrage de Chambonchard ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les requêtes dirigées contre cet arrêté doivent être rejetées ; que, par suite, les requêtes dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Allier du 29 mars 1988 ne peuvent elles-mêmes qu'être rejetées ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE et autres et celle du COMITE DE SAUVEGARDE DE LA VALLEE DE CHAMBONCHARD et autres dirigées contre l'arrêté du 12 décembre 1996 du préfet de l'Allier et du préfet de la Creuse sont rejetées.
Article 2 : Les requêtes du COMITE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT-CHER, de M. Fernand E..., de M. Michel C... et de M. Jean-Paul Y... dirigées contre l'arrêté du 29 mars 1998 du préfet del'Allier sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LA PETITE MARCHE, au COMITE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET TOURISTIQUE DE LA VALLEE DU HAUT-CHER, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE LOIRE ET AFFLUENTS, à l'ASSOCIATION ALLIER NATURE, à la FEDERATION DE LA REGION AUVERGNE POUR LA NATURE ET L'ENVIRONNEMENT, à l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES (TOS), à M. Michel C..., à M. Fernand E..., à M. Marcel F..., à Mme Marie-Thérèse B..., au COMITE DE SAUVEGARDE DE LA VALLEE DE CHAMBONCHARD, à l'ASSOCIATION "LOIRE VIVANTE NIEVRE-ALLIER-CHER", à l'ASSOCIATION "LOIRE VIVANTE TOURAINE", à l'ASSOCIATION "SOS LOIRE VIVANTE", à l'ASSOCIATION "FONDS MONDIAL POUR LA NATURE-FRANCE", à l'ASSOCIATION INTERDEPARTEMENTALE DES PECHEURS PROFESSIONNELS EN EAU DOUCE DU BASSIN DE LA LOIRE ET DES COURS D'EAU BRETONS, à M. Martin X..., à M. Gilles Z..., à M. et Mme D..., à M. Jean-Paul Y..., à l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA), au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 185935
Date de la décision : 14/04/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

EAUX - OUVRAGES.

EAUX - ENERGIE HYDRAULIQUE.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - NOTIONS GENERALES - NOTION D'UTILITE PUBLIQUE - EXISTENCE - ENERGIE.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - REGLES GENERALES DE LA PROCEDURE NORMALE - ENQUETES - ENQUETE PREALABLE - DOSSIER D'ENQUETE - ETUDE D'IMPACT.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT - CONTENU - CONTENU SUFFISANT.


Références :

Arrêté du 29 mars 1988
Arrêté du 12 décembre 1996 art. 5
Arrêté du 29 mars 1998
CEE Directive 92-43 du 21 mai 1992 Conseil
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique L23-2
Code rural L200-1, L200-2, R211-1
Convention Berne du 19 septembre 1979
Décret 77-1141 du 12 octobre 1977
Décret 93-1182 du 21 octobre 1993 art. 7, art. 6, art. 10, art. 5
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 2
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 1999, n° 185935
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fougier
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:185935.19990414
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award