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17/05/1999 | FRANCE | N°181680

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 17 mai 1999, 181680


Vu la requête, enregistrée le 5 août 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE, représenté par le président du conseil général, habilité par une délibération de la commission permanente du 2 septembre 1996 ; le DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de la commission centrale d'aide sociale du 30 avril 1996 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 10 janvier 1994 admettant Mme Catherine X... et ses enfants au bénéfice de l'aide mé

dicale et mettant les frais afférents à la charge du DEPARTEMENT DE ...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE, représenté par le président du conseil général, habilité par une délibération de la commission permanente du 2 septembre 1996 ; le DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de la commission centrale d'aide sociale du 30 avril 1996 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 10 janvier 1994 admettant Mme Catherine X... et ses enfants au bénéfice de l'aide médicale et mettant les frais afférents à la charge du DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969, modifiée ;
Vu la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988, modifiée ;
Vu le décret n° 70-708 du 31 juillet 1970, modifié ;
Vu le décret n° 54-883 du 2 septembre 1954, modifié notamment par le décret n° 93-648 du 26 mars 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Prada Bordenave, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, si l'article 192 du code de la famille et de l'aide sociale pose en principe que "les dépenses d'aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours", ledit article, dans la rédaction qui lui a été donnée par l'article 62 de la loi du 6 janvier 1986, réserve cependant l'hypothèse des prestations mentionnées à l'article 35 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ; qu'en outre, depuis les modifications résultant de l'intervention de la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992, la prise en charge des dépenses d'aide médicale obéit aux règles spécifiques édictées à l'article 190-1, ajouté au code de la famille et de l'aide sociale par cette dernière loi ; qu'en vertu du premier alinéa dudit article, les dépenses d'aide médicale sont, sous réserve de la prise en charge par l'Etat des frais afférents à l'interruption volontaire de grossesse mentionnés au 5°) de l'article 35 de la loi du 22 juillet 1983, supportées : "1°) Par le département où réside l'intéressé au moment de l'admission à l'aide médicale ; 2°) Par l'Etat, pour les personnes dépourvues de résidence stable, et ayant fait élection de domicile auprès d'un organisme agréé conformément aux dispositions de l'article 189-3" ; qu'il est précisé au deuxième alinéa de l'article 190-1 qu'"en cas d'admission dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social, les dépenses sont prises en charge par le département où l'intéressé résidait antérieurement à cette admission ou, s'il était dépourvu de résidence stable lors de cette admission, par l'Etat" ;
Considérant que, pour statuer sur la requête du DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE tendant à la réformation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 10 janvier 1994 concernant la prise en charge des frais d'aide médicale de Mme X... et de ses enfants, la commission centrale d'aide sociale s'est, dans sa décision rendue le 30 avril 1996, fondée sur les dispositions du code de la famille et de l'aide sociale relatives au domicile de secours, alors que, s'agissant de l'imputation des dépenses d'aide médicale, devaient seules recevoir application les dispositions susmentionnées de l'article 190-1 du code de la famille et de l'aide sociale ; que l'erreur de droit ainsi commise doit, comme le soutient le département requérant, entraîner l'annulation de cette décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'article 190-1 du code de la famille et de l'aide sociale laisse à la charge de l'Etat les frais d'aide médicale "pour les personnes dépourvues de résidence stable, et ayant fait élection de domicile auprès d'un organisme agréé conformément aux dispositions de l'article 189-3" ; que ce dernier texte subordonne l'octroi de l'aide médicale aux personnes qui se trouvent au moment de la demande "sans résidence stable" et qui n'ont pas élu domicile en application de l'article 15 de la loi du1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion, à l'obligation d'élire domicile auprès d'un organisme spécialement agréé par décision du représentant de l'Etat dans le département ; qu'en vertu de l'article 44-2, ajouté au décret n° 54-883 du 2 septembre 1954 par le décret n° 93-648 du 26 mars 1993, lorsqu'elle est titulaire du livret ou du carnet de circulation mentionnés par l'article 7 de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ou résidence fixe, "une personne sans résidence stable est dispensée de procéder à l'élection de domicile prévue par l'article 189-3 du code de la famille et de l'aide sociale ; elle est réputée avoir pour résidence sa commune de rattachement, sans préjudice de l'application du 2°) de l'article 190-1 de ce code" ;
Considérant, par ailleurs, que si, en vertu de l'article 7 de la loi du 3 janvier 1969, toute personne qui sollicite la délivrance d'un titre de circulation est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée, il résulte des termes du deuxième alinéa de l'article 10 de la même loi que "le rattachement à une commune ne vaut pas domicile fixe et déterminé" et "ne saurait entraîner un transfert de charges de l'Etat sur les collectivités locales, notamment en ce qui concerne les frais d'aide sociale" ; qu'enfin, suivant les dispositions de l'article 10 du décret n° 70-708 du 31 juillet 1970, les titres de circulation institués par la loi du 3 janvier 1969 ont une durée de validité de deux ans, réserve faite des prorogations prévues par l'article 15 du même décret ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'Etat est tenu de prendre en charge les frais d'aide médicale des personnes sans "résidence stable", au nombre desquelles figurent nécessairement les personnes entrant dans le champ des prévisions de la loi du 3 janvier 1969, pour autant que les intéressés aient satisfait à l'obligation de faire élection de domicile, soit auprès d'un organisme agréé au titre de l'article 189-3 du code de la famille et de l'aide sociale, soit en application de la législation sur le revenu minimum d'insertion, soit enfin, en raison de leur rattachement à une commune au titre de l'article 7 de la loi du 3 janvier 1969 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X..., bien qu'elle n'ait pas renouvelé le livret spécial de circulation dont elle était titulaire en application de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1969 ou sollicité l'obtention d'un livret de circulation ou d'un carnet de circulation, vit avec ses enfants à bord d'une caravane ; que, si les terrains d'accueil qu'elle utilise dans différentes communes pour le stationnement de son véhicule sont situés dans le seul DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE, elle ne saurait pour autant être regardée comme ayant une résidence stable dans une commune de ce département ; que, par ailleurs, dans la mesure où elle a été admise au bénéfice du revenu minimum d'insertion, elle satisfait, eu égard aux dispositions combinées de l'article 15 de la loi du 1er décembre 1988 et des articles 189-3 et 190-1 du code de la famille et de l'aide sociale, à l'obligation d'élection de domicile posée par le 2°) de ce dernier texte ; que, dans ces conditions, le DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE est fondé à demander la réformation de la décision préfectorale du 10 janvier 1994 en tant qu'elle a mis à sa charge les dépenses de l'aide médicale dont le bénéfice a été reconnu à Mme X... et à ses enfants ;
Article 1er : La décision de la commission centrale d'aide sociale du 30 avril 1996 est annulée.
Article 2 : La décision du préfet de Maine-et-Loire du 10 janvier 1994 est réformée en tant qu'elle décide que les frais de l'aide médicale accordée à Mme X... et à ses enfantsseront à la charge du département.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 181680
Date de la décision : 17/05/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

AIDE SOCIALE - ORGANISATION DE L'AIDE SOCIALE - DETERMINATION DE LA COLLECTIVITE AYANT LA CHARGE DE L'AIDE - Prise en charge par l'Etat pour les personnes sans "résidence stable" - Notion - Personnes entrant dans le champ des prévisions de la loi du 3 janvier 1969 sous réserve qu'elles aient satisfait à l'obligation de faire élection de domicile.

04-01-005, 04-02-05 L'Etat est tenu de prendre en charge les frais d'aide médicale des personnes sans "résidence stable", au nombre desquelles figurent nécessairement les personnes entrant dans le champ des prévisions de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France dans domicile ou résidence fixe, pour autant que les intéressés aient satisfait à l'obligation de faire élection de domicile, soit auprès d'un organisme agréé au titre de l'article 189-3 du code de la famille et de l'aide sociale, soit en application de la législation sur le revenu minimum d'insertion, soit enfin en raison de leur rattachement à une commune au titre de l'article 7 de la loi du 3 janvier 1969.

AIDE SOCIALE - DIFFERENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE MEDICALE - Prise en charge par l'Etat pour les personnes sans "résidence stable" - Notion - Personnes entrant dans le champ des prévisions de la loi du 3 janvier 1969 sous réserve qu'elles aient satisfait à l'obligation de faire élection de domicile.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 192, 190-1, 189-3
Décret 54-883 du 02 septembre 1954
Décret 70-708 du 31 juillet 1970 art. 10, art. 15
Décret 93-648 du 26 mars 1993
Loi 69-3 du 03 janvier 1969 art. 7, art. 10, art. 2
Loi 83-663 du 22 juillet 1983 art. 35
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11, art. 15
Loi 88-1088 du 01 décembre 1988 art. 15
Loi 92-722 du 29 juillet 1992 art. 190-1, art. 44-2


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 1999, n° 181680
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mme Prada Bordenave
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:181680.19990517
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