La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/1999 | FRANCE | N°190384

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 09 juin 1999, 190384


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 septembre 1997, l'ordonnance en date du 18 septembre 1997 par laquelle le président du tribunal administratif de Lyon transmet au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête dont ce tribunal a été saisi par M. et Mme Sergio X... ;
Vu la demande, enregistrée le 10 juin 1997 au greffe du tribunal administratif de Lyon, présentée par M. et Mme Sergio X..., demeurant ... ; M. et Mme X... demandent :
1°) l'a

nnulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 mars 1997 ...

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 septembre 1997, l'ordonnance en date du 18 septembre 1997 par laquelle le président du tribunal administratif de Lyon transmet au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête dont ce tribunal a été saisi par M. et Mme Sergio X... ;
Vu la demande, enregistrée le 10 juin 1997 au greffe du tribunal administratif de Lyon, présentée par M. et Mme Sergio X..., demeurant ... ; M. et Mme X... demandent :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 mars 1997 par laquelle le consul de France à Bucarest a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme X... et de la décision du 10 avril 1997 par laquelle le ministre des affaires étrangères a confirmé ce refus ;
2°) qu'il soit enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer un visa à Mme X... ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique du Benelux, de la République Fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'article 6-1 de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre des affaires étrangères :
Considérant qu'à la suite de son mariage avec M. Sergio X..., français résidant en France, Mme Mariana Z..., de nationalité roumaine, a demandé un visa de long séjour ; que, par une décision du 21 mars 1997, confirmée le 10 avril 1997 par le ministre des affaires étrangères, le consul de France à Bucarest a rejeté sa demande ; que, si un visa a finalement été accordé à l'intéressée le 7 avril 1998, cette circonstance n'a pas rendu sans objet la requête de M. et Mme X... dirigée contre les décisions des 21 mars et 10 avril 1997 ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant que le ministre des affaires étrangères a fait savoir au Conseil d'Etat que le refus de visa opposé à Mme X... était motivé par son inscription au "Système d'Information Schengen" ;
Considérant que les stipulations du paragraphe 2 de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, en vertu desquelles l'entrée sur le territoire des Parties contractantes doit, en principe, être refusée aux personnes signalées aux fins de non-admission, ne s'appliquent que pour la délivrance des visas de court séjour et non pour celle des visas de long séjour, lesquels ne sont accordés que pour le territoire français et, en vertu de l'article 18 de la même convention, ne donnent pas le droit à leurs bénéficiaires de transiter par le territoire des autres Parties contractantes s'ils sont signalés aux fins de non-admission ; que, toutefois, en se fondant, pour refuser à Mme X... le visa de long séjour qu'elle sollicitait, sur la circonstance qu'elle était inscrite au fichier du "Système d'InformationSchengen", le consul de France à Bucarest n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit, dès lors qu'il ne s'est pas estimé lié par cette inscription pour refuser le visa ;
Mais considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre une décision administrative fondée sur le signalement d'une personne aux fins de non-admission, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré du caractère injustifié de ce signalement alors même qu'il a été prononcé par une autorité administrative étrangère ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'inscription de Mme X... au fichier du "Système d'Information Schengen", opérée par les autorités allemandes, était seulement motivée par le rejet d'une demande d'asile présentée par l'intéressée ; qu'un tel motif n'est pas au nombre de ceux qu'énumèrent limitativement les paragraphes 2 et 3 de l'article 96 de la convention du 19 juin 1990, susceptibles de fonder un signalement aux fins de non-admission ; qu'il suit de là que M. et Mme X... sont fondés à demander l'annulation du refus de visa opposé à Mme X... sur le fondement d'une inscription injustifiée au "Système d'Information Schengen" ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que si l'article 116 de la convention permet aux personnes inscrites à tort au "Système d'Information Schengen" de solliciter l'indemnisation du préjudice causé par une décision d'une partie contractante fondée sur cette inscription, même lorsque cette partie n'est pas l'auteur du signalement, cette stipulation ne déroge pas aux dispositions de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, qui ne permettent pas de saisir directement la juridiction administrative d'une demande d'indemnité sans que celle-ci ait fait l'objet d'une demande préalable auprès de l'administration concernée ; que, par suite, les conclusions à fin d'indemnité présentées en cours d'instance par les requérants sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrit sous astreinte l'octroi d'un visa à Mme X... :
Considérant que, dans son mémoire enregistré le 18 septembre 1998, M. X... admet que la demande de son épouse a été satisfaite par l'octroi d'un visa le 7 avril 1998, lui-même suivi de l'attribution d'un titre de séjour ; que, par suite, il n'y a pas lieu pour le Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions susanalysées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X... la somme de 5 000 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 21 mars 1997 du consul de France à Bucarest et la décision du 10 avril 1997 du ministre des affaires étrangères refusant de délivrer un visa de long séjour à Mme X... sont annulées.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme X... la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Sergio Y... et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 190384
Date de la décision : 09/06/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICATION PAR LE JUGE FRANCAIS - Convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 - Refus d'un visa de long séjour fondé sur l'inscription du demandeur au fichier du "Système d'information Schengen" par une autorité administrative étrangère - a) Erreur de droit - Absence - dès lors que l'administration ne s'estime pas liée par cette inscription - b) Compétence du juge administratif français pour se prononcer sur le caractère fondé de l'inscription au fichier - Existence - c) Inscription motivée uniquement par le rejet d'une demande d'asile - Motif n'étant pas au nombre de ceux limitativement énumérés par l'article 96 de la convention du 19 juin 1990 - Conséquence - Illégalité du refus de visa fondé sur cette inscription (1).

01-01-02-02, 15-05-01-01, 335-01-03-04 a) Si les stipulations du paragraphe 2 de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, en vertu desquelles l'entrée sur le territoire des Parties contractantes doit, en principe, être refusée aux personnes signalées aux fin de non-admission dans le "Système d'Information Schengen", ne s'appliquent que pour la délivrance des visas de court séjour et non pour celle des visas de long séjour, lesquels ne sont accordés que pour le territoire français et, en vertu de l'article 18 de la même convention, ne donnent pas droit à leurs bénéficiaires de transiter par le territoire des autres Parties contractantes s'ils sont signalés aux fins de non-admission, l'administration, en se fondant sur la circonstance qu'un étranger est inscrit au fichier de ce système, pour refuser la délivrance du visa de long séjour sollicité, ne commet pas d'erreur de droit, dès lors qu'elle ne s'estime pas liée par cette inscription. b) Il appartient au juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre une décision administrative fondée sur le signalement d'une personne aux fins de non-admission, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré du caractère injustifié de ce signalement, alors même qu'il a été prononcé par une autorité administrative étrangère. c) Inscription, par les autorités allemandes, d'un ressortissant étranger au fichier du "Système d'Information Schengen" motivée uniquement par le rejet d'une demande d'asile présentée par l'intéressé. Dès lors qu'un tel motif n'est pas au nombre de ceux qu'énumèrent limitativement les paragraphes 2 et 3 de l'article 96 de la convention du 19 juin 1990, susceptibles de fonder un signalement aux fins de non-admission, annulation de la décision du consul de France refusant le visa sollicité au seul motif de l'inscription du demandeur au fichier Schengen.

- RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - LIBERTE DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES - Convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 - Refus d'un visa de long séjour fondé sur l'inscription du demandeur au fichier du "Système d'information Schengen" par une autorité administrative étrangère - a) Erreur de droit - Absence - dès lors que l'administration ne s'estime pas liée par cette inscription - b) Compétence du juge administratif français pour se prononcer sur le bien-fondé de l'inscription au fichier - Existence - c) Inscription motivée uniquement par le rejet d'une demande d'asile - Motif n'étant pas au nombre de ceux limitativement énumérés par l'article 96 de la convention du 19 juin 1990 - Conséquence - Illégalité du refus de visa fondé sur cette inscription (1).

17-01-01 Il appartient au juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre une décision administrative fondée sur le signalement d'une personne aux fins de non-admission dans le "Système d'Information de Schengen", de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré du caractère injustifié de ce signalement, alors même qu'il a été prononcé par une autorité administrative étrangère.

COMPETENCE - COMPETENCE DE LA JURIDICTION FRANCAISE - EXISTENCE - Recours contre un refus de visa par les autorités françaises fondé sur l'inscription du demandeur au fichier du "Système d'Information Schengen" par des autorités administratives étrangères - Contrôle du bien-fondé de la décision d'inscription.

- RJ1 ETRANGERS - SEJOUR DES ETRANGERS - REFUS DE SEJOUR - MOTIFS - Visa de long séjour - Décision de refus fondée sur l'inscription du demandeur au fichier du "Système d'Information Schengen" - a) Erreur de droit - Absence - dès lors que l'administration ne s'estime pas liée par cette inscription - b) Inscription au fichier émanant d'une autorité administrative étrangère - Compétence du juge administratif français pour se prononcer sur le caractère fondé de cette inscription - Existence - c) Inscription motivée uniquement par le rejet d'une demande d'asile - Motif n'étant pas au nombre de ceux limitativement énumérés par l'article 96 de la convention du 19 juin 1990 - Conséquence - Illégalité du refus de visa fondé sur cette inscription (1).


Références :

Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1. Voir décision du même jour, Mme Hamssaoui, p. 172


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 1999, n° 190384
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Mary
Rapporteur public ?: M. Martin Laprade

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:190384.19990609
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award