Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 février 1996 et 28 juin 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. André X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 28 décembre 1995 en tant que par cet arrêt la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement du 18 octobre 1993 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des affaires étrangères refusant le renouvellement de son contrat de coopération ;
2°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 14 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-659 du 18 juillet 1972 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 84-721 du 17 juillet 1984 ,
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bordry, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X... a bénéficié de contrats successifs à durée déterminée de deux ans pour être mis à la disposition des autorités tunisiennes de 1981 à 1991 et servir au titre de la coopération en qualité de maître assistant à l'institut des hautes études commerciales de Tunis ; que le ministre des affaires étrangères l'a rayé des effectifs à compter du 1er octobre 1991 après que M. X... a refusé la nouvelle affectation qui lui était proposée en qualité d'attaché culturel, scientifique et de coopération auprès de l'ambassade de France soit en Ouganda soit au Zimbabwe ; que M. X... se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 décembre 1995 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ministérielle ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article 74 de la loi du 11 janvier 1984 : "Les enseignants non titulaires chargés de fonctions dans des établissements d'enseignement supérieur au titre de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 ... qui ont exercé leurs fonctions pendant deux ans à temps plein dans l'enseignement supérieur, ont vocation à être titularisés, soit dans un corps de l'enseignement supérieur sur des emplois réservés à cet effet, soit dans un corps de l'enseignement secondaire, soit dans un corps technique ou administratif des administrations de l'Etat, sous réserve de remplir les conditions exigées pour l'accès à chacun de ces corps" ; qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article 82 de la même loi, les agents non titulaires qui peuvent se prévaloir des dispositions précitées de l'article 74 de la même loi ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire jusqu'à l'expiration des délais d'option qui leur sont ouverts par les décrets prévus à l'article 80 ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, lorsqu'un contrat de coopération prend fin, notamment en raison de la remise de l'intéressé à disposition du gouvernement français par l'Etat où il servait, l'administration est tenue de lui proposer, dans l'attente de la titularisation à laquelle il peut prétendre, un nouvel emploi d'agent contractuel équivalant à celui qu'il occupait précédemment ; que s'il est établi qu'un tel emploi a été proposé à l'agent et si l'intéressé, informé que son refus lui fera perdre le bénéfice des dispositions du premier alinéa de l'article 82 de la loi du 11 janvier 1984, ne l'a pas accepté, il perd alors ce bénéfice ;
Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'exercer un plein contrôle de l'équivalence de l'emploi refusé par l'agent ; qu'en se bornant, pour juger que M. X... avait perdu le bénéfice du droit au maintien dans un emploi prévu par l'article 82 de la loi du 11 janvier 1984, à relever que "les fonctions n'étaient pas manifestement hors des compétences du requérant ni d'un niveau inférieur à celles qui étaient les siennes en Tunisie", la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que cet arrêt doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... tendant à l'annulation de la décision du ministre de le rayer des effectifs, ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice subi ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : "s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut ... régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de ne pas reconduire M. X... dans les fonctions d'enseignement qu'il exerçait à Tunis en qualité de maître assistant à l'Institut des hautes études commerciales imposait à l'administration de proposer à l'intéressé un emploi équivalant dans le cas où il aurait encore eu vocation à être titularisé ; qu'il ressort des pièces du dossier que les postes d'attaché culturel, scientifique et de coopération proposés à M. X... satisfaisaient en l'espèce à cette condition d'équivalence, que celui-ci était informé de ce que son refus lui faisait perdre le bénéfice des dispositions du premier alinéa de l'article 82 de la loi du 11 janvier 1984 et qu'il les a refusés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision de le radier des effectifs du ministère, ainsi que sa demande d'indemnité ;
Sur l'application de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 28 décembre 1995 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 18 octobre 1993 rejetant ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre des affaires étrangères de le radier des effectifs du ministère et à la réparation du préjudice subi.
Article 2 : Les conclusions susanalysées présentées par M. X... devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées ainsi que ses conclusions complémentaires devant le Conseil d'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. André X... et au ministre des affaires étrangères.