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28/06/1999 | FRANCE | N°167830

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 28 juin 1999, 167830


Vu la requête et les observations complémentaires enregistrées le 10 mars et le 6 avril 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentées par 1/ la CHAMBRE PROFESSIONNELLE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, DE LA CHAUSSURE ET DE LA MAROQUINERIE DE L'AUBE, représentée par son président en exercice, dont le siège est ..., 2/ l'ASSOCIATION MERCATUS, représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ; elles demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 20 décembre 1994 par laquelle la commission nationale d'équipemen

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Vu la requête et les observations complémentaires enregistrées le 10 mars et le 6 avril 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentées par 1/ la CHAMBRE PROFESSIONNELLE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, DE LA CHAUSSURE ET DE LA MAROQUINERIE DE L'AUBE, représentée par son président en exercice, dont le siège est ..., 2/ l'ASSOCIATION MERCATUS, représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ; elles demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 20 décembre 1994 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a autorisé la société "Y... Arthur/Glen X... Troyes SA" à créer sur le territoire de la commune de Pont-Sainte-Marie (Aube) un centre commercial d'une surface de vente de 12 000 m2 comprenant 30 à 40 magasins spécialisés dans l'équipement de la personne et le textile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 73-1123 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, modifiée notamment par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olson, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société "Y... Arthur/Glen X... Troyes" :
Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle la commission nationale d'équipement commercial statue sur un recours exercé à l'encontre d'une décision d'une commission départementale d'équipement commercial se substitue à celle-ci ; que, par suite, les associations requérantes ne sauraient utilement se prévaloir à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la décision susvisée de la commission nationale d'équipement commercial des irrégularités dont aurait été entachée la décision en date du 12 juillet 1994 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de l'Aube avait autorisé le projet litigieux ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4-1 du décret du 9 mars 1993 modifié : "Il est créé un observatoire national d'équipement commercial, chargé de présenter au Premier ministre un rapport annuel sur l'évolution de l'appareil commercial et l'analyse des décisions prises par les commissions d'équipement commercial. L'observatoire national d'équipement commercial donne également son avis sur toute question que lui soumet le ministre chargé du commerce et de l'artisanat" ; que ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'ont prévu que la commission nationale d'équipement commercial devrait solliciter l'avis de l'observatoire national d'équipement commercial sur les divers projets de création ou d'extension d'équipement commercial sur lesquels elle est appelée à se prononcer ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commission nationale n'a pas recueilli un tel avis ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 32 du décret du 9 mars 1993 modifié : "La commission nationale d'équipement commercial entend, à leur requête, le maire de la commune d'implantation, l'auteur de la demande d'autorisation, ainsi que l'auteur ou l'un des auteurs du recours. Elle peut entendre toute personne qu'elle juge utile de consulter" ; que, par cette disposition, le gouvernement a imposé certaines obligations de consultation à la commission nationale et rappelé le principe selon lequel toute autorité administrative appelée à prendre une décision a la faculté, même en l'absence de texte l'y autorisant, de procéder à l'audition de toute personne qu'elle estime utile de consulter ; que, d'une part, ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne faisaient obligation à la commission nationale de procéder à l'audition d'un représentant des observatoires départementaux d'équipement commercial des divers départements compris dans la zone de chalandise du projet litigieux ainsi que des élus des mêmes départements ; que, d'autre part, en décidant de consulter le président de la communauté de communes de l'agglomération troyenne (CAT), la commission nationale d'équipement commercial n'a entaché sa décision d'aucune irrégularité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 30 du décret du 9 mars 1993 susvisé : "La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins" ; qu'il ressort du procès-verbal de la réunion de ladite commission qui s'est tenue le 20 décembre 1994 que celle-ci a eu lieu en présence de ses sept membres ; que l'obligation de quorum résultant de la disposition réglementaire précitée n'a, dans ces conditions, pas été méconnue ; que la circonstance que n'ait pas été mentionné, dans la décision attaquée, qu'il avait été satisfait à cette exigence de quorum est dépourvue d'incidence sur la légalité de ladite décision ;
Considérant, en cinquième lieu, que si les décisions prises par la commission nationale d'équipement commercial doivent être motivées, il a en l'espèce été satisfait à cette exigence ;
Considérant, en sixième lieu, que la circonstance que les visas de la décision attaquée ne font mention ni des avis exprimés par les ministres intéressés ni du décret portant désignation du président et des membres de la commission nationale d'équipement commercial est dépourvue d'incidence sur la légalité de ladite décision ; que, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, la commission nationale d'équipement commercial n'était pas tenue de préciser dans les mentions de la décision attaquée que le bénéficiaire de l'autorisation litigieuse serait tenu, en application de l'article 36 du décret du 9 mars 1993 modifié, de communiquer au préfet et au président de la chambre régionale des comptes une liste récapitulative des contrats conclus à l'occasion de la réalisation du projet autorisé ;
Considérant, en septième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale d'équipement commercial se serait méprise sur la portée du projet sur lequel il lui appartenait de se prononcer au regard des principes d'orientation définis par la loi du 27 décembre 1973 modifiée ; que, par suite, la décision attaquée n'est pas sur ce point entachée d'erreur de fait ;
Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée : "( ...) Dans le cadre des principes définis aux articles 1, 3 et 4, la commission statue en prenant en considérant ( ...) la nécessité d'une concurrence suffisante au sein de chaque forme de commerce et d'artisanat" ; qu'en considérant que ledit projet serait de nature à animer la concurrence existant à l'égard des autres magasins d'usine, la commission nationale d'équipement commercial n'a sur ce point entaché sa décision d'aucune erreur de droit ;

Considérant, enfin, qu'en vertu de l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973 susvisé, dans sa rédaction alors applicable, la commission départementale d'équipement commercial et, sur recours, la commission nationale d'équipement commercial, statuent sur les demandes d'autorisation qui leur sont soumises suivant les principes définis par les articles 1er, 3 et 4 de la loi, en vertu desquels le régime d'autorisation des créations et extensions de grandes surfaces commerciales a pour objet d'éviter "qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux" ; que, pour rechercher si le projet de création ou d'extension qui lui est soumis est conforme à ces exigences, la commission nationale d'équipement commercial doit, notamment, examiner la situation des équipements commerciaux dans la zone où réside la clientèle potentielle de l'établissement concerné ;
Considérant que, par la décision attaquée, la commission nationale d'équipement commercial a autorisé la société "Y... Arthur/Glen X... Troyes" à créer sur le territoire de la commune de Pont-Sainte-Marie (Aube), à la périphérie de Troyes, un centre commercial d'unesurface de vente de 12 000 m regroupant sur un même site une trentaine de magasins de surfaces variables spécialisés dans l'équipement de la personne et principalement dans la vente de vêtements, de chaussures et de produits de lingerie de marque, ces "magasins d'usine" proposant à la vente, à des prix réduits, des articles qui soit proviennent de collections des années antérieures, soit présentent certains défauts de fabrication ; que le centre commercial faisant l'objet du projet litigieux était destiné, à raison de près des trois quarts du chiffre d'affaires, à exercer un effet d'attraction sur une clientèle extérieure au département de l'Aube et de la région, un tel flux de clientèle étant facilité par la desserte autoroutière bénéficiant audit centre, proche de l'intersection des autoroutes A5 et A26 ; que ledit centre était, en outre, de nature à favoriser le regroupement des magasins d'usines proches de Troyes autour des deux pôles d'activités de Pont-Sainte-Marie, correspondant au projet, et de Saint-Julien-les-Villas qui préexistait ; qu'eu égard, d'une part, aux caractéristiques des articles destinés à être proposés à la clientèle du centre commercial faisant l'objet du projet litigieux et, d'autre part, à l'étendue de la zone de chalandise sur laquelle la réalisation dudit centre était susceptible d'opérer un prélèvement sur les dépenses d'équipement de la personne réalisées par les consommateurs, la commission nationale d'équipement commercial a pu légalement considérer que le projet sur lequel il lui appartenait de se prononcer n'était de nature ni à favoriser le gaspillage des équipements commerciaux ni à provoquer l'écrasement de la petite entreprise ; que, par suite, en accordant l'autorisation sollicitée, la commission nationale d'équipement commercial n'a pas méconnu les principes d'orientation résultant de la loi du 27 décembre 1973 modifiée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CHAMBRE PROFESSIONNELLE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, DE LA CHAUSSURE ET DE LA MAROQUINERIE DE L'AUBE et l'ASSOCIATION MERCATUS ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision en date du 20 décembre 1994 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a autorisé la société "Y... Arthur Glen X... Troyes" à créer un centre commercial spécialisé dans l'équipement de la personne de 12 000 m de surface de vente sur le territoire de la commune de Pont-Sainte-Marie (Aube) ;
Article 1er : La requête de la CHAMBRE PROFESSIONNELLE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, DE LA CHAUSSURE ET DE LA MAROQUINERIE DE L'AUBE et de l'ASSOCIATION MERCATUS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE PROFESSIONNELLE DES COMMERCES DE L'HABILLEMENT, DE LA CHAUSSURE ET DE LA MAROQUINERIE DE L'AUBE, à l'ASSOCIATION MERCATUS, à la société "Y... Arthur Glen X... Troyes", à la commission nationale d'équipement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 167830
Date de la décision : 28/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03-01 COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES ACTIVITES ECONOMIQUES - ACTIVITES SOUMISES A REGLEMENTATION - URBANISME COMMERCIAL (LOI DU 27 DECEMBRE 1973 MODIFIEE) - REGLES DE FOND - ECRASEMENT DE LA PETITE ENTREPRISE ET GASPILLAGE DES EQUIPEMENTS COMMERCIAUX -Absence - Centre commercial d'une surface de vente de 12 000 m2 regroupant une trentaine de magasins, eu égard aux caractéristiques des articles proposés et à l'étendue de la zone de chalandise.

14-02-01-05-03-01 Le centre commercial projeté, d'une surface de vente de 12 000 m2, devait regrouper sur un même site une trentaine de magasins spécialisés dans l'équipement de la personne, ces "magasins d'usine" proposant à la vente, à des prix réduits, des articles qui proviennent de collections des années antérieures ou présentent certains défauts de fabrication. Il était destiné, à raison de près des trois quarts de son chiffre d'affaires, à exercer un effet d'attraction sur une clientèle extérieure au département et à la région, facilité par la desserte autoroutière bénéficiant au centre. Eu égard aux caractéristiques des articles destinés à être proposés et à l'étendue de la zone de chalandise du centre, la commission nationale d'équipement commercial a pu légalement considérer que le projet n'était de nature ni à favoriser le gaspillage des équipements commerciaux ni à provoquer l'écrasement de la petite entreprise.


Références :

Décret 93-306 du 09 mars 1993 art. 4-1, art. 32, art. 30, art. 36
Loi 73-1123 du 27 décembre 1973 art. 28, art. 1, art. 3, art. 4


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1999, n° 167830
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Olson
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:167830.19990628
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