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02/07/1999 | FRANCE | N°134922

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 02 juillet 1999, 134922


Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré le 2 mars 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé son arrêté du 4 mars 1991 enjoignant à M. Y... de quitter le territoire français ;
2°) rejette la demande de M. Y... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 nov

embre 1945 ;
Vu le décret n° 82-440 du 26 mai 1982 ;
Vu le code des tribun...

Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré le 2 mars 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé son arrêté du 4 mars 1991 enjoignant à M. Y... de quitter le territoire français ;
2°) rejette la demande de M. Y... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le décret n° 82-440 du 26 mai 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui" ;
Considérant que si, à la date du 4 mars 1991 à laquelle le MINISTRE DE L'INTERIEUR a prononcé son expulsion du territoire français, M. Y... était marié et père de trois enfants nés en France, il ressort des pièces du dossier qu'il a commis en 1988 un viol pour lequel il a été condamné à cinq ans de prison ; que la mesure prise à son encontre n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; qu'ainsi le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a retenu le moyen tiré d'une violation de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté attaqué ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Limoges ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le même magistrat a participé à l'instruction dans le cadre de la procédure judiciaire ayant abouti à la condamnation de M. Y... par la cour d'assises de la Corrèze et présidé la séance de la commission spéciale prévue par l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui n'est pas une juridiction, n'affecte pas la légalité de l'arrêté par lequel a été prononcée la mesure d'expulsion ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... maîtrisait suffisamment la langue française ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'il n'a pu bénéficier, malgré sa demande, de l'assistance d'un interprète lors de son audition par la commission doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant enfin qu'en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction alors en vigueur : "L'étranger ( ....) qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ne peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion" ; que, si M. Y... est entré en France en 1980, il ressort des pièces du dossier qu'il a été écroué le 13 juillet 1988 ; que les années passées en détention ne pouvant être prises en compte pour le calcul des dix ans mentionnés par les dispositions législatives précitées, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait être expulsé en raison de la durée de son séjour en France ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 4 mars 1991 enjoignant à M. Y... de quitter le territoire français ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 23 décembre 1991 est annulé.
Article 2 : La demande de M. Y... devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. X...
Y....


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 134922
Date de la décision : 02/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-02 ETRANGERS - EXPULSION.


Références :

Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 24, art. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 1999, n° 134922
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: M. Martin Laprade

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:134922.19990702
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