Vu, 1°/, sous le n° 167 641, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 mars 1995, présentée pour M. Moubarak Ali X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 20 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 1993 du préfet de la Sarthe refusant de lui restituer sa carte de résident ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu, 2°/, sous le n° 176 626, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 janvier 1996, présentée pour M. Moubarak Ali X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 20 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 1993 du préfet de la Sarthe refusant de lui restituer sa carte de résident ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de M. X... sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que si la présentation d'un recours administratif contre une décision établit que l'auteur de ce recours a eu connaissance de la décision qu'il conteste au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours, une telle circonstance est, par elle-même, sans incidence sur l'application des dispositions de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel selon lesquelles : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant que M. X... a saisi le 28 septembre 1993 le préfet de la Sarthe d'un recours gracieux tendant à l'annulation de la décision du 3 juin 1991 par laquelle lui avait été refusée la restitution de sa carte de résident qu'il avait remise à la préfecture avant un séjour à l'étranger ; que cette décision qui ne mentionnait pas les délais et voies de recours n'a pu faire courir à son égard le délai du recours contentieux ; que, dès lors, c'est à tort que, pour rejeter comme tardive la demande présentée par M. X... le 15 décembre 1993 à l'encontre de la décision du 20 octobre 1993 du préfet de la Sarthe rejetant son recours gracieux, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur la connaissance acquise de la décision du 3 juin 1991 manifestée par ce recours gracieux ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Nantes doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nantes ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., qui était titulaire d'une carte de résident d'une validité de dix ans expirant le 12 novembre 1999, l'a remise spontanément aux services de la préfecture avant de quitter le territoire français le 15 novembre 1990 et que, revenu en France en avril 1991, il a sollicité la restitution de cette carte ; que, pour refuser cette restitution, le préfet s'est fondé sur ce que, du seul fait de la remise de sa carte, l'intéressé devait être regardé comme ayant renoncé à son droit au séjour ; qu'en l'absence de manifestation de volonté expresse de la part de M. X... et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit, dans ce cas, le retrait ou l'abrogation du titrede séjour, le préfet de la Sarthe a commis une erreur de droit ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que les décisions du 3 juin 1991 et du 20 octobre 1993 du préfet de la Sarthe sont entachées d'excès de pouvoir et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Article 1er : Le jugement du 20 décembre 1994 du tribunal administratif de Nantes et les décisions des 3 juin 1991 et 20 octobre 1993 du préfet de la Sarthe sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Moubarak Ali X... et au ministre de l'intérieur.