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02/07/1999 | FRANCE | N°176894

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 02 juillet 1999, 176894


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 janvier et 15 mai 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Anita Y... demeurant ..., Mme Jacqueline Y... épouse X... demeurant, ... et Mme Felicette Y... demeurant ... ; elles demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 16 novembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de leur père, M. Sébastien Y..., tendant à l'annulation du jugement du 27 avril 1993 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à la condamna

tion de l'Etat à lui verser la somme de 8 397 800 F assortie des ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 janvier et 15 mai 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Anita Y... demeurant ..., Mme Jacqueline Y... épouse X... demeurant, ... et Mme Felicette Y... demeurant ... ; elles demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 16 novembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de leur père, M. Sébastien Y..., tendant à l'annulation du jugement du 27 avril 1993 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 397 800 F assortie des intérêts de droit, en réparation du préjudice subi du fait de la perte de valeur vénale de terrains jouxtant la maison d'arrêt de Draguignan ;
2°) condamne l'Etat à leur verser la somme de 11 650 000 F avec intérêts de droit à compter du 18 novembre 1979 en réparation de ce préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de Mmes Anita Emilie Y..., Jacqueline Y... épouse X... et Félicette Y...,
- les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, rejeté comme non fondées les conclusions de M. Y... tendant à la réparation par l'Etat de la perte de valeur vénale de ses terrains résultant de la proximité de l'ouvrage public que constitue la maison d'arrêt de Draguignan, d'autre part, rejeté comme mal dirigées ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice causé par la modification des règles d'occupation des sols applicables dans cette commune, consécutive à la construction de cette maison d'arrêt ; que Mmes Y..., qui ont repris l'instance après le décès de leur père, demandent l'annulation de cet arrêt ;
En ce qui concerne le préjudice causé par la présence et le fonctionnement de l'ouvrage public :
Considérant que, pour rejeter la demande de M. Y..., la cour administrative d'appel de Lyon s'est livrée à une appréciation globale des conséquences de la construction de la maison d'arrêt, compte tenu de l'évolution générale de l'urbanisation du quartier de Saint-Hermentaire où est situé cet ouvrage public et en relevant notamment la valeur moyenne des coefficients d'occupation des sols de ce secteur ainsi que le prix d'une récente transaction immobilière ; qu'ainsi la cour, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments soulevés devant elle, a suffisamment motivé son arrêt ;
En ce qui concerne le préjudice causé par la modification du plan d'occupation des sols :
Considérant que, pour rejeter la demande d'indemnisation du préjudice causé par les modifications du plan d'occupation des sols de la ville de Draguignan, la cour a relevé que ces conclusions mettant en cause la responsabilité de l'Etat du fait de ces modifications étaient mal dirigées ; que ce moyen n'a pas été communiqué aux parties préalablement au jugement de l'affaire en méconnaissance de l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que Mmes Y... sont, par suite, fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 modifiée : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut ( ...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ( ...)" ; qu'en l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : "N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code ( ...)Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ( ...)" ;

Considérant que la construction de la maison d'arrêt de Draguignan a eu pour conséquence, dans le plan d'occupation des sols de cette ville, l'interdiction des plantations à moins de six mètres du mur d'enceinte extérieur, celle des constructions de plus de deux étages et des locaux industriels supérieurs à 11 mètres dans un périmètre de 50 m autour de la prison, enfin, dans ce même périmètre, l'obligation que les murs pignons et les façades ayant une vue sur le mur d'enceinte soient aveugles ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas soutenu que ces servitudes affectant les terrains des consorts Y... porteraient atteinte à des droits acquis ou modifieraient l'état antérieur des lieux ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que, par son contenu ou par les conditions dans lesquelles elle est intervenue, l'institution de ces servitudes dans le plan d'occupation des sols ait fait peser sur les propriétaires une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles reposent ces règles d'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mmes Y... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 novembre 1995 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la requête de M. Y... tendant à l'indemnisation du préjudice causé par la modification du plan d'occupation des sols de Draguignan.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. Y... devant la cour administrative d'appel de Lyon tendant à l'indemnisation du préjudice causé par la modification du plan d'occupation des sols de Draguignan sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mmes Y... devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mmes Anita Y..., Jacqueline Y..., Felicette Y... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 176894
Date de la décision : 02/07/1999
Sens de l'arrêt : Annulation partielle rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR L'EGALITE DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES - RESPONSABILITE DU FAIT DE L'INTERVENTION DE DECISIONS ADMINISTRATIVES LEGALES - Régime légal de responsabilité (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Institution de servitudes ne portant pas atteinte à des droits acquis ou ne modifiant pas l'état antérieur des lieux et ne faisant pas - par son contenu ou par les conditions dans lesquelles elle est intervenue - peser sur les propriétaires une charge spéciale et exorbitante - Droit à indemnisation - Absence (1).

60-01-02-01-01-03, 68-01 L'institution de servitudes dans un plan d'occupation des sols, telles que l'interdiction des plantations à moins de six mètres du mur d'enceinte extérieur de la maison d'arrêt de Draguignan, celle des constructions de plus de deux étages et des locaux industriels supérieurs à 11 mètres dans un périmètre de 50 mètres autour de la maison ainsi que l'obligation que les murs pignons et les façades ayant une vue sur le mur d'enceinte soient aveugles, n'ouvre pas droit à indemnisation dès lors qu'elle ne porte pas atteinte à des droits acquis ou ne modifie pas l'état antérieur des lieux et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, par son contenu ou par les conditions dans lesquelles elle est intervenue, elle ait fait peser sur les propriétaires une charge spéciale et exorbitante (1).

- RJ1 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - Régime légal de responsabilité (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Institution de servitudes ne portant pas atteinte à des droits acquis ou ne modifiant pas l'état antérieur des lieux et ne faisant pas - par son contenu ou par les conditions dans lesquelles elle est intervenue - peser sur les propriétaires une charge spéciale et exorbitante - Droit à indemnisation - Absence (1).


Références :

Code de l'urbanisme L160-5
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11

1.

Cf. Section, 1998-07-03, Bitouzet, p. 288


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 1999, n° 176894
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: M. Martin Laprade

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:176894.19990702
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