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28/07/1999 | FRANCE | N°162756

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 28 juillet 1999, 162756


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre 1994 et 9 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Zabelle X..., demeurant 31, rue du Centre, à Valleroy (54910) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 8 septembre 1994 de la cour administrative d'appel de Nancy, en tant que celle-ci a confirmé le rejet opposé par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 juin 1992 à sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle est restée assujettie au titre de l'année 1983

;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des imp...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 novembre 1994 et 9 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Zabelle X..., demeurant 31, rue du Centre, à Valleroy (54910) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 8 septembre 1994 de la cour administrative d'appel de Nancy, en tant que celle-ci a confirmé le rejet opposé par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 juin 1992 à sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle est restée assujettie au titre de l'année 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par acte notarié du 27 septembre 1983, M. et Mme X..., dont la séparation de corps avait été prononcée par un jugement du 10 février 1972, ont réglé les modalités de partage des biens de leur communauté conjugale, qui comprenait notamment l'ensemble des éléments d'actif de l'entreprise de travaux publics gérée par M. X... ; que des terrains et un pavillon, qui faisaient jusqu'alors partie de cet ensemble, ont été attribués à Mme X..., tandis que la totalité des autres éléments corporels et incorporels du fonds était dévolue à M. X... ; que le supplément d'impôt sur le revenu contesté par Mme X..., auquel celle-ci est restée assujettie au titre de l'année 1983, après que l'administration lui eût accordé le bénéfice de l'étalement des revenus exceptionnels prévu par les dispositions, alors applicables, de l'article 163 du code général des impôts, procède de l'imposition, à son nom, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, en tant que plus-values de cession à court ou à long terme, de la moitié des excédents présentés par les valeurs retenues dans l'acte de partage par rapport aux valeurs comptables nettes, d'une part, des terrains attribués à Mme X... et rattachés à son patrimoine personnel, et, d'autre part, du surplus des éléments d'actif maintenus dans le patrimoine professionnel de M. X... ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'en écartant le moyen tiré par Mme X... de ce que la mention "évaluation d'office" portée sur la notification de redressements qui lui a été adressée le 27 février 1986 aurait eu pour effet de la priver des garanties de la procédure de redressement contradictoire, par le motif qu'en tout état de cause, les règles de cette procédure avaient été, en l'espèce, intégralement observées, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt, ni d'erreur de droit, ni de dénaturation de pièces du dossier ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : "1 ... le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ..." ; que, lorsqu'après avoir fait partie des biens d'une communauté conjugale, les éléments d'actif d'une entreprise individuelle deviennent, du fait de la dissolution de cette communauté due à une séparation de corps ou à un divorce, la propriété indivise des époux ou anciens époux, et que la conduite de l'entreprise est poursuivie par l'un d'eux, l'autre n'en doit pas moins être assujetti à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, par application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts, à raison de toute fraction des résultats de cette entreprise qui lui serait attribuée ; qu'en particulier, si, lors du partage mettant fin à l'indivision, des biens qui figuraient à l'actif de l'entreprise lui sont dévolus et sont transférés dans son patrimoine personnel, les plus-values éventuellement constatées à cette occasion doivent être imposées à son nom ; qu'il ne peut, en revanche, être imposé sur une quelconque "plus-value" ressortant de la valeur attribuée, pour les besoins du partage, à des éléments d'actif dévolus à son conjoint ou ex-conjoint et maintenus par celui-ci au bilan de l'entreprise, ceux-ci ne pouvant être regardés comme faisant l'objet d'une "cession" susceptible de donner lieu à imposition, en vertu des mêmes dispositions de l'article 38, précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que Mme X... était imposable à raison des plus-values constatées lors du retrait de l'actif de l'entreprise et de la reprise dansson patrimoine personnel des terrains qui lui ont été attribués par l'acte de partage du 27 septembre 1983, alors même que, depuis qu'elle était séparée de corps avec M. X..., elle n'avait plus part à la conduite de l'entreprise et n'avait perçu aucune fraction des résultats de son exploitation ;
Considérant que Mme X..., qui a appréhendé ces plus-values, n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en jugeant qu'elle ne pouvait pas utilement invoquer, à l'encontre de leur imposition, les énonciations d'une instruction du 3 janvier 1983, visant la situation des copropriétaires indivis d'un fonds de commerce, qui n'ont pas perçu la part de bénéfices correspondant à leurs droits ;
Considérant qu'il découle de ce qui a été dit plus haut qu'en jugeant que Mme X... avait été, à juste titre, imposée sur la base de la moitié des plus-values regardées, lors de l'établissement des comptes de partage, comme acquises par les éléments d'actif attribués à M. X..., alors que ces éléments, maintenus au bilan de l'entreprise, n'ont fait l'objet d'aucune cession, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi qui se rapportent à cette fraction de l'imposition mise à sa charge, Mme X... est fondée à demander que l'arrêt de la Cour soit, sur ce point, annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce même point, l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'était pas en droit d'imposer Mme X... à raison des plus-values afférentes aux éléments d'actif échus en partage à son époux, le 27 septembre 1983 ; que Mme X... est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 9 juin 1992, le tribunal administratif de Nancy a refusé de la décharger de la fraction, à laquelle elle est restée assujettie au titre de l'année 1983, des droits et intérêts de retard procédant de l'imposition des sommes dont il s'agit, réparties en plus-values à court terme pour un montant de 415 000 F et en plus-values à long terme, soumises à l'impôt au taux de 15 %, pour un montant de 622 500 F ;
Article 1er : L'arrêt du 8 septembre 1994 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé, en tant que celle-ci a statué sur les conclusions de la requête de Mme X... aux fins de décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et des intérêts de retard y afférents auxquels elle est restée assujettie, au titre de l'année 1983, à raison de plus-values à court terme de 415 000 F et de plus-values à long terme de 622 500 F.
Article 2 : Mme X... est déchargée des droits et intérêts de retard mentionnés à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 juin 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi en cassation de Mme X... et de la requête qu'elle avait présentée devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Zabelle X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 162756
Date de la décision : 28/07/1999
Sens de l'arrêt : Annulation partielle décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-03,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION -Partage des biens figurant à l'actif d'une entreprise mettant fin à une indivision née de la dissolution d'une communauté conjugale - Imposition des plus-values éventuellement constatées lors du transfert de certains biens dans le patrimoine personnel de l'un des époux ou ex-époux - Existence - Imposition des plus-values ressortant de la valeur attribuée, pour les besoins du partage, à des éléments d'actif dévolus à l'autre époux ou ex-époux et maintenus au bilan de l'entreprise - Absence (1).

19-04-02-01-03-03 Lors du partage mettant fin à l'indivision, qui résultait de la dissolution d'une communauté conjugale, de biens figurant à l'actif d'une entreprise, les plus-values éventuellement constatées lors du transfert de certains de ces biens dans le patrimoine personnel de celui des époux ou ex-époux qui ne poursuit pas la conduite de l'entreprise peuvent être imposées à son nom. En revanche, cet époux ou ex-époux ne peut être imposé sur une quelconque "plus-value" ressortant de la valeur attribuée, pour les besoins du partage, à des éléments d'actif dévolus à son conjoint ou ex-conjoint et maintenus par celui-ci au bilan de l'entreprise, ces biens ne pouvant être regardés comme ayant fait l'objet d'une cession.


Références :

CGI 163, 38, 11
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987

1.

Rappr. 03-09 1997, Ministre du budget c/ Mme Pagnon, p. 318


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1999, n° 162756
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:162756.19990728
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