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28/07/1999 | FRANCE | N°185343

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 28 juillet 1999, 185343


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février et 5 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 3 décembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre l'ordonnance du 3 mai 1996 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le ministre de l'équipement soit condamné à lui verser la somme de 300 000 F augmentée des

intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1994, en réparation du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février et 5 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 3 décembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre l'ordonnance du 3 mai 1996 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le ministre de l'équipement soit condamné à lui verser la somme de 300 000 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1994, en réparation du préjudice que lui a causé l'absence de son affiliation au régime général de la sécurité sociale ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 300 000 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1994 ; 3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. Christian X...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : "Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux" ; qu'une action qui tend à mettre en cause la responsabilité pour faute d'une collectivité publique à l'égard d'un de ses agents n'appartient pas au contentieux général de la sécurité sociale visé à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale mais relève par sa nature de la compétence de la juridiction administrative, alors même que le litige trouve son origine dans le défaut d'affiliation dudit agent au régime obligatoire de sécurité sociale ainsi qu'au régime de retraite complémentaire en faveur des agents non titulaires de l'Etat institué par le décret susvisé du 23 décembre 1970 ;
Considérant que, par l'article 2 de l'arrêt attaqué, seul contesté devant le Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à l'un de ses agents une indemnité en réparation du préjudice qui aurait résulté pour lui du refus de l'autorité administrative de procéder à son affiliation au régime général et complémentaire de sécurité sociale au titre de son activité au sein de la commission médicale départementale du permis de conduire ; qu'il résulte de ce qui précède qu'elle a ainsi entaché sa décision d'erreur de droit ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 3 décembre 1996, en tant qu'il a rejeté la demande qu'il avait présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il est constant que M. X... a siégé au sein de lacommission médicale départementale du permis de conduire relevant de la préfecture de police de 1971 à 1991 ; qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard aux conditions dans lesquelles ce praticien exerçait cette activité et au lien de subordination existant à l'égard de la collectivité qui faisait appel à ses services il devait être regardé comme ayant la qualité d'agent public non titulaire de l'Etat ; qu'il relevait, dès lors, du régime général de la sécurité sociale, en application des dispositions de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat, en application des dispositions de l'article 1er du décret du 23 décembre 1970 ; que l'Etat avait l'obligation, dès la date de sa prise de fonction, d'assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'IRCANTEC en application, d'une part, des dispositions de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale, issues de l'article 1er du décret du 29 décembre 1945, et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970, et de verser les cotisations correspondantes ; qu'il n'est pas contesté que l'Etat n'a jamais fait procéder à cette immatriculation ni versé les cotisations dont s'agit durant toute la période d'activité de M. X... ;
Considérant, toutefois, que le requérant n'a lui-même jamais sollicité son affiliation au régime de sécurité sociale, comme le lui permettaient pourtant les dispositions de l'article R. 312-10 du code de la sécurité sociale, issues de l'article 4 du décret du 29 décembre 1945 ; qu'il n'a, par ailleurs, pas davantage demandé à la collectivité qui l'employait de faire procéder à son affiliation au régime géré par l'IRCANTEC ; qu'il doit, dans ces conditions, être tenu pour partiellement responsable du préjudice qu'il invoque ; qu'il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité qui lui incombe en laissant à sa charge le quart des conséquences dommageables qui résultent de l'absence de son affiliation ;
Sur l'étendue du préjudice subi par M. X... :
Considérant que le requérant, qui demande le versement d'une somme de 300 000 F, a droit à percevoir, dans cette limite et compte tenu du partage de responsabilité indiqué ci-dessus, une indemnité représentant les trois quarts des sommes qu'il aurait perçues durant la période s'étendant du jour de sa mise à la retraite à la date de la présente décision ; que la fraction de cette indemnité correspondant aux arrérages dus pour la période allant du 28 mars 1991, date de sa mise à la retraite, jusqu'au 27 décembre 1994, date de sa demande préalable, portera intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1994 ; que le surplus de cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter de chacune des échéances annuelles des arrérages des pensions dues au requérant ;
Sur le remboursement des frais exposés au cours de l'instance et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 30 000 F au titre des frais exposés au cours de l'instance et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 3 décembre 1996 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X..., dans la limite de 300 000 F, une somme égale aux trois quarts des pensions de retraite du régime général de sécurité sociale etdu régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat qu'il aurait dû percevoir pour la période allant du 28 mars 1991 à la date de la présente décision. La part de cette somme correspondant aux pensions dues pour la période allant du 28 mars 1991 au 27 décembre 1994 portera intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1994. Le surplus de cette somme portera intérêts au taux légal à compter de chacune des échéances annuelles des arrérages dus à M. X....
Article 3 : L'Etat versera à M. X... une somme de 30 000 F au titre des frais exposés au cours de l'instance et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Christian X... au ministre de l'équipement, des transports et du logement et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 185343
Date de la décision : 28/07/1999
Sens de l'arrêt : Annulation partielle condamnation de l'état
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR DES TEXTES SPECIAUX - ATTRIBUTIONS LEGALES DE COMPETENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - COMPETENCE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES EN MATIERE DE PRESTATIONS DE SECURITE SOCIALE - Limites - Différends relevant par nature d'un autre contentieux - Existence - Action tendant à mettre en cause la responsabilité d'une collectivité publique du fait de son refus d'affilier un agent au régime obligatoire de sécurité sociale - Compétence de la juridiction administrative.

17-03-01-02-04, 17-03-02-05-01-01, 62-05-01-01 Une action qui tend à mettre en cause la responsabilité pour faute d'une collectivité publique à l'égard d'un de ses agents n'appartient pas au contentieux général de la sécurité sociale visé à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale mais relève par sa nature de la compétence de la juridiction administrative, alors même que le litige trouve son origine dans le défaut d'affiliation de l'agent au régime obligatoire de sécurité sociale ainsi qu'au régime de retraite complémentaire en faveur des agents non titulaires de l'Etat institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970.

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - RESPONSABILITE - RESPONSABILITE EXTRA-CONTRACTUELLE - COMPETENCE ADMINISTRATIVE - Existence - nonobstant l'article L - 142-1 du code de la sécurité sociale - Responsabilité d'une collectivité publique du fait de son refus d'affilier un agent au régime obligatoire de sécurité sociale.

SECURITE SOCIALE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - REGLES DE COMPETENCE - COMPETENCE ADMINISTRATIVE - Action tendant à mettre en cause la responsabilité d'une collectivité publique du fait de son refus d'affilier un agent au régime obligatoire de sécurité sociale.


Références :

Code de la sécurité sociale L142-1, L311-2, R312-4, R312-10
Décret du 29 décembre 1945 art. 1, art. 4
Décret 70-1277 du 23 décembre 1970 art. 1, art. 3, art. 7
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1999, n° 185343
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Boissard
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:185343.19990728
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