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28/07/1999 | FRANCE | N°185466

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 28 juillet 1999, 185466


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 10 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE, dont le siège est à Bagnères-de-Bigorre (65200), représentée par son dirigeant en exercice ; la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 novembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, à la demande du ministre de l'écon

omie et des finances, le jugement du 22 novembre 1995, par lequel le...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 10 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE, dont le siège est à Bagnères-de-Bigorre (65200), représentée par son dirigeant en exercice ; la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 novembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, à la demande du ministre de l'économie et des finances, le jugement du 22 novembre 1995, par lequel le tribunal administratif de Pau avait condamné l'Etat à lui verser la somme de 3 137 580 F en réparation du préjudice subi du fait de l'abattement illégal de 10 % pratiqué par les arrêtés préfectoraux fixant, en application de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, les tarifs des soins thermaux pouvant être pratiqués pour les années 1988 à 1992, sur les forfaits et suppléments qui incluent une pratique dispensée plus de neuf fois au cours d'une cure et rejeté sa demande indemnitaire ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 060 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié notamment par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Eoche-Duval, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant que la société requérante a produit les pièces attestant des qualités et pouvoirs des représentants légaux qui ont formé les pourvois en cassation dont le Conseil d'Etat se trouve saisi ; que l'original des requêtes est signé ; que le droit de timbre institué par la loi de finances pour 1994 a été acquitté ; qu'ainsi, les fins de non-recevoir invoquées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne peuvent qu'être écartées ;
Sur l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale : "Sans préjudice des dispositions du présent code relatives aux conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie et les professions de santé, les ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale peuvent fixer par arrêté les prix et les marges des produits et les prix des prestations de services pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. Cette fixation tient compte de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité des praticiens ou entreprises concernés" ;
Considérant qu'il résulte des énonciations des juges du fond qu'en application de ces dispositions, les ministres compétents ont fixé pour chacune des années 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 le taux de hausse applicable aux tarifs des soins dispensés par les établissements thermaux et ont prévu que les tarifs des forfaits et suppléments incluant une pratique dispensée plus de neuf fois au cours d'une cure devraient être minorés d'un abattement de 10 % ; que, saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ces décisions, le Conseil d'Etat statuant aucontentieux a, par une décision en date du 1er juillet 1992, jugé ces dernières dispositions illégales en tant qu'elles prévoyaient l'abattement de 10 % sans l'assortir d'aucune justification ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique pour autant qu'elle entraîne un préjudice direct et certain ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante, qui exploite un établissement thermal, a demandé le versement par l'Etat d'une indemnité destinée à compenser le manque à gagner qui aurait résulté pour elle de l'inclusion dans les tarifs des soins dispensés aux assurés sociaux de l'abattement illégal de 10 % ;

Considérant, il est vrai, ainsi qu'il ressort des énonciations des juges du fond, que les tarifs pratiqués par l'ensemble des établissements thermaux durant la période litigieuse, s'agissant des soins dispensés aux assurés sociaux, correspondaient non aux tarifs fixés par arrêté interministériel en application des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, mais à des tarifs distincts fixés chaque année par voie d'avenants à la convention conclue en 1972 entre la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et les établissements thermaux ;
Mais considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de la sécurité sociale ; qu'au nombre de ces principes figure celui selon lequel le tarif des soins délivrés aux assurés sociaux peut être fixé par voie de convention passée avec les professionnels de santé concernés ; que si un arrêté interministériel du 8 juin 1960, modifié par un arrêté interministériel du 15 décembre 1969, a prévu que les frais de traitement dans les établissements thermaux sont réglés sur la base de forfaits fixés par des conventions entre la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et les établissements thermaux intéressés, ces dispositions, qui sont dépourvues de toute base législative, sont entachées d'incompétence ; qu'ainsi, les seuls tarifs qui pouvaient être légalement rendus obligatoires en matière de soins thermaux étaient les tarifs déterminés par les ministres compétents en application des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale ; qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui s'est fondée, pour estimer que l'illégalité dont étaient entachées les décisions fixant les tarifs des soins thermaux pour les années 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 n'avait pas entraîné pour les établissements concernés un préjudice direct et certain ouvrant droit à réparation, sur l'absence de lien juridique entre les tarifs effectivement pratiqués en matière de soins thermaux et les tarifs définis en application de l'article L. 162-38, a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur l'existence d'un préjudice financier lié à l'intégration d'un abattement illégal dans les tarifs applicables aux soins thermaux :
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la société requérante se borne à demander la réparation du préjudice qui aurait résulté pour elle de la prescription, par les ministres compétents, d'un abattement illégal de 10 % à appliquer aux tarifs des forfaits etsuppléments incluant des pratiques dispensées plus de neuf fois au cours d'une cure pour les années 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992, en faisant valoir que les tarifs applicables, s'agissant de ces catégories de soins, auraient dû être majorés de 10 % ;

Considérant cependant que le préjudice dont la société requérante est fondée à obtenir réparation correspond à la différence existant, le cas échéant, entre les recettes qu'a perçues l'établissement thermal exploité par elle sur la base des tarifs de soins incluant l'abattement illégal et les recettes qu'auraient perçues ledit établissement sur la base de tarifs tels qu'ils pouvaient être légalement fixés par les ministres compétents en application des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que compte tenu, d'une part, de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité de l'ensemble des entreprises du secteur thermal, lequel a bénéficié jusqu'en 1990 d'une hausse régulière et importante du nombre de curistes ainsi que de l'impératif de limitation des dépenses de l'assurance maladie, qui n'est pas étranger à l'objectif que s'est fixé le législateur en édictant les dispositions de l'article L. 162-38, d'autre part, de l'importance des dérogations en matière de prix autorisées par les décisions portant sur les années 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992, les ministres compétents auraient pu légalement retenir pour cette période une grille de tarifs qui aurait assuré aux établissements thermaux dans leur ensemble des recettes de même niveau que celles qu'ils ont effectivement perçues ; que, par ailleurs, il n'est pas allégué par la société requérante que les tarifs applicables à son établissement aurait été fixés à un niveau trop bas au regard de l'évolution de ses charges et de ses revenus ; que, par suite, l'existence d'un manque à gagner résultant pour la société concernée de l'inclusion dans les tarifs des soins thermaux fixés par les ministres compétents pour les années 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 d'un abattement illégal de 10 % sur certaines prestations n'est pas établie ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif de Pau par la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens :
Considérant que la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE, qui succombe dans la présente instance, n'est pas fondée à demander le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 19 novembre 1996 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 22 novembre 1995 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE devant le tribunal administratif de Pau, ensemble les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE tendant à l'applicationdes dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNERES-DE-BIGORRE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 185466
Date de la décision : 28/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ECONOMIQUES.


Références :

Code de la sécurité sociale L162-38
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1999, n° 185466
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eoche-Duval
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:185466.19990728
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