Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 novembre 1997 et 20 mars 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le DEPARTEMENT DU GARD, représenté par le président en exercice du conseil général, habilité par une délibération du 30 octobre 1997 de la commission permanente ; le DEPARTEMENT DU GARD demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi la décision du 25 août 1997 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale du Gard du 12 janvier 1995 et admis Mme Thi-Tham Vi au bénéfice de l'aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais de placement à la maison de retraite de Serre-Cavalier ;
2°) de condamner l'Etat à verser au DEPARTEMENT DU GARD la somme de 10 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat du DEPARTEMENT DU GARD et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du centre hospitalier universitaire de Nîmes,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 186 du code de la famille et de l'aide sociale : "Les personnes de nationalité étrangère bénéficient dans les conditions prévues aux titres II, III et III bis : 1° Des prestations d'aide sociale à l'enfance ; 2° De l'aide sociale en cas d'admission dans un centre d'hébergement et de réadaptation sociale ; 3° De l'aide médicale en cas de soins dispensés par un établissement de santé ou de prescriptions ordonnées à cette occasion, y compris en cas de consultation externe ; 4° De l'aide médicale à domicile, à condition qu'elles justifient soit d'un titre exigé des personnes de nationalité étrangère pour séjourner régulièrement en France, soit d'une résidence ininterrompue en France métropolitaine depuis au moins trois ans ; 5° Des allocations aux personnes âgées et aux infirmes prévues aux articles 158 et 160, à condition qu'elles justifient d'une résidence ininterrompue en France métropolitaine depuis au moins quinze ans avant soixante-dix ans./ Elles bénéficient dans les mêmes conditions des autres formes d'aide sociale, à condition qu'elles justifient d'un titre exigé des personnes de nationalité étrangère pour séjourner régulièrement en France./ Pour tenir compte de situations exceptionnelles, il peut être dérogé aux conditions fixées au 4° et à l'alinéa ci-dessus par décision du ministre chargé de l'action sociale. Les dépenses en résultant sont à la charge de l'Etat" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant la commission centrale d'aide sociale, le centre hospitalier universitaire de Nîmes, a conclu non à l'annulation de la décision du 12 janvier 1995 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Gard avait refusé à Mme Vi, ressortissante vietnamienne dépourvue d'un titre de séjour régulier, la prise en charge de ses frais de placement à la maison de retraite de Serre-Cavalier dépendant du centre hospitalier universitaire de Nîmes, mais uniquement à ce que l'intéressée "bénéficie de la dérogation prévue au dernier alinéa de l'article 186 du code de la famille et de l'aide sociale et que les frais de son séjour soient pris en charge par l'Etat" ; qu'il suit de là qu'en annulant la décision mentionnée ci-dessus de la commission départementale et en admettant Mme Vi au bénéfice de l'aide sociale aux personnes âgées, la commission centrale a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et commis une erreur de droit ; que, dès lors, sa décision doit être annulée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut ( ...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que les conclusions du centre hospitalier universitaire de Nîmes tendent seulement à obtenir le bénéfice de la dérogation prévue au dernier alinéa de l'article 186 précité du code de la famille et de l'aide sociale ; qu'une telle demande, qui relève de la compétence du "ministre chargé de l'action sociale" et qui ne saurait donc être présentée à l'occasion d'un recours devant la juridiction administrative, est irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Nîmes n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 12 janvier 1995 de la commission départementale d'aide sociale du Gard ;
Sur la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstance de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accorder au DEPARTEMENT DU GARD les sommes qu'il demande au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Nîmes qui est la partie perdante s'en voie reconnaître le bénéfice ;
Article 1er : La décision du 25 août 1997 de la commission centrale d'aide sociale est annulée.
Article 2 : La demande du centre hospitalier universitaire de Nîmes devant la commission centrale d'aide sociale et ses conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du DEPARTEMENT DU GARD tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU GARD, au centre hospitalier universitaire de Nîmes et au ministre de l'emploi et de la solidarité.