La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/1999 | FRANCE | N°196872

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 28 juillet 1999, 196872


Vu la requête enregistrée le 2 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Renée X..., demeurant ... et Mme Lucienne Y..., demeurant ... ; Mme X... et Mme Y... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 3 septembre 1995 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 10 janvier 1992 de la commission départementale d'aide sociale de Seine-et-Marne en admettant Mme Hélène Z..., leur mère et grand-mère, au bénéfice de l'aide sociale aux personnes âgées pour la prise en

charge de ses frais de placement à la maison de retraite de Montereau...

Vu la requête enregistrée le 2 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Renée X..., demeurant ... et Mme Lucienne Y..., demeurant ... ; Mme X... et Mme Y... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 3 septembre 1995 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 10 janvier 1992 de la commission départementale d'aide sociale de Seine-et-Marne en admettant Mme Hélène Z..., leur mère et grand-mère, au bénéfice de l'aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais de placement à la maison de retraite de Montereau sous réserve d'une participation globale de ses obligés alimentaires évaluée à 2 000 F ;
2°) condamne l'Etat à verser à chacune d'elles la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant la commission centrale d'aide sociale :
Considérant que le dernier alinéa de l'article 129 du code de la famille et de l'aide sociale selon lequel "Le demandeur, accompagné de la personne ou de l'organisme de son choix, est entendu lorsqu'il le demande", impose à la commission centrale d'aide sociale de mettre les intéressés à même d'exercer la faculté qui leur est ainsi reconnue ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 6 avril 1995, la commission centrale d'aide sociale a fait connaître à l'avocat de Mmes X... et Y... qu'il avait la possibilité d'être entendu à l'audience ; que, si les requérantes font valoir que cet avocat n'avait plus, à la date du 6 avril 1995, mandat pour les représenter devant la commission centrale d'aide sociale, ce fait n'avait pas été porté à la connaissance de la commission et rien, dans le déroulement de la procédure, ne permettait à celle-ci d'avoir des doutes sur l'identité du mandataire ayant seul qualité pour représenter les intéressées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant la commission centrale d'aide sociale serait entachée d'irrégularité doit être écarté ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 144 du code de la famille et de l'aide sociale : "Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil, sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais./ La commission d'admission fixe, en tenant compte du montant de leur participation éventuelle, la proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques. La décision de la commission peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale, d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision de la commission fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus" ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les commissions d'aide sociale, qui ont compétence pour fixer dans quelle mesure les frais de placement des personnes âgées dans les maisons de retraite sont pris en charge par les collectivités publiques, ont compétence pour fixer au préalable le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et de ses débiteurs alimentaires ; qu'il n'appartient, enrevanche, qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant de leur participation à ces dépenses ; qu'ainsi, en procédant, à la suite de la décision de la commission d'admission à l'aide sociale du 1er février 1991 et de la décision de la commission départementale d'aide sociale de Seine-et-Marne du 10 janvier 1992, à l'évaluation du montant de la participation globale des débiteurs alimentaires de Mme Z..., arrêtée à 2 000 F par mois, aux fins de fixer la part des dépenses afférentes au séjour de Mme Z... à la maison de retraite de Montereau à compter du 1er janvier 1990 devant être prise en charge par le département de Seine-et-Marne, la commission centrale d'aide sociale n'a pas méconnu sa compétence ;
Considérant que devant la commission centrale d'aide sociale, Mmes X... et Y..., qui se sont bornées à faire état d'une instance pendante devant les tribunaux judiciaires, n'ont pas soulevé le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de grande instance de Fontainebleau dans son jugement du 9 août 1994 mettant à la charge respective de Mme X... et de Mme Y... le versement mensuel d'une somme de 800 F au titre de l'obligation alimentaire ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la commission centrale d'aide sociale aurait commis une erreur de droit faute d'avoir respecté l'autorité de la chose jugée par le tribunal de grande instance de Fontainebleau ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ; que les requérantes ne sont pas davantage fondées à soutenir que la commission centrale d'aide sociale aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de la décision de l'autorité judiciaire ;
Considérant que, s'il résulte des dispositions précitées de l'article 144 du code de la famille et de l'aide sociale que les décisions des commissions d'aide sociale peuvent être révisées sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments en limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le jugement susmentionné du tribunal de grande d'instance de Fontainebleau n'a pas été produit devant la commission centrale d'aide sociale ; que, par suite, cette dernière n'a pas commis d'erreur de droit en ne procédant pas à la révision des décisions de la commission départementale d'aide sociale et de la commission d'admission à l'aide sociale sur le fondement de l'article 144 du code de la famille et de l'aide sociale ;

Considérant que si, en application desdites dispositions, la commission d'admission à l'aide sociale a, par décision du 9 novembre 1994, prise à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau du 9 août 1994, fixé la participation globale des obligés alimentaires de Mme Z... à 1 600 F par mois, la commission centrale d'aide sociale a pu, sans erreur de droit, confirmer la décision initiale de la commission d'admission du 1er février 1991 qui était seule en cause devant elle ;
Considérant qu'en fixant à 2 000 F la participation globale des obligés alimentaires de Mme Z..., la commission centrale d'aide sociale s'est livrée à une appréciation souveraine des éléments du dossier relatifs notamment à la situation matérielle et financière des intéressées ; qu'une telle appréciation n'est pas susceptible, en l'absence de dénaturation des faits, d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que la date fixée par la commission centrale serait en contradiction avec les règles relatives à l'obligation alimentaire n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mmes X... etMOUYSSAC ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision de la commission centrale d'aide sociale du 3 septembre 1995 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le département de Seine-et-Marne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... et à Mme Y... la somme qu'elles demandent au titre des frais engagés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mmes X... et Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Renée X..., à Mme Lucienne Y..., au département de Seine-et-Marne et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 196872
Date de la décision : 28/07/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

AIDE SOCIALE - ORGANISATION DE L'AIDE SOCIALE - Fixation de la proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques - Compétence des commissions d'aide sociale pour fixer le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et de ses débiteurs alimentaires - Existence.

04-01, 04-04 Il résulte des dispositions de l'article 144 du code de la famille et de l'aide sociale que les commissions d'aide sociale, qui ont compétence pour fixer dans quelle mesure les frais de placement des personnes âgées dans les maisons de retraite sont pris en charge par les collectivités publiques, ont compétence pour fixer au préalable le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et de ses débiteurs alimentaires. En revanche, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant de leur participation à ces dépenses. Ainsi, en procédant à l'évaluation du montant de la participation globale des débiteurs alimentaires de Mme R. aux fins de fixer la part des dépenses afférentes au séjour de celle-ci en maison de retraite devant être prise en charge par le département, la commission centrale d'aide sociale n'a pas méconnu sa compétence.

AIDE SOCIALE - CONTENTIEUX DE L'AIDE SOCIALE - Compétence des commissions d'aide sociale pour fixer le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et de ses débiteurs alimentaires - Existence.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 129, 144
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1999, n° 196872
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Lafouge
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:196872.19990728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award