Vu, 1°) sous le n° 199869, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 1998, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ACTION AUTONOME (SNETAA), dont le siège est ... Fédération à Paris (75015), représenté par son secrétaire général ; le SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ACTION AUTONOME (SNETAA) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 98-681 du 30 juillet 1998, modifiant le décret n° 50-1253 du 6 octobre 1950, fixant les taux de rémunération des heures supplémentaires d'enseignement effectuées par des personnels enseignants des établissements d'enseignement du second degré ;
Vu, 2°) sous le n° 200269, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre et 9 novembre 1998, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société DES AGREGES DE L'UNIVERSITE, dont le siège est ..., représentée par sa présidente en exercice ; la Société DES AGREGESDE L'UNIVERSITE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 98-681 du 30 juillet 1998, modifiant le décret n° 50-1253 du 6 octobre 1950, fixant les taux de rémunération des heures supplémentaires d'enseignement effectuées par des personnels enseignants des établissements d'enseignement du second degré ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 25 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu, 3°) sous le n° 200272, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 7 octobre 1998 et 8 février 1999, présentés pour l'ASSOCIATION "UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES", dont le siège est ...Ecole Polytechnique à Paris (75005), représentée par son président en exercice : l'ASSOCIATION "UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 98-681 du 30 juillet 1998, modifiant le décret n° 50-1253 du 6 octobre 1950, fixant les taux de rémunération des heures supplémentaires d'enseignement effectuées par des personnels enseignants des établissements d'enseignement du second degré ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 20 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ;
Vu les décrets n°s 50-581, 50-582, 50-583 du 25 mai 1950 et le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992, modifiés ;
Vu le décret n° 50-1253 du 6 octobre 1950, modifié ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Belliard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la Société DESAGREGES de l'"UNIVERSITE et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ASSOCIATION "UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES",
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ACTION AUTONOME, de la SOCIETE DES AGREGES DE L'UNIVERSITE et de l'UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie à la requête n° 200269 de la Société DES AGREGES DE L'UNIVERSITE ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le décret n° 74-845 du 11 octobre 1974, relatif à la procédure de fixation des indemnités des personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, signé par le Président de la République, après avoir été délibéré en conseil des ministres, dispose, en son article 2, que l'article 4 du décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948, portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l'Etat relevant du régime général des retraites, est remplacé par les dispositions suivantes : "Les personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles prévues par leur statut général. Ces indemnités sont attribuées par décret" ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au Premier ministre, exerçant le pouvoir réglementaire, de fixer et de modifier les indemnités des personnels civils et militaires de l'Etat, alors même que celles-ci, ainsi que leurs modalités de versement, auraient été fixées, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret, précité, du 11 octobre 1974, par un décret signé par le Président de la République, après avoir été délibéré en conseil des ministres ;
Considérant que le décret n° 50-1253 du 6 octobre 1950 a été modifié, en 1962, 1963 et 1970 par des décrets signés par le Président de la République, après avoir été délibérés en conseil des ministres ; qu'il résulte des dispositions de l'article 4 du décret du 10 juillet 1948, dans sa rédaction issue du décret du 11 octobre 1974, qu'une modification de ce décret du 6 octobre 1950 a pu être légalement décidée par décret du Premier ministre ;
Considérant que les dispositions contestées du décret du 30 juillet 1998, qui modifient le taux des indemnités pour heures supplémentaires de certains personnels enseignants, ne présentent pas le caractère de dispositions statutaires devant être prises par décret en Conseil d'Etat, en application de l'article 8 de la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors même que les personnels concernés peuvent être tenus d'effectuer deux heures supplémentaires en plus de leurs maxima réglementaires de service ; qu'elles ne sont pas davantage au nombre des "règles statutaires" sur lesquelles les comités techniques paritaires doivent être préalablement consultés, en application de l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, de l'article 15 de la loi, précitée, du 11 janvier 1984 et de l'article 12 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982, relatif aux comités techniques paritaires ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi précitée du 13 juillet 1983 : "Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour conduire au niveau national avec le gouvernement des négociations préalables à la détermination de l'évolution des rémunérations et pour débattre avec les autorités chargées de la gestion, aux différents niveaux, des questions relatives aux conditions et à l'organisation du travail" ; que ces dispositions n'imposaient pas au pouvoir réglementaire, avant d'édicter le décret attaqué, de consulter ces organisations ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'en application des décrets n°s 50-581, 50-582, et 50-583 du 25 mai 1950 et du décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992, tout professeur peut, dans l'intérêt du service, être tenu, sauf empêchement pour raison de santé, de faire, en plus de son maximum de service réglementaire, deux heures supplémentaires donnant droit à une indemnité spéciale ; que l'article 2 du décret n° 50-1253 du 6 octobre 1950 prévoyait, dans sa rédaction antérieure à celle qui lui a été donnée par le décret attaqué du 30 juillet 1998, que "le taux annuel de l'indemnité ... est calculé en divisant le traitement moyen ... par le maximum de service réglementaire ; le résultat est multiplié par la fraction 5/6 " ; que l'article 2 du décret du 30 juillet 1998 substitue à cette fraction de 5/6 celle de 9/13, qui correspond au rapport entre la durée effective de l'année scolaire fixée à 36 semaines, et le nombre de semaines que comporte l'année civile ; qu'en vertu de l'article 3 du décret du 6 octobre 1950, dans sa rédaction issue du décret n° 70-35 du 12 janvier 1970, les heures d'interrogation effectuées dans les classes préparatoires aux grandes écoles sont décomptées à l'unité ; qu'avant l'entrée en vigueur du décret du 30 juillet 1998, elles étaient rétribuées à raison du quarantième de l'indemnité pour heure supplémentaire annuelle et d'un coefficient de réduction de 25 % ; que l'article 3 du décret du 30 juillet 1998 substitue à la fraction de 1/40ème, celle, plus favorable, de 1/36ème ; que cette dernière s'applique toutefois à un montant d'indemnité pour heure supplémentaire annuelle, diminuée par l'article 2 du décret attaqué ;
Considérant qu'il ne résulte du fait que la fraction de 9/13ème, désormais utilisée pour le calcul de la rémunération des heures supplémentaires annuelles; a été déterminée en fonction de la durée effective de l'année scolaire, hors périodes de congés et a pour effet d'entraîner une diminution sensible de la rémunération des heures supplémentaires, à l'exception des heures de suppléances, ni que les dispositions contestées du décret du 30 juillet 1998 porteraient atteinte à la garantie fondamentale que constitue pour les fonctionnaires le droit à rémunération après service fait, ni qu'elles auraient été adoptées en méconnaissance du droit à congés annuels, affirmé par le statut général des fonctionnaires ; que le décret attaqué ne porte pas davantage atteinte au principe d'égalité entre agents d'un mêmes corps ;
Considérant enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en modifiant le taux de rémunération des heures supplémentaires effectuées par des personnels enseignants des établissements du second degré, en ajustant, par la prise en compte du nombre de semaines de l'année scolaire, le taux annuel de l'indemnité déterminée à partir du traitement moyen, calculé sur l'année civile, le Premier ministre ait commis une erreur manifeste d'appréciation ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ACTION AUTONOME, la Société DES AGREGES DE L'UNIVERSITE et l'ASSOCIATION "UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES" ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret n° 98-681 du 30 juillet 1998 ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnéà payer à la Société DES AGREGES DE L'UNIVERSITE et à l'UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES les sommes qu'elles demandent, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ACTION AUTONOME, de la SOCIETE DES AGREGES DE L'UNIVERSITE et de l'ASSOCIATION "UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES" sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DE L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ACTION AUTONOME, à la Société DES AGREGES DE L'UNIVERSITE, à l'ASSOCIATION "UNION DES PROFESSEURS DE SPECIALES", au Premier ministre, au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.