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27/09/1999 | FRANCE | N°183047

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 27 septembre 1999, 183047


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 octobre 1996 et 14 février 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent A..., demeurant au lieu-dit "Licciola" à San-Martino-di-Lota (20200), Mlle Jeanne SIMONI demeurant 30, chemin de la colline Saint-Joseph, Bâtiment 7 à Marseille (13009), M. Jean PIRAS, demeurant au lieu-dit "Fontaine Saint-Jean" à Bonifacio (20169), M. Jean-Paul SERENI, demeurant au lieu-dit "Sappa de Colla" à Bonifacio (20169), l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DES BONIFACIENS ET DE LEUR ENVIRONNEMENT

(ADIBE), représentée par son président M. PANZANI, domicili...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 octobre 1996 et 14 février 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent A..., demeurant au lieu-dit "Licciola" à San-Martino-di-Lota (20200), Mlle Jeanne SIMONI demeurant 30, chemin de la colline Saint-Joseph, Bâtiment 7 à Marseille (13009), M. Jean PIRAS, demeurant au lieu-dit "Fontaine Saint-Jean" à Bonifacio (20169), M. Jean-Paul SERENI, demeurant au lieu-dit "Sappa de Colla" à Bonifacio (20169), l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DES BONIFACIENS ET DE LEUR ENVIRONNEMENT (ADIBE), représentée par son président M. PANZANI, domicilié en cette qualité au siège social à Bonifacio (20169) et M. Jules X..., demeurant au Café niçois à Bonifacio (20169) ; M. A... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 février 1996 classant parmi les sites du département de la Corse-du-Sud le site formé par les falaises et le plateau de Bonifacio et le massif du mont de la Trinité sur la commune de Bonifacio ;
2°) de leur communiquer l'intégralité du dossier d'instruction du site, y compris l'avis de la section des travaux publics du Conseil d'Etat ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 24 120 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 2 mai 1930 ;
Vu le décret n° 69-607 du 13 juin 1969 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Vincent A..., de Mme Jeanne A..., de M. Jean Y..., de M. Jean-Paul Z..., de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DES BONIFACIENS ET DE LEUR ENVIRONNEMENT et M. Jules X...,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant par les ministres chargés de leur exécution." ; que l'exécution du décret attaqué n'implique nécessairement l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle que les ministres des finances ou de la défense seraient compétents pour signer ou contresigner ; que dès lors le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait dû être contresigné par ces ministres doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 du décret susvisé du 13 juin 1969 portant application des articles 4 et 5-1 de la loi modifiée du 2 mai 1930 sur la protection des sites : "L'enquête prévue à l'article 5-1 de la loi du 2 mai 1930 préalablement à la décision de classement est organisée par un arrêté du préfet qui désigne le chef de service chargé de conduire la procédure ( ...) " ; que l'article 3 de l'arrêté du 7 janvier 1993 par lequel le préfet de Corse a décidé l'ouverture d'une enquête en vue du classement du site du plateau et des falaises de Bonifacio prévoit que : "Pendant un délai s'écoulant du 1er jour de l'enquête au vingtième jour suivant sa clôture, toute personne intéressée pourra adresser par lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, des observations sur le projet de classement, à Monsieur le sous-préfet de Sartène" ; que ce fonctionnaire étant ainsi désigné pour conduire la procédure, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 7 janvier 1993 n'aurait pas comporté cette désignation manque en fait ;
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 4 du même décret, l'arrêté prescrivant l'enquête "est inséré dans deux journaux dont au moins un quotidien dont la distribution est assurée dans les communes intéressées ( ...)" ; qu'il n'est pas contesté qu'un communiqué de presse annonçant l'ouverture de l'enquête administrative concernant le projet de classement a été inséré dans les journaux "le Provençal-la Corse" et "Corse matin" du 13 janvier 1993 ; que la circonstance que cette insertion a eu lieu sous la forme d'un communiqué de presse et non d'une publication de l'arrêté préfectoral lui-même est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que ce communiqué reprenait toutes les dispositions utiles à l'information du public contenues dans l'arrêté et notamment, dans sa totalité, l'objet du projet de classementqui, portant sur "le site du plateau et des falaises de Bonifacio", n'avait pas à être davantage détaillé ;

Considérant que les requérants soutiennent qu'ils ont "tout lieu de croire que les parcelles classées L. 232 et L. 264 au cadastre de Bonifacio auraient été incluses dans le périmètre de classement sans avoir fait l'objet d'un examen préalable par la commission des sites" ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la parcelle L. 232 n'est pas incluse dans le périmètre de classement, d'autre part, que s'il existe sur la carte au 1/25 000ème une légère différence de tracé entre le tracé soumis à enquête et celui retenu par le décret, aucune différence de tracé n'apparaît sur les plans cadastraux ou dans les documents écrits soumis à enquête et ceux finalement retenus, en particulier en ce qui concerne la parcelle L. 264 ; qu'il en résulte que la différence de tracé dénoncée, due à une simple erreur matérielle, n'a eu aucune incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le dossier d'enquête mentionne l'utilisation qui pourra être faite de terrains inclus dans le site classé ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne l'ensemble du décret :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 2 mai 1930 peuvent faire l'objet d'un classement les "sites dont la conservation ou la préservation présentent, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général" ; que, selon l'article 12 de la même loi : "les monuments naturels et les sites ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale" ; qu'il résulte de ces dispositions que le classement d'un site n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer une inconstructibilité ni d'interdire toute activité économique dans le périmètre de classement, mais seulement de soumettre à autorisation tout aménagement susceptible de modifier l'état des lieux ; qu'il ressort des pièces du dossier que le secteur bâti de Piale et l'anse de la Catena, même s'ils comportent des possibilités de construction et d'activités, s'inscrivent par leur qualité paysagère dans l'ensemble homogène formé par le plateau et les falaises de Bonifacio ; que par suite, contrairement à ce qui est soutenu, ces secteurs ont pu légalement être inclus dans le périmètre de classement ;
En ce qui concerne l'article 2 du décret :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 2 mai 1930, combinées avec celles de son article 14 aux termes duquel : "Le déclassement total ou partiel d'un monument ou d'un site classé est prononcé, après avis des commissions départementales et supérieures, par décret en Conseil d'Etat" que, à moins d'un déclassement partiel prononcé en application de l'article 14, nul ne peut faire effectuer des travaux sur un site ayant fait l'objet d'un classement qu'après avoir obtenu une autorisation spéciale, donnée au cas par cas, en application de l'article 12 ; que, par suite, l'article 2 du décret attaqué qui autorise le ministre chargé de la défense nationale à réaliser, sans autorisation spéciale, sur les parcelles affectées à son département ministériel, toutes installations jugées nécessaires à la satisfaction des impératifs de la défense nationale, méconnaît la loi du 12 mai 1930 et doit être annulé ;
Sur les conclusions de M. A... et autres tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. A... et autres la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du décret du 13 février 1996 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et autres est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Vincent A..., à Mlle Jeanne A..., à M. Jean Y..., à M. Jean-Paul Z..., à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DES BONIFACIENS ET DE LEUR ENVIRONNEMENT (ADIBE), à M. Jules X..., au Premier ministre et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 183047
Date de la décision : 27/09/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - PROMULGATION - PUBLICATION - NOTIFICATION - PUBLICATION - FORMES DE LA PUBLICATION - Enquête préalable à la décision de classement de site - Modalités de publication de l'arrêté préfectoral prescrivant l'enquête - Insertion dans les journaux sous forme d'un communiqué de presse - Communiqué comprenant toutes les dispositions utiles à l'information du public - Régularité de la procédure.

01-07-02-02, 41-02-02-01 L'article 4 alinéa 3 du décret du 13 juin 1969 dispose que l'arrêté prescrivant l'enquête préalable à la décision de classement de site "est inséré dans deux journaux dont au moins un quotidien dont la distribution est assurée dans les communes intéressées (...)". La circonstance que cette insertion a eu lieu sous la forme d'un communiqué de presse et non d'une publication de l'arrêté préfectoral lui-même est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que ce communiqué reprenait toutes les dispositions utiles à l'information du public contenues dans l'arrêté.

MONUMENTS ET SITES - MONUMENTS NATURELS ET SITES - CLASSEMENT - PROCEDURE - Enquête préalable - Modalités de publication de l'arrêté préfectoral prescrivant l'enquête - Insertion dans les journaux sous forme d'un communiqué de presse - Communiqué comprenant toutes les dispositions utiles à l'information du public - Régularité de la procédure.


Références :

Arrêté du 07 janvier 1993 art. 3
Constitution du 04 octobre 1958 art. 22
Décret du 13 février 1996 art. 2 décision attaquée annulation
Décret 69-607 du 13 juin 1969 art. 4
Loi du 02 mai 1930 art. 4, art. 5-1, art. 12, art. 14
Loi du 12 mai 1930
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 27 sep. 1999, n° 183047
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Lerche
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:183047.19990927
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