Vu 1°) sous le n° 186227, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars 1997 et 11 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DE LA PRESSE PERIODIQUE CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE dont le siège est ..., représenté par son président en exercice et par la FEDERATION NATIONALE DE LA PRESSE AGRICOLE ET RURALE dont le siège est également ..., représentée par son président en exercice ; le SYNDICAT DE LA PRESSE PERIODIQUE CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE et la FEDERATION NATIONALE DE LA PRESSE AGRICOLE ET RURALE demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 97-37 du 17 janvier 1997 relatif aux journaux et écrits périodiques et modifiant certaines dispositions du code des postes et télécommunications ;
Vu 2°) sous le n° 186356, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars 1997 et 18 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DE LA PRESSE MAGAZINE ET D'INFORMATION, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT DE LA PRESSE MAGAZINE ET D'INFORMATION demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 97-37 du 17 janvier 1997 relatif aux journaux et écrits périodiques et modifiant certaines dispositions du code des postes et télécommunications ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jacoupy, avocat du SYNDICAT DE LA PRESSE PERIODIQUE CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE et autres et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du SYNDICAT DE LA PRESSE MAGAZINE ET D'INFORMATION,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le syndicat de la presse économique, juridique et politique a intérêt à l'annulation du décret attaqué ; que, par suite, son intervention est recevable ;
Considérant que le décret attaqué, qui modifie certaines dispositions du code des postes et télécommunications, a pour objet de réaménager la grille des tarifs postaux applicables aux publications de presse, en recherchant d'une part une plus grande neutralité de ces tarifs et en prévoyant d'autre part un abattement au bénéfice des journaux et hebdomadaires à caractère d'information politique et générale ; que, notamment, aux termes de l'article D 19-2 introduit dans le code des postes et télécommunications par le I de l'article 1er dudit décret : "Les journaux et publications de périodicité au maximum hebdomadaire remplissant les conditions prévues à l'article D 18 et présentant un caractère d'information politique et générale bénéficient, sur leur demande, d'un abattement sur le tarif de presse urgent, non urgent ou contact. Le montant de cet abattement est fixé par décret./ Pour être considérées comme présentant le caractère d'information politique et générale, les publications doivent réunir les caractéristiques suivantes : 1° Apporter de façon permanente sur l'actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ; 2° Consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet ; 3° Présenter un intérêt dépassant d'une façon manifeste les préoccupations d'une catégorie de lecteurs ( ...)" ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 93 du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne dans sa rédaction alors applicable : "1 - La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun ( ...) 3 - La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale" ;
Considérant qu'il résulte clairement de ces stipulations qu'en se bornant à reprendre la grille des tarifs postaux applicables aux publications de presse, sans remettre en cause ni le principe de l'aide à la presse, ni les modalités générales de cette aide, les auteurs du décret attaqué se sont limités à aménager un régime d'aide existant sans y apporter de modifications ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que ce décret n'aurait pu légalement être adopté sans avoir été notifié au préalable à la Commission ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986 : "Le conseil de la concurrence est obligatoirement consulté par le gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau et ayant directement pour effet : 1. De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; 2. D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; 3. D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix et de conditions de vente" ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le décret attaqué se borne à aménager, de façon limitée, les modalités de l'aide publique apportée à la presse ; qu'il ne peut être regardé comme ayant pour objet ou pour effet d'instituer un "régime nouveau" au sens des dispositions précitées de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il n'avait pas, par suite, à être soumis à l'avis du Conseil de la concurrence ;
Considérant, en troisième lieu, que les requérants invoquent, pour soutenir que le décret attaqué a été pris sur une procédure irrégulière, les stipulations de l'article 7 du contrat de plan conclu entre l'Etat et la Poste le 14 octobre 1994, en vertu desquelles l'évolution du système des aides à la presse doit faire l'objet de négociations entre l'Etat, la presse et la Poste ; que, compte tenu des discussions entre représentant de l'Etat, de la Poste et de la presse qui ont précédé l'édiction du décret attaqué, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations manque en fait ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne l'article D 19-2 du code des postes et télécommunications :
Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité devant le service public ne s'oppose pas à ce qu'un traitement différent soit réservé aux usagers qui sont placés dans des situations différentes ; que, compte tenu des difficultés particulières rencontrées par la presse d'information politique et générale, le gouvernement a pu légalement prévoir que cette dernière bénéficierait, dans les conditions qu'il détermine, d'un abattement supplémentaire sur les tarifs postaux, lequel, loin de porter atteinte au pluralisme de la presse écrite, tend au contraire à le rendre plus effectif ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions attaquées n'ont ni pour objetni pour effet de constituer ou de favoriser une "entente" ou un "accord" au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée ou de l'article 85 du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ; qu'elles ne placent pas davantage directement et nécessairement les entreprises bénéficiaires dans une situation méconnaissant les règles de concurrence posées par l'ordonnance et le traité ;
En ce qui concerne l'article D 27-2 du code des postes et télécommunications :
Considérant qu'aux termes de l'article D 27-2 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue du décret attaqué : "Les suppléments et hors-séries d'une publication qui bénéficie de l'abattement sur les tarifs de presses prévu à l'article D 19-2 se voient accorder de plein droit cet avantage" ;
Considérant qu'aux termes de l'article D 27 du même code : "Est considérée comme un supplément à un écrit périodique toute publication détachée paraissant périodiquement ou constituant une addition occasionnée par l'abondance des sujets traités ou destinée à compléter ou à illustrer le texte d'une publication. /Le supplément doit satisfaire aux mêmes conditions de fond et de forme que la publication principale. Tout supplément doit porter la mention "supplément" suivie de l'indication du titre et de la date ou du numéro de la publication à laquelle il se rattache ( ...)" ; qu'aux termes de l'article D 27-1 : "Est considérée comme un numéro spécial ou hors-série d'un écrit périodique toute publication proposée au public en dehors de la parution normale, à l'occasion d'un événement ou d'une manifestation importante. / Le numéro spécial ou hors-série doit satisfaire aux mêmes conditions de fond et de forme que la publication principale. Il doit porter la mention : "numéro spécial" et "hors-série". / Toutefois, un numéro par an pour les publications trimestrielles et deux numéros par an pour les publications paraissant à des intervalles moindres peuvent être consacrés à un thème unique, à condition que le sujet traité présente un lien manifeste avec le contenu habituel de la publication principale" ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que ne peuvent légalement bénéficier de l'abattement sur les tarifs de presse que les compléments aux publications mentionnées à l'article D 19-2, répondant, par leur nature, à la définition posée par le premier alinéa des articles D 27 et D 27-1, et que ce bénéfice est subordonné à la condition que le contenu des suppléments ou hors-série présente l'ensemble des caractéristiques énoncées à l'article D 19-2 fixant les critères des publications d'information politique et générale au vu desquels la publication qu'ils complètent est admise au bénéfice de l'abattement ;
Considérant qu'il suit de là que, le droit à abattement étant, pour les suppléments et hors-série, subordonné aux mêmes conditions que celles applicables aux publications qu'ils complètent, les auteurs du décret attaqué n'ont, en adoptant l'article D 19-2 précité, pas opéré au détriment de publications périodiques non admises à bénéficier de l'abattement, d'autre discrimination que celle qui est établie par l'article D 19-2 entre la presse d'information politique et générale et les autres publications, laquelle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'est pas illégale ;
Considérant, enfin, que la circonstance que les suppléments et hors-série bénéficient de plein droit de l'abattement dès lors que la publication principale qu'ils complètent est admise au bénéfice de cet abattement a pour seul effet de dispenser leurs éditeurs de former une demande à cette fin, et non de faire échapper lesdits suppléments et hors-série aux conditions susmentionnées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette admission "de plein droit" créerait une discrimination supplémentaire au détriment de la presse périodique doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 17 janvier 1997 ;
Article 1er : L'intervention du syndicat de la presse économique, juridique et politique est admise.
Article 2 : Les requêtes du SYNDICAT DE LA PRESSE PERIODIQUE CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE, de la FEDERATION NATIONALE DE LA PRESSE AGRICOLE ET RURALE, du SYNDICAT DE LA PRESSE MAGAZINE ET D'INFORMATION et du Syndicat de la presse économique, juridique et politique sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DE LA PRESSE PERIODIQUE CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE, à la FEDERATION NATIONALE DE LA PRESSE AGRICOLE ET RURALE, au SYNDICAT DE LA PRESSE MAGAZINE ET D'INFORMATION, au Syndicat de la presse économique, juridique et politique, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.