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29/09/1999 | FRANCE | N°194317

France | France, Conseil d'État, 10 / 7 ssr, 29 septembre 1999, 194317


Vu la requête enregistrée le 18 février 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE", dont le siège est ..., prise en la personne de son représentant légal ; la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE" demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir la décision du 19 décembre 1997 par laquelle la commission paritaire des publications et agences de presse lui a refusé le bénéfice de l'abattement sur le tarif de presse prévu par le décret n° 97-37 du 17 janvier 1997 ;
Vu les autres pièces d

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Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté eu...

Vu la requête enregistrée le 18 février 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE", dont le siège est ..., prise en la personne de son représentant légal ; la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE" demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir la décision du 19 décembre 1997 par laquelle la commission paritaire des publications et agences de presse lui a refusé le bénéfice de l'abattement sur le tarif de presse prévu par le décret n° 97-37 du 17 janvier 1997 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le décret n° 82-369 du 27 avril 1982 relatif à la commission paritaire des publications et agences de presse ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'exception tirée de l'illégalité des articles D 19-2 et D 27-2 du code des postes et télécommunications, dans leur rédaction issue du décret du 17 janvier 1997 :
Considérant que le décret du 17 janvier 1997, qui modifie certaines dispositions du code des postes et télécommunications, a pour objet de réaménager la grille des tarifs postaux applicables aux publications de presse, en recherchant d'une part une plus grande neutralité de ces tarifs et en prévoyant d'autre part un abattement au bénéfice des journaux et hebdomadaires à caractère d'information politique et générale ; que, notamment, aux termes de l'article D 19-2 introduit dans le code des postes et télécommunications par le I de l'article 1er de ce décret : "Les journaux et publications de périodicité au maximum hebdomadaire remplissant les conditions prévues à l'article D 18 et présentant un caractère d'information politique et générale bénéficient, sur leur demande, d'un abattement sur le tarif de presse urgent, non urgent ou contact. Le montant de cet abattement est fixé par décret./ Pour être considérées comme présentant le caractère d'information politique et générale, les publications doivent réunir les caractéristiques suivantes : 1° Apporter de façon permanente sur l'actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ; 2° Consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet ; 3° Présenter un intérêt dépassant d'une façon manifeste les préoccupations d'une catégorie de lecteurs ( ...)" ;
Sur la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 93 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne : "1. La commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun ( ...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale" ;
Considérant qu'il résulte clairement de ces stipulations qu'en se bornant à refondre la grille des tarifs postaux applicables aux publications de presse, sans remettre en cause ni le principe de l'aide à la presse, ni les modalités générales de cette aide, les auteurs du décret du 17 janvier 1997 se sont limités à aménager un régime d'aide existant sans y apporter de modifications ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que ce décret n'aurait pu légalement être adopté faute d'avoir été notifié au préalable à la Commission ;
Considérant, en deuxième lieu, que la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 92 du traité instituant la Communauté européenne, lesquelles ne sont pas d'effet direct ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986 : "Le conseil de la concurrence est obligatoirement consulté par le gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau et ayant directement pour effet : 1. De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; 2. D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; 3. D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix et de conditions de vente" ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le décret du 17 janvier 1997 se borne à aménager, de façon limitée, les modalités de l'aide publique apportée à la presse ; qu'il ne peut être regardé comme ayant pour objet ou pour effet d'instituer un "régime nouveau" au sens de ces dispositions ; qu'il n'avait pas par suite à être soumis à l'avis du Conseil de la concurrence ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne l'article D. 19-2 du code des postes et télécommunications :
Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité devant le service public ne s'oppose pas à ce qu'un traitement différent soit réservé aux usagers qui sont placés dans des situations différentes ; que, compte tenu des difficultés particulières rencontrées par la presse d'information politique et générale, le gouvernement a pu légalement prévoir dans l'article D 192 précité, que cette dernière bénéficierait, dans les conditions qu'il détermine, d'un abattement supplémentaire sur les tarifs postaux, lequel, loin de porter atteinte au pluralisme de la presse écrite, tend au contraire à le rendre plus effectif ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de constituer ou de favoriser une "entente" ou un "accord" au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée ou de l'article 85 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ; qu'elles ne placent pas davantage, directement et nécessairement les entreprises bénéficiaires dans une situation méconnaissant les règles de concurrence posées par l'ordonnance et le traité ;
En ce qui concerne l'article D 27-2 du code des postes et télécommunications :
Considérant qu'aux termes de l'article D 27-2 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue du décret attaqué : "Les suppléments et hors-séries d'une publication qui bénéficie de l'abattement sur les tarifs de presse prévu à l'article D 19-2 se voient accorder de plein droit cet avantage" ;

Considérant qu'aux termes de l'article D 27 du même code : "Est considérée comme un supplément à un écrit périodique toute publication détachée paraissant périodiquement ou constituant une addition occasionnée par l'abondance des sujets traités ou destinée à compléter ou à illustrer le texte d'une publication./ Le supplément doit satisfaire aux mêmes conditions de fond et de forme que la publication principale. Tout supplément doit porter la mention "supplément" suivie de l'indication du titre et de la date ou du numéro de la publication à laquelle il se rattache ( ...)" ; qu'aux termes de l'article D 27-1 : "Est considérée comme un numéro spécial ou hors-série d'un écrit périodique toute publication proposée au public en dehorsde la parution normale, à l'occasion d'un événement ou d'une manifestation importante./ Le numéro spécial ou hors-série doit satisfaire aux mêmes conditions de fond et de forme que la publication principale. Il doit porter la mention : "numéro spécial" ou "hors-série"./ Toutefois, un numéro par an pour les publications trimestrielles et deux numéros par an pour les publications paraissant à des intervalles moindres peuvent être consacrés à un thème unique, à condition que le sujet traité présente un lien manifeste avec le contenu habituel de la publication principale" ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que ne peuvent légalement bénéficier de l'abattement sur les tarifs de presse que les compléments aux publications mentionnées à l'article D 19-2, répondant, par leur nature, à la définition posée par le premier alinéa des articles D 27 et D 27-1, et que ce bénéfice est subordonné à la condition que le contenu des suppléments ou hors-série présente l'ensemble des caractéristiques énoncées à l'article D 19-2 fixant les critères des publications d'information politique et générale au vu desquels la publication qu'ils complètent est admise au bénéfice de l'abattement ;
Considérant qu'il suit de là que, le droit à abattement étant, pour les suppléments et hors-série, subordonné aux mêmes conditions que celles applicables aux publications qu'ils complètent, les auteurs du décret attaqué n'ont, en adoptant l'article D 19-2 précité, pas opéré au détriment de publications périodiques non admises à bénéficier de l'abattement, d'autre discrimination que celle qui est établie par l'article D 19-2 entre la presse d'information politique et générale et les autres publications, laquelle, ainsi qu'il a été dit cidessus, n'est pas illégale ;
Considérant, enfin, que la circonstance que les suppléments et hors-série bénéficient de plein droit de l'abattement dès lors que la publication principale qu'ils complètent est admise au bénéfice de cet abattement a pour seul effet de dispenser leurs éditeurs de former une demande à cette fin, et non de faire échapper lesdits suppléments ou hors-série aux conditions susmentionnées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette admission "de plein droit" créerait une discrimination supplémentaire au détriment de la presse périodique doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 19 décembre 1997 par laquelle la commission paritaire des publications et agences de presse lui a refusé le bénéfice de l'abattement sur le tarif de presse, à exciper de l'illégalité des articles D 19-2 et D 27-2 du code des postes et télécommunications issus du décret du 17 janvier 1997 sur la base desquels a été prise ladite décision ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant que, pour refuser à la publication "Documentation organique" le certificat d'inscription lui ouvrant droit au bénéfice de certaines aides publiques à la presse, la commission paritaire des publications et agences de presse s'est fondée, d'une part, sur la circonstance que cette publication n'apportait pas de façon permanente, sur l'actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens et, d'autre part, sur le fait que son contenu n'offrait pas un intérêt dépassant les préoccupations d'une catégorie de lecteurs ;
Considérant que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus attaquée manque en fait ;
Considérant que la revue "Documentation organique" se borne à diffuser, notamment en matière fiscale et sociale, des informations, tirées de l'actualité législative et réglementaire, destinées à la mise à jour d'instruments de documentation ; que ces caractéristiques étaient de nature à justifier légalement la décision de la commission paritaire des publications et agences de presse, en ce qu'elle se fonde sur ce que cette publication ne pouvait être regardée comme présentant un caractère d'information politique et générale tendant à éclairer le jugement des citoyens, au sens de l'article D 19-2 du code des postes et télécommunications ; qu'il ressort du dossier que la commission paritaire des publications et agences de presse aurait, si elle n'avait retenu que ce motif, pris la même décision à l'égard de la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE" ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du second motif retenu par la commission, le moyen tiré de ce que la décision attaquée reposerait sur un motif erroné en droit doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE" n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'EDITION "DOCUMENTATION ORGANIQUE" et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 10 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 194317
Date de la décision : 29/09/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - LIBERTES PUBLIQUES - LIBERTE DE LA PRESSE.

PRESSE - LIBERTE DE LA PRESSE - QUESTIONS GENERALES.


Références :

Code des postes et télécommunications D19-2, D27-2, D192, D27, D27-1
Décret 97-37 du 17 janvier 1997 art. 1
Ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986 art. 6, art. 7


Publications
Proposition de citation : CE, 29 sep. 1999, n° 194317
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dayan
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:194317.19990929
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