La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/1999 | FRANCE | N°191191

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 13 octobre 1999, 191191


Vu la requête enregistrée le 6 novembre 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 25 juillet 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à la réformation du jugement du 29 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la SA Diebold Courtage la décharge de l'amende prévue à l'article 1768 du code général des impôts au titre des

années 1983 et 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le ...

Vu la requête enregistrée le 6 novembre 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 25 juillet 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à la réformation du jugement du 29 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la SA Diebold Courtage la décharge de l'amende prévue à l'article 1768 du code général des impôts au titre des années 1983 et 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la convention signée le 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas en vue d'éviter les doubles impositions, approuvée par le décret n° 74-310 du 11 avril 1974 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Saint Pulgent, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la SA Diebold Courtage,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 182 B du code général des impôts, "I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur établi en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : ... c) les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France" ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1671 A et 1768 du même code, les personnes qui s'abstiennent d'opérer la retenue à la source sur les sommes qu'elles versent à des créanciers établis hors de France sont passibles d'une amende égale au montant de la retenue non effectuée ; qu'aux termes, toutefois, de l'article 12 de la convention signée le 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, "1°) Les redevances provenant de l'un des Etats et payées à un résident de l'autre Etat ne sont imposables que dans cet autre Etat" ; qu'aux termes de l'article 4 de la même convention, l'expression "résident de l'un des Etats" désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue" ;

Considérant que, pour juger qu'en vertu de ces stipulations, les redevances payées en 1983 et 1984, par la SA Diebold Courtage à la société néerlandaise Equilease CV, n'étaient imposables qu'aux Pays-Bas et n'étaient pas soumises à la retenue à la source prévue par l'article 182 B du code général des impôts, et que par suite le tribunal administratif de Paris avait accordé à bon droit à la SA Diebold Courtage la décharge de l'amende à laquelle elle avait été assujettie en raison de l'omission de ladite retenue, au titre des années 1983 et 1984 et sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1768 du même code, la cour administrative d'appel, après avoir invité le ministre, par un arrêt avant-dire droit, à lui fournir les éléments permettant d'établir que la société Equilease CV n'avait pas pour les années en cause la qualité de résident des Pays-Bas, s'est seulement fondée sur l'insuffisance des preuves fournies par le ministre en réponse à cette invitation ; que s'il incombe à l'administration, lorsqu'elle entend appliquer l'amende prévue par les dispositions susvisées de l'article 1768 du code général des impôts, d'établir que le débiteur visé à l'article 182 B du même code a manqué aux obligations qui lui sont faites par l'article 1671 A, il appartient au juge d'apprécier, au vu du dossier qui lui est soumis par l'administration et le contribuable, si les articles 4 et 12 de la convention fiscale entre la France et les Pays-Bas, susceptibles de faire échec à l'application des dispositions précitées du code général des impôts, sont applicables en l'espèce ; qu'en attribuant ainsi qu'il a été dit ci-dessus à l'administration la charge d'établir que la société bénéficiaire des redevances litigieuses n'entrait pas pour les années en cause dans les prévisions des articles 4 et 12 de laconvention franco-néerlandaise, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé, pour ce seul motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que la circonstance, dont fait état la SA Diebold Courtage, que pendant les années 1983 et 1984 la société Equilease CV, à laquelle ont été payées les redevances litigieuses, avait son siège à Amsterdam et y était immatriculée au registre du commerce, n'est pas par elle-même de nature à lui conférer la qualité de résident des Pays-Bas, au sens de l'article 4 de la convention franco-néerlandaise précitée ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'elle a, pendant ces années, été assujettie à l'impôt sur les sociétés en Hollande, en raison de son siège de direction, de son activité, ou de tout autre critère visé par la même convention ; qu'il résulte en revanche de l'instruction, et notamment des renseignements non contestés émanant de l'administration néerlandaise, dont fait état le ministre devant le Conseil d'Etat, que si Equilease CV est une société en commandite, dépourvue de personnalité juridique et fiscalement transparente en droit néerlandais, son commandité, la société Equilease Management BV, et son commanditaire, la société Crediet en Discount BV étaient assujetties à l'impôt en Hollande et avaient la qualité de résident des Pays-Bas au sens de la convention susvisée, pendant les années 1983 et 1984 ; que, par suite, les redevances versées à Equilease CV pendant les années en cause, qui, compte tenu du statut de cette société, doivent être réputées versées à ses associés, satisfaisaient donc en principe à la condition de paiement à un résident des Pays-Bas, exigée par l'article 12 de la même convention pour réserver aux Pays-Bas l'imposition desdites redevances ; que si le ministre soutient que l'importance des sommes reversées par Equilease CV à la société Equilease Management AG, société de droit suisse ayant son siège à Zurich, est de nature à faire de cette société le bénéficiaire réel des redevances en cause, il résutle des informations versées au dossier qui ont été fournies par l'administration fiscale néerlandaise dans le cadre de l'assistance administrative internationale, que cette administration n'est pas en mesure de déterminer si les sommes payées par Equilease CV à Equilease Management AG sont excessives au regard des prestations fournies par la seconde à la première et par suite si Equilease Management AG est ou non le bénéficiaire réel des redevances payées par la SA Diebold Courtage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé la SA Diebold Courtage de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1768 du code général des impôts au titre des années 1983 et 1984, à raison des redevances versées par elle pendant les mêmes années à la société Equilease CV et qu'elle n'avait pas soumises à la retenue à la source prévue par l'article 182 B du même code, ni à demander son rétablissement pour les mêmes années ;
Sur les conclusions de la SA Deibold Courtage tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SA Diebold Courtage la somme de 20 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 25 juillet 1997 est annulé.
Article 2 : L'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Paris, et le surplus des conclusions de son recours sont rejetés.
Article 3 : L'Etat versera à la SA Diebold Courtage une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA Diebold Courtage et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 191191
Date de la décision : 13/10/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES (1) Applicabilité d'une convention fiscale internationale à une situation de fait - Régime de la charge de la preuve - Régime de preuve objective (1) - (2) Convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973 - Société française versant des redevances à une société néerlandaise de personnes fiscalement transparente en droit néerlandais - laquelle reverse une partie des sommes reçues à une société suisse - a) Obligation de rechercher - pour l'application éventuelle de la convention - si les associés de la société néerlandaise ont la qualité de résident des Pays-Bas - Existence - Conséquence - Applicabilité de la convention - b) Possibilité de rechercher si les associés sont les bénéficiaires réels des redevances - Existence.

19-01-01-05(1), 19-02-01-04 Une société résident de France verse des redevances à une société néerlandaise de personnes. L'administration estime que ces redevances sont assujetties à l'application de la retenue à la source prévue par l'article 182 B du code général des impôts et inflige à la société l'amende prévue par les dispositions combinées de l'article 1671 A et de l'article 1768 du même code à l'encontre des personnes qui s'abstiennent d'opérer la retenue à la source ci-dessus mentionnée. S'il incombe à l'administration, lorsqu'elle fait application des dispositions de l'article 1768 du code général des impôts, d'établir que le débiteur de la retenue à la source a manqué à ses obligations, il appartient au juge d'apprécier, au vu du dossier qui lui est soumis par l'administration et le contribuable, si une convention fiscale bilatérale, en l'espèce la convention fiscale franco-néerlandaise signée le 16 mars 1973, est susceptible de faire échec à l'application des dispositions précitées du code général des impôts. Par suite, commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui attribue à l'administration la charge d'établir que les redevances en cause n'entraient pas dans les prévisions de la convention fiscale franco-néerlandaise.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - DIVERS - Régime de la charge de la preuve - Régime de preuve objective - Applicabilité d'une convention fiscale internationale à une situation de fait (1).

19-01-01-05(2) a) Une société française verse des redevances à une société néerlandaise de personnes. Si l'article 12 de la convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973, qui prévoit que les redevances provenant de l'un des Etats et payées à un résident de l'autre Etat ne sont imposables que dans cet autre Etat, n'est pas susceptible de s'appliquer à ces redevances qui sont payées à la société néerlandaise de personnes, laquelle est fiscalement transparente en droit néerlandais, il y a lieu de rechercher si les associés de cette société ont la qualité de résident des Pays-Bas. Si tel est le cas, l'article 12 de la convention est applicable. b) La société néerlandaise reverse une partie des sommes reçues à une société suisse. Si l''administration est en droit de rechercher si ce reversement, eu égard à son importance, est de nature à faire de la société suisse le bénéficiaire réel des redevances payées par la société française et par suite à exclure l'application de la convention fiscale franco-néerlandaise, il résulte en l'espèce des informations versées au dossier qui ont été fournies par l'administration fiscale néerlandaise, dans le cadre de l'assistance administrative internationale, que cette administration n'est pas en mesure de déterminer si les sommes payées par la société néerlandaise à la société suisse sont excessives au regard des prestations fournies par la seconde à la première et de nature à faire de la société suisse le bénéficiaire réel des redevances.


Références :

CGI 182 B, 1671, 1768, 1671 A, 182
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. 1998-05-18, Ministre du budget c/ SA Yves St Laurent, T. p. 871 ;

Section, 1999-10-01, Association Jeune France, p. 285


Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 1999, n° 191191
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: Mme de Saint Pulgent
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:191191.19991013
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award