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03/11/1999 | FRANCE | N°202728

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 03 novembre 1999, 202728


Vu la requête, enregistrée les 16 et 18 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Nourredine Z..., faisant élection de domicile à La défense libre, ... ; M. Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 26 octobre 1998 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'a

nnuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du R...

Vu la requête, enregistrée les 16 et 18 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Nourredine Z..., faisant élection de domicile à La défense libre, ... ; M. Z... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 26 octobre 1998 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans les trente jours de la notification de l'arrêt prononçant l'annulation, sous astreinte de 200 F par jour de retard, en application des dispositions des articles L. 8-2 alinéa 1 et L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 200 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à NewYork le 26 janvier 1990 et publiée par décret du 8 octobre 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par les lois du 2 août 1989, du 10 janvier 1990, du 24 août 1993 et du 11 mai 1998 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le juge administratif n'est jamais tenu de joindre un pourvoi à un autre et que, saisi de conclusions en ce sens, il peut rejeter ces conclusions sans motiver son refus ; que M. Z... n'est par suite pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité au motif que le tribunal administratif n'aurait pas fait droit à sa demande de jonction de deux instances ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ...". ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. Z... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'à la date de l'arrêté du préfet du Rhône du 26 octobre 1998 ordonnant sa reconduite à la frontière, M. Z... aurait pu prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" sur le fondement des articles 12 quater et 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans leur rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, est inopérante ; que M. Z... était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que M. Z..., qui se prévaut de sa qualité de père du jeune HabibHamadi, né le 5 novembre 1983 d'un précédent mariage de son épouse, Mme Y..., et dont la parternité serait établie par possession d'état, soutient que l'arrêté de reconduite serait intervenu en violation du 5° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée aux termes duquel ne peut faire l'objet d'une décision de reconduite à la frontière "l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins" ; qu'aux termes de l'article 334-8 du code civil : "( ...) la filiation naturelle peut aussi se trouver légalement établie par la possession d'état ( ...)" et qu'aux termes de l'article 311-1 du même code : "La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir. La possession d'état doit être continue." ; que M. Z..., qui s'est prévalu de cette possession d'état pour la première fois à l'occasion de la contestation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, n'a présenté aucun élément de nature à l'établir ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que, cette question de filiation soulèverait une difficulté sérieuse, et que le tribunal administratif aurait dû surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée ; qu'il en résulte également que M. Z... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, considérant que sa qualité de père du jeune Habib X... n'étant pas établie, le tribunal a écarté le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 25-5° précité, ainsi que celui tiré de la violation des articles 3 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée ;
Considérant que pour contester l'arrêté litigieux, M. Z... se prévaut de l'illégalité dont seraient entachées la décision du 30 mars 1998 du préfet du Rhône lui refusant un titre de séjour et la décision du 18 juin 1998 par laquelle le préfet, saisi d'un recours gracieux de M. Z..., a confirmé ce refus ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 30 mars 1998 comportait l'indication de l'ensemble des voies et des délais dont M. Z... disposait pour contester cette décision rejetant sa demande de titre de séjour et que la décision du 18 juin 1998 rejetant son recours gracieux, après avoir rappelé la possibilité de déposer un recours contentieux dans les conditions précisées par la décision du 30 mars 1998, précisait que le délai de recours contentieux était prolongé de deux mois à compter de la réception de cette décision confirmative ; que le pli contenant la décision du 18 juin 1998 notifié en recommandé avec accusé de réception a été présenté à l'adresse indiquée par M. Z... le 22 juin 1998 et, non retiré, a été retourné à la préfecture par les services postaux à l'expiration du délai réglementaire de conservation de 15 jours ; qu'il en résulte qu'au 13 novembre 1998, date à laquelle M. Z... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions lui refusant un titre de séjour, lesdites décisions de refus étaient devenues définitives ; qu'il n'est, par suite, pas recevable à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière ;

Considérant que M. Z..., qui a épousé le 4 avril 1992 Mme Y..., ressortissante tunisienne en situation régulière, soutient que la mesure d'éloignement porterait une atteinte excessive à sa vie familiale ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Z... est entré en France en février 1992 avec un visa de court séjour et a fait l'objet depuis cette date de trois procédures pour séjour irrégulier ; qu'eu égard aux conditions d'entrée et de séjour en France de M. Z... et à la durée de son union avec Mme Y..., l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. Z... au respect de sa vie familiale ; que M. Z... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il serait intervenu en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Z... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement en date du 18 novembre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation del'arrêté du préfet du Rhône en date du 26 octobre 1998 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à la délivrance sous astreinte d'un titre de séjour :
Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions de M. Z... tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière le concernant n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions analysées ci-dessus sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant au versement d'une somme de 2 300 F au titre des frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Z... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Z... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Nourredine Z..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 30 mars 1998
Arrêté du 26 octobre 1998
Code civil 334-8, 311-1, 25
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 quater, art. 12 bis, art. 25


Publications
Proposition de citation: CE, 03 nov. 1999, n° 202728
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fanachi
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Formation : 6 ss
Date de la décision : 03/11/1999
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 202728
Numéro NOR : CETATEXT000008054381 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1999-11-03;202728 ?
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