La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/1999 | FRANCE | N°183420

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 10 novembre 1999, 183420


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 1996 et 4 mars 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE, représenté par le président en exercice du conseil général ; le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 24 mai 1996 de la commission centrale d'aide sociale le désignant comme domicile de secours de Mme Yvonne X... à compter du 15 avril 1991 ;
2°) désigne le département de Paris comme domicile de secours de l'intéressée ;> Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide s...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 1996 et 4 mars 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE, représenté par le président en exercice du conseil général ; le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 24 mai 1996 de la commission centrale d'aide sociale le désignant comme domicile de secours de Mme Yvonne X... à compter du 15 avril 1991 ;
2°) désigne le département de Paris comme domicile de secours de l'intéressée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat du département de Paris,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 194 du code de la famille et de l'aide sociale : " Lorsqu'il estime que le demandeur a son domicile de secours dans un autre département, le président du conseil général doit, dans le délai d'un mois après le dépôt de la demande, transmettre le dossier au président du conseil général du département concerné. Celui-ci doit, dans le mois qui suit, se prononcer sur sa compétence. Si ce dernier n'admet pas sa compétence, il transmet le dossier à la commission centrale d'aide sociale instituée par l'article 129" ; que, selon l'article 195 du même code, les recours formés contre les décisions prises en vertu de l'article 194 relèvent en premier et dernier ressort de la compétence de la commission centrale d'aide sociale et que les décisions de cette commission peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 129 du code de la famille et de l'aide sociale relatif à la procédure devant la commission centrale d'aide sociale : "Le demandeur accompagné de la personne ou de l'organisme de son choix est entendu lorsqu'il le souhaite" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui doivent être interprétées, conformément aux règles générales de procédure applicables devant les juridictions administratives, comme s'appliquant de la même façon à toutes les parties présentes dans une même instance devant la commission centrale d'aide sociale, que celle-ci doit mettre les parties à même d'exercer la faculté qui leur est ainsi reconnue ; qu'à cet effet, la commission centrale doit, soit avertir les parties de la date de la séance, soit les inviter à l'avance à lui faire connaître si elles ont l'intention de présenter des explications verbales pour qu'en cas de réponse affirmative de leur part, elle les avertisse ultérieurement de la date de la séance ;
Considérant qu'il est constant qu'aucune de ces formalités n'a, en l'espèce, été accomplie à l'égard du DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE dans l'instance engagée par le département de Paris devant la commission centrale d'aide sociale sur le fondement des dispositions précitées de l'article 194 du code de la famille et de l'aide sociale aux fins de faire reconnaître que Mme X... avait son domicile de secours dans le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE ; que, par suite, ce dernier est fondé à soutenir que la décision de la commission centrale d'aide sociale attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, selon l'article 192 du code de la famille et de l'aide sociale, les dépenses d'aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 193 : "Nonobstant lesdispositions des articles 102 à 111 du code civil, le domicile de secours s'acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l'émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou au titre de l'aide sociale, au domicile d'un particulier agréé ou faisant l'objet d'un placement familial, en application des articles 1er, 3 et 5 de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées, qui conservent le domicile de secours qu'elles avaient acquis avant leur entrée dans l'établissement ( ...)" ; qu'en vertu du 1° de l'article 194, le domicile de secours se perd par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité ou l'émancipation sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social ;
Considérant qu'il ressort des termes de l'article 193 précité du code de la famille et de l'aide sociale, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 6 janvier 1986 dont il est issu, qu'il faut entendre par établissements sociaux au sens de ces dispositions les établissements désignés à l'article 3 de la loi du 30 juin 1975 relative aux établissements sociaux et médico-sociaux ; que, seuls l'admission dans un établissement autorisé sur le fondement de cette dernière loi ou le placement auprès d'une personne ou d'une association ayant obtenu l'agrément administratif requis par la loi du 10 juillet 1989 restent sans effet sur le domicile de secours antérieurement acquis par le bénéficiaire de l'aide sociale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X... qui résidait jusqu'alors à Paris a été admise à compter du 15 janvier 1991 à la maison de retraite pour personnes âgées dénommée "Résidence Le Jardinet", sise à Pringy dans le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE ; qu'elle s'est vu reconnaître le droit à l'allocation compensatrice pour tierce personne pour la période du 1er mars 1991 au 28 février 1996 ; qu'il n'est pas contesté que cette résidence n'a pas été autorisée sur le fondement de la loi susmentionnée du 30 juin 1975 ; qu'ainsi elle ne peut être regardée comme un établissement social au sens de l'article 193 du code de la famille et de l'aide sociale dans lequel l'admission reste sans effet sur le domicile de secours antérieurement acquis par le bénéficiaire de l'aide sociale ; qu'il suit de là qu'en résidant depuis plus de trois mois dans le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE, Mme X... y a, en application des dispositions précitées des articles 192 et 193 du code de la famille et de l'aide sociale, acquis un domicile de secours à compter du 15 avril 1991 ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit aux conclusions du département de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application aux dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE à verser au département de Paris la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision de la commission centrale d'aide sociale du 24 mai 1996 est annulée.
Article 2 : Le domicile de secours de Mme X... est fixé dans le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE à compter du 15 avril 1991.
Article 3 : Le DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE versera au département de Paris lasomme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE SEINE-ET-MARNE, au département de Paris, à Mme Yvonne X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

04-02-03 AIDE SOCIALE - DIFFERENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE SOCIALE AUX PERSONNES AGEES.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 194, 195, 129, 192, 193
Instruction du 15 janvier 1991
Loi du 06 janvier 1986
Loi 75-535 du 30 juin 1975 art. 3
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 89-475 du 10 juillet 1989 art. 1, art. 3, ar. 5
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 10 nov. 1999, n° 183420
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 10/11/1999
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 183420
Numéro NOR : CETATEXT000008074788 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1999-11-10;183420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award