Vu, 1°) sous le n° 181886, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 août 1996 et 22 août 1996, présentés pour M. André X..., demeurant ... à Angers (49100) ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 26 mars 1996 par lequel la Cour des comptes, statutant définitivement, a confirmé le jugement du 9 mai 1995 par lequel la chambre régionale des comptes de Poitou-Charentes l'a constitué débiteur envers le centre hospitalier général de Niort, d'une part, d'une somme de 2 247 F, montant de non payés, d'autre part, de sommes de 25 713,74 F, 6 055 F et 5 624 F, montant de créances non recouvrées ;
Vu, 2°) sous le n° 182622, le recours enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 septembre 1996, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 26 mars 1996 par lequel la Cour des comptes, statuant définitivement, a confirmé le jugement du 9 mai 1995 par lequel la chambre régionale des comptes de Poitou-Charentes a constitué M. X... débiteur envers le centre hospitalier général de Niort, d'une part, d'une somme de 2 247 F, montant de nonpayés, d'autre part, de sommes de 25 713,74 F, 6 055,22 F et 5 624 F, montant de créances non recouvrées ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code civil ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 66-124 du 19 août 1966 relatif au recouvrement des produits départementaux et communaux modifié par le décret n° 81-362 du 13 avril 1981 ;
Vu le décret n° 85-199 du 11 février 1985 modifié ;
Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, notamment son article 60 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de La Verpillière, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les pourvois susvisés sont dirigés contre un même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance par la Cour des comptes du principe du caractère contradictoire de la procédure :
Considérant que M. X... soutient qu'il n'a pas été à même de présenter utilement sa défense en raison de difficultés d'accès aux pièces comptables ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt contesté que M. X... a eu accès aux documents relatifs au poste comptable du centre hospitalier général de Niort pendant deux jours, les 7 et 8 juin 1993 ; qu'il a pu ensuite présenter des observations en défense à la chambre régionale des comptes, et n'a pas demandé de nouvelle consultation de documents ou de délai supplémentaire pour produire des observations en réponse aux injonctions qui avaient été formulées dans les jugements provisoires de la chambre régionale des comptes , laquelle a statué définitivement le 9 mai 1995 ; qu'ainsi la Cour des comptes a pu, sans erreur de droit, estimer que la circonstance que l'accès aux pièces comptables avait été refusé à M. X... de février 1991 à juin 1993 n'avait pas porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure de jugement des comptes ;
Sur le débet de 25 713, 74 F relatif au non-recouvrement de créances sur les organismes de sécurité sociale :
Considérant, en premier lieu, que les créances que les hôpitaux publics détiennent sur des organismes de sécurité sociale ne sont pas de nature fiscale ; qu'elles sont dès lors, en l'absence de dispositions spéciales, soumises au régime de prescription de droit commun,édicté par l'article 2262 du code civil et rendu applicable aux établissements publics par l'article 2227 du même code ; qu'ainsi, la Cour des comptes, qui avait compétence pour déterminer la prescription applicable, n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que les créances en cause sont soumises à une prescription trentenaire ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 : "I- ( ...) les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes ( ...) III - La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions ( ...) Elle ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n'auraient pas été contestées par le comptable entrant, dans un délai fixé par l'un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après. IV- La responsabilité pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors ( ...) qu'une recette n'a pas été recouvrée ( ...) V- La responsabilité pécuniaire d'un comptable public ne peut être mise en jeu que par le ministre dont il relève, le ministre de l'économie et des finances ou le juge des comptes" ; que si la Cour des comptes n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que la responsabilité du comptable pouvait être engagée même si la créance n'était pas encore prescrite elle a en revanche méconnu les dispositions précitées du III de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 en ne recherchant pas si les opérations litigieuses avaient été prises en charge sans réserve par le successeur de M. X... ; que M. X... et le ministre de l'économie et des finances sont dès lors fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'arrêt attaqué, la Cour des comptes a confirmé le débet de 25 713,74 F relatif au non-recouvrement de créances sur des organismes de sécurité sociale ;
Sur le débet de 5 624 F pour non-recouvrement d'une créance sur une personne hospitalisée :
Considérant que l'article L. 708 du code de la santé publique, alors en vigueur, dispose : "Les hôpitaux et hospices peuvent toujours exercer leurs recours, s'il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil." ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'une personne hospitalisée se révèle insolvable, c'est à l'ordonnateur qu'il incombe d'émettre un titre de perception à l'encontre des débiteurs d'aliments ou, le cas échéant, de saisir la juridiction compétente ; que le comptable n'est tenu que de signaler à la direction de l'hôpital l'insolvabilité de la personne hospitalisée et, s'il les connaît, l'existence de débiteurs d'aliments ; que, par suite, en estimant : "qu'à supposer même que la débitrice ait été personnellement insolvable, le comptable aurait dû interrompre la prescription courant contre l'administration, puis rechercher et poursuivre les débiteurs de l'obligation alimentaire ; qu'il n'a fait ni l'un, ni l'autre ; qu'ainsi, c'est à bon droit que la chambre régionale des comptes l'a constitué en débet de cette créance", la Cour des comptes a entaché sa décision d'erreur de droit ; que, par suite, M. X... et le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt du 26 mars 1996 de la Cour des comptes en tant qu'il confirme le débet de 5 624 F pour non recouvrement d'une créance sur une personne hospitalisée ;
Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes en date du 26 mars 1996 est annulé en tant qu'il confirme le débet de 25 713,74 F relatif au non-recouvrement de créances sur les organismesde sécurité sociale et le débet de 5 624 F pour non recouvrement d'une créance sur une personne hospitalisée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour des comptes, dans la mesure indiquée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. André X..., au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au procureur général près de la Cour des comptes.