La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/1999 | FRANCE | N°204519

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 24 novembre 1999, 204519


Vu la requête, enregistrée le 11 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 décembre 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 9 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kilendele X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Kilendele X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossi

er ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des l...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 décembre 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 9 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kilendele X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Kilendele X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et notamment son article 3 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par les lois du 2 août 1989, du 10 janvier 1990, du 24 août 1993, du 24 avril 1997 et du 11 mai 1998 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Kilendele X..., ressortissant de la République démocratique du Congo, qui s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par une décision qui lui a été notifiée le 26 février 1998, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du 27 mars 1998 et entre donc dans le champ d'application des dispositions précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" ;
Considérant que l'arrêté du 9 décembre 1998, par lequel le PREFET DE L'ESSONNE a ordonné la reconduite à la frontière de M. Kilendele X..., prévoit, dans son article 1er, que le pays de destination de l'intéressé "sera celui dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore celui dans lequel il établit être légalement admissible" ; que, contrairement à ce que soutient le PREFET DE L'ESSONNE, cet arrêté, dans les termes où il est rédigé, fixe, conformément aux dispositions des articles 27 bis et 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, le pays de destination de M. Kilendele X... en permettant sa reconduite à destination du pays dont il a la nationalité ;
Considérant toutefois que si M. Kilendele X... fait état des risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont deux demandes d'admission au statut de réfugié ont été d'ailleurs successivement rejetées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 août 1992 et le 20 octobre 1995 et par la commission des recours des réfugiés le 29 avril 1994 et le 16 juillet 1996, et qui a obtenu des autorités congolaises la délivrance d'un passeport le 31 octobre 1997, s'est borné à faire référence aux événements qui se déroulent en République démocratique du Congo, sans produire aucun élément nouveau relatif à sa situation personnelle permettant de regarder comme établies des circonstances de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur une telleméconnaissance pour annuler l'arrêté du 9 décembre 1998 du PREFET DE L'ESSONNE décidant la reconduite à la frontière de M. Kilendele X... ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Kilendele X... devant le tribunal administratif ou, en défense, en appel, à l'encontre de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Kilendele X..., entré en France à l'âge de vingt-neuf ans, veuf, est père d'un enfant né en 1990 qui réside en République démocratique du Congo ; que, s'il produit une promesse d'embauche et fait état de travaux occasionnels qu'il aurait effectués pour différentes associations, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il exerçait une activité professionnelle régulière au cours de la période au cours de laquelle il a été autorisé, pendant l'examen de ses demandes d'admission au statut de réfugié, à séjourner et à travailler en France ; que, démuni de ressources depuis le rejet de la seconde de ces demandes, il est hébergé par des tiers ; que, par suite, le PREFET DE L'ESSONNE n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences, sur la situation personnelle et professionnelle de M. Kilendele X..., d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 9 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kilendele X... ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 18 décembre 1998 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Kilendele X... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ESSONNE, à M. Kilendele X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 204519
Date de la décision : 24/11/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 09 décembre 1998 art. 1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis, art. 27 ter


Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 1999, n° 204519
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Burguburu
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:204519.19991124
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award