Vu la requête enregistrée le 5 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Bernard Y..., élisant domicile au 32ème groupement de camp, 62ème régiment d'artillerie à Mailly-le-Camp (10231) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre de la défense en date du 1er décembre 1998 rejetant le recours hiérarchique qu'il a formé contre un ordre de mutation en date du 23 octobre 1998, ensemble cette dernière décision ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 16 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 22 avril 1905 et notamment son article 65 ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Challan-Belval, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que M. Y..., médecin principal des armées, affecté pour deux ans à compter du 1er juillet 1998 au centre interarmées de Hao (Polynésie) a été muté, dès le 23 octobre 1998, au 62ème régiment d'artillerie de Mailly-le-Camp ;
Considérant que, dans les circonstances où elle est intervenue, la mutation dont a fait l'objet M. Y... a été prononcée moins pour pourvoir aux besoins du service qu'en considération de faits personnels à l'intéressé ; qu'elle a ainsi présenté le caractère d'un déplacement d'office au sens de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; qu'elle ne pouvait, par suite, être prise qu'après communication à l'intéressé de son dossier personnel ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ne figurait pas au dossier communiqué à M. Y... le 7 octobre 1998 le rapport du lieutenant-colonel Z... ; que des éléments figurant dans ce rapport ont néanmoins été retenus à l'encontre de M. Y... et ont contribué à fonder la décision attaquée ; que dans ces conditions, M. Y... n'a pas eu communication de l'intégralité de son dossier et n'a pu avoir connaissance de tous les griefs formulés contre lui ; qu'ainsi la mutation contestée a été prononcée sur une procédure irrégulière ; que M. Y... est, par suite, fondé à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, que ces dispositions font obstacle à ce que M. Y..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à l'Etat la somme que le ministre de la défense demande au titre des frais de même nature exposés par l'Etat ;
Article 1er : La décision du 23 octobre 1998 portant ordre de mutation de M. Y... et la décision du ministre de la défense du 1er décembre 1998 sont annulées.
Article 2 : L'Etat paiera à M. Y... une somme de 16 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Les conclusions du ministre de la défense tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... PINTE et au ministre de la défense.