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10/12/1999 | FRANCE | N°180691

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 10 décembre 1999, 180691


Vu le recours enregistré le 17 juin 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêt n° 94 LY00977 et 94LY00978 du 17 avril 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant les jugements du 14 avril 1994 du tribunal administratif de Nice, a accordé à la SARL Boulangerie auvergnate la décharge des pénalités de mauvaise foi appliquées aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociét

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Vu le recours enregistré le 17 juin 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêt n° 94 LY00977 et 94LY00978 du 17 avril 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant les jugements du 14 avril 1994 du tribunal administratif de Nice, a accordé à la SARL Boulangerie auvergnate la décharge des pénalités de mauvaise foi appliquées aux cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre des années 1979 à 1982 et aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Belliard, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL Boulangerie auvergnate a fait l'objet, à la suite dune vérification de comptabilité, de rappels d'impôts sur les sociétés et de taxe sur le chiffre d'affaire au titre des exercices 1979, 1980, 1981 et 1982 ; que ces rappels ont été assortis des majorations pour mauvaise foi prévues par les articles 1729 et 1731 du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande que l'arrêt susvisé de la cour administrative d'appel de Lyon soit annulé en tant qu'il a déchargé la SARL Boulangerie auvergnate des majorations pour mauvaise foi qui lui ont été appliquées et leur a substitué les indemnités et intérêts de retard prévus à l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon, pour procéder à cette substitution, s'est bornée à relever que les insuffisances de la comptabilité de la société et l'existence de minorations de recettes ne suffisaient pas, en l'absence d'autres constatations, à établir la mauvaise foi de celle-ci ; qu'en omettant, alors que l'administration le faisait valoir, de rechercher si les omissions de recettes constatées avaient procédé, de la part de la société, d'une intention délibérée de minorer les bases de l'impôt dû, la cour administrative d'appel a méconnu les dispositions des articles 1729 et 1731 du code général des impôts ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est, par suite, fondé à demander que l'arrêt attaqué soit annulé en tant qu'il statue sur les pénalités ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société, au cours des quatre années en cause, enregistrait globalement ses recettes en fin de journée sans pouvoir justifier de leur détail par des pièces comptables, tel que brouillard de caisse ou fiches ; qu'elle ne tenait pas de livre d'inventaire ; qu'il résulte en outre de l'instruction que la société utilisait ces pratiques comptables défectueuses pour minorer ses recettes ; que le montant des minorations de recettes qui ressortent de la reconstitution de recettes précise et complète effectuée par le vérificateur, fondée sur une étude menée contradictoirement et tenant compte des données propres à l'entreprise s'élève respectivement à 22 %, 25 %, 31 % et 21 % du chiffre d'affaire déclaré pour 1979, 1980, 1981 et 1982 ; que ces faits mettent en évidence l'importance et le caractère répétitif des omissions constatées et traduisent en l'espèce la volonté délibérée, de la part de la société, d'éluder une partie de l'impôt dû ; que l'administration doit dès lors être regardée comme ayant apporté la preuve de la mauvaise foi de la société ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à celle qui lui a été donnée par l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 : "lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de 50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellement dus ..." ; qu'aux termes de l'article 1731 du même codedans sa rédaction alors applicable : "En ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires ... les insuffisances, les inexactitudes ou omissions mentionnées à l'article 1728 donnent lieu, lorsque la mauvaise foi du redevable est établie, à l'application d'une amende fiscale égale au double des majorations prévues à l'article 1729 ..." ; qu'aux termes du 1 de l'article 1729, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi précitée du 8 juillet 1987 : "Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 dont apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que les intérêts de retard n'ont pas le caractère d'une sanction, mais celui d'une réparation du préjudice pécuniaire subi par le Trésor en cas de paiement insuffisant ou tardif ou en cas de défaut de paiement de l'impôt ; que, par suite, pour déterminer si les dispositions de l'article 1729-1 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987, instituent une sanction plus douce que celle qui était prévue par la législation antérieurement en vigueur, il convient de ne prendre en compte que le taux de majoration prévu par le nouveau texte en cas de mauvaise foi, à l'exclusion des intérêts de retard ; que pour procéder à cette comparaison, il y a lieu de ne prendre en compte que la part de majorations qui, en vertu des règles antérieurement applicables, présentait le caractère d'une sanction et donc d'en défalquer la fraction correspondant aux intérêts de retard, qui étaient, en tout état de cause, maintenus lorsque le juge était conduit à prononcer la décharge des pénalités ; qu'il suit de là que le Conseil d'Etat ne devrait appliquer, en l'espèce, le taux de 40 % que dans le cas où cette comparaison en ferait apparaître le caractère moins sévère ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la part qui présentait le caractère d'une sanction dans la majoration de 100 % appliquée aux impositions supplémentaires en matière de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles a été assujettie la société au titre de l'année 1979 est supérieure à 40 %, compte tenu du plafonnement à 50 % des indemnités de retard ; que, de même, la part qui présentait le caractère d'une sanction dans la majoration de 50 % appliquée aux impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés qui ont été assignées à la SARL Boulangerie auvergnate au titre de l'année 1982 dépassait 40 % compte tenu du montant des intérêts de retard, qui s'élevait à 4,5 % ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'appliquer les dispositions de l'article 1729-1 du code général des impôts dans leur rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987 pour calculer le montant de la majoration pour mauvaise foi due par la société et correspondant aux rappels de droits au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour 1979 et aux impositions supplémentaires au titre de l'impôt sur les sociétés pour 1982 auxquels elle a été assujettie ;
Article 1er : Les articles 1 et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 17 avril 1996 sont annulés.
Article 2 : Les majorations pour mauvaise foi appliquées aux impositions supplémentaires au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 1979 et au titre de l'impôt sur les sociétés pour 1982 sont calculées conformément au taux prévu par l'article 1729-1 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987, les indemnités et intérêts de retard compris dans les sanctions appliquées initialement s'y ajoutant.
Article 3 : Les pénalités mentionnées à l'article 2 ci-dessus sont réduites dans les limites indiquées.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel relatives aux pénalités de la SARL Boulangerie auvergnate devant la cour administrative d'appel est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SARL Boulangerie auvergnate et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 180691
Date de la décision : 10/12/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES.


Références :

CGI 1729, 1731, 1728, 1729-1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 2, art. 1729


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 1999, n° 180691
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Belliard
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:180691.19991210
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