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29/12/1999 | FRANCE | N°200846

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 29 décembre 1999, 200846


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 octobre et 20 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Philippe X..., demeurant ... ; M. ALLAIRE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 13 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, sur la protestation de M. Y..., annulé son élection en qualité de conseiller général du canton de Méréville lors des opérations qui se sont déroulées le 22 mars 1998, l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pour une du

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 octobre et 20 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Philippe X..., demeurant ... ; M. ALLAIRE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 13 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, sur la protestation de M. Y..., annulé son élection en qualité de conseiller général du canton de Méréville lors des opérations qui se sont déroulées le 22 mars 1998, l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pour une durée d'un an et l'a condamné à payer à M. Y... la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) rejette la protestation de M. Y... contre ces opérations électorales ;
3°) condamne M. Y... à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : "Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués" ; que l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 10 avril 1996, dispose que : "Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. /Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. /Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office" ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 52-8 ont pour effet d'interdire aux personnes morales, qu'il s'agisse de personnes publiques ou de personnes morales de droit privé, à l'exception des partis ou groupements politiques, de consentir à un candidat des dons en nature ou en espèce, sous quelque forme et de quelque montant que ce soit ; que, toutefois, ni l'article L. 52-15, ni aucune autre disposition législative, n'obligent la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d'un candidat faisant apparaître qu'il a bénéficié de la part de personnes morales d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 ; qu'il appartient à la commission, sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. ALLAIRE, président du comité de jumelage du canton de Méréville, délégué aux jumelages du conseil général de l'Essonne et candidat aux élections cantonales de mars 1998 dans le canton de Méréville, a organisé entre le 28 février et le 3 mars 1998, soit deux semaines avant le premier tour des élections cantonales, une rencontre entre agriculteurs français, anglais et hollandais comprenant notamment une visite du salon de l'agriculture et une réception des invités et des familles d'accueil par le conseil général ; qu'il est constant que le conseil général a pris à charge les frais de réception pour un montant total de 36 600 F ;

Considérant que cette manifestation ne peut toutefois être regardée, en raison de sa nature et de la qualité de ses participants, et en dépit de sa date, comme présentant un caractère électoral ; que, par suite, les dépenses supportées à cette occasion par le conseil généralde l'Essonne ne peuvent être regardées comme un don prohibé au sens des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'intégration de ces dépenses dans le compte électoral de M. ALLAIRE pour rejeter ce compte et, par suite, prononcer l'inéligibilité de M. ALLAIRE et annuler son élection ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant, en premier lieu, que le grief tiré de la non-conformité d'une affiche de M. ALLAIRE, apposée entre les deux tours, aux règles fixées par l'article R. 26 du code électoral manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. Y... invoque la fourniture gratuite par le conseil général, en violation de l'article L. 52-8 du code électoral, de supports de propagande, il résulte de l'instruction que la mention dans le "Courrier de l'Essonne" d'une décision de principe du rachat du château de Méréville par le département, sans citation du nom de M. ALLAIRE, et l'envoi sur papier à en-tête de courrier aux élus et présidents d'association du canton ne peuvent être regardés comme des dons prohibés au sens des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que certains frais divers ou de réception auraient été dissimulés ou sous-évalués ; que, dès lors, le compte de campagne de M. ALLAIRE doit être arrêté, en dépenses, à la somme de 38 665 F, inférieure au plafond autorisé ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'apposition dans l'ensemble du département et, en particulier, dans le canton de Méréville, de panneaux mentionnant les réalisations en cours ou à venir du conseil général ait bénéficié à M. ALLAIRE dans des conditions telles que celui-ci aurait dû faire figurer les dépenses entraînées par l'apposition de certains de ces panneaux dans son compte de campagne ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. Y... ne peut utilement invoquer le caractère prématuré de la destruction des bulletins de vote d'un bureau dont il soutient qu'elle l'aurait empêché de procéder au recomptage de ces bulletins, dès lors qu'aucune protestation n'avait été portée sur le procès-verbal des opérations électorales dans ce bureau ;
Considérant, enfin, que les allégations de M. Y... selon lesquelles plus de soixante signatures sur les listes d'émargement seraient différentes entre le premier et le deuxième tour ne sont pas corroborées par l'instruction ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. ALLAIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son élection comme conseiller général du canton de Méréville et l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pour un an ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. ALLAIRE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des fraisexposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner M. Y... à payer à M. ALLAIRE la somme qu'il demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;
Article 1er : Le jugement en date du 13 octobre 1998 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La protestation de M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. ALLAIRE et les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe ALLAIRE, à M. Sébastien Y..., à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 200846
Date de la décision : 29/12/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

28-03 ELECTIONS - ELECTIONS AU CONSEIL GENERAL.


Références :

Code électoral L52-8, L118-3, R26
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 1999, n° 200846
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Keller
Rapporteur public ?: M. Salat-Baroux

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:200846.19991229
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