Vu la requête sommaire enregistrée le 24 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Ayse X... épouse Y..., demeurant ... ; Mme ATA épouse Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 septembre 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 1998 par lequel le préfet du Loir-et-Cher a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme ATA épouse Y... s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 6 décembre 1997, de la décision du préfet de Loir-et-Cher du 5 décembre 1997 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entre ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que Mme ATA épouse Y..., de nationalité turque, apporte en appel la justification qu'elle est mariée depuis le mois de novembre 1996 à un ressortissant turc titulaire d'une carte de résident et qu'elle est mère d'un enfant né à Blois le 21 juillet 1998 ; que, même si la preuve de son mariage et de sa maternité n'a pas été apportée devant le tribunal administratif et si cette dernière n'est antérieure que d'un jour à la date de la décision de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Loir-et-Cher en date du 22 juillet 1998, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la situation de Mme ATA épouse Y..., a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il a par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme ATA épouse Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête ;
Article 1er : Le jugement du 10 septembre 1998 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 22 juillet 1998 par lequel le préfet du Loir-et-Cher a décidé que Mme ATA épouse Y... serait reconduite à la frontière est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme ATA épouse Y..., au préfet du Loir-et-Cher et au ministre de l'intérieur;