La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2000 | FRANCE | N°200047

France | France, Conseil d'État, 3 / 8 ssr, 02 février 2000, 200047


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 septembre 1998 et 27 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. L'ETOILE DU VERCORS, dont le siège est situé à Saint-Just-de-Claix, Pont-en-Royans (38680) ; la S.A. L'ETOILE DU VERCORS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 juillet 1998 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Bleu du Vercors-Sassenage" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;r> Vu le règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 ;
Vu le r...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 septembre 1998 et 27 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. L'ETOILE DU VERCORS, dont le siège est situé à Saint-Just-de-Claix, Pont-en-Royans (38680) ; la S.A. L'ETOILE DU VERCORS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 juillet 1998 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Bleu du Vercors-Sassenage" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
Vu le règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 535/97 du Conseil du 17 mars 1997 ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le nouveau code rural ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas, Auditeur,
- les observations de la SCP Thomas-Raquin, Bénabent, avocat de la S.A. L'ETOILE DU VERCORS, et de Me Parmentier, avocat de l'Institut national des appellations d'origine,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'agriculture et de la pêche :
Considérant que la S.A. L'ETOILE DU VERCORS est représentée à l'instance par son président-directeur général ; que celui-ci a qualité pour agir au nom de la société en application de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ; que dès lors, et contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture et de la pêche, la requête de la S.A. L'ETOILE DU VERCORS est recevable ;
Sur la légalité du décret attaqué :
Considérant, d'une part, que l'article L. 641-2 du nouveau code rural dispose que les produits agricoles "peuvent bénéficier d'une appellation d'origine contrôlée s'ils répondent aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la consommation, possèdent une notoriété dûment établie et font l'objet d'une procédure d'agrément" ; qu'aux termes de l'article L. 115-1 du code de la consommation : "Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains"; que, d'autre part, en vertu du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 susvisé, un produit agricole doit, pour pouvoir bénéficier d'une appellation d'origine protégée, faire l'objet d'un enregistrement par la Commission des communautés européennes selon la procédure instituée par ce règlement ; qu'en outre aux termes de l'article 5 du même règlement, dans sa rédaction issue du règlement (CEE) n° 535/97 du 17 mars 1997 : "1. Seul un groupement ou, sous certaines conditions à arrêter selon la procédure prévue à l'article 15, une personne physique ou morale, est habilité à introduire une demande d'enregistrement. ( ...)/ 4. La demande d'enregistrement est adressée à l'Etat membre dans lequel est situé l'aire géographique./ 5. L'Etat membre vérifie que la demande est justifiée et la transmet à la Commission, accompagnée du cahier des charges visé à l'article 4 et des autres documents sur lesquels il a fondé sa décision, lorsqu'il estime que les exigences du présent règlement sont remplies. /Une protection au sens du présent règlement, au niveau national, ainsi que, le cas échéant, une période d'adaptation, ne peuvent être accordées que transitoirement par cet Etat membre à la dénomination ainsi transmise à partir de la date de cette transmission ; ( ...)/ La protection nationale transitoire cesse d'exister à partir de la date à laquelle une décision sur l'enregistrement en vertu du présent règlement est prise ( ...)" ; qu'enfin, selon l'article L. 115-26-1 du code de la consommation, seules les appellations d'origine reconnues au niveau national peuvent faire l'objet d'une demande d'enregistrement communautaire comme appellations d'origine protégée ;
En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'une appellation d'origine ne peut être reconnue au niveau national qu'à titre transitoire, dans le cadre d'une procédure d'enregistrement communautaire faisant suite à une demande déposée conformément auxdispositions du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une demande de reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée "Bleu du Vercors-Sassenage" a été adressée le 14 septembre 1993 à l'Institut national des appellations d'origine par le syndicat interprofessionnel du Bleu de Sassenage-Vercors ; qu'eu égard à la nature particulière et à la portée transitoire qu'a, depuis l'entrée en vigueur de la réglementation européenne susrappelée, la reconnaissance d'appellation d'origine contrôlée applicable aux produits en cause, la demande ainsi présentée devait être regardée comme constituant la demande d'enregistrement prévue à l'article 5 du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 précité ; que cette demande a fait l'objet d'une instruction au niveau national qui a été close par l'édiction du décret attaqué et la transmission pour enregistrement à la Commission des communautés européennes ; qu'ainsi le décret attaqué n'est pas intervenu en méconnaissance des règles de procédure définies à l'article 5 du règlement précité ;
Considérant que le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne viserait pas la proposition de l'Institut national des appellations d'origine sur la base de laquelle il a été pris manque en fait ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant que les articles 2 à 5 du décret attaqué définissent, conformément aux dispositions précitées, les caractéristiques concernant l'aire de production, l'élevage, la qualité du lait et le mode de fabrication propres à l'appellation "Bleu du Vercors-Sassenage" ; que si la société requérante soutient que les caractéristiques ainsi définies seraient sans lien avec les facteurs naturels et humains propres à la zone concernée, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucun élément permettant de regarder le décret attaqué comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la circonstance que le décret attaqué autorise les exploitations intéressées à ne pas respecter l'intégralité des prescriptions qu'il contient pendant une période transitoire en vue de faciliter leur adaptation ne saurait suffire à établir l'existence d'une telle erreur ;
Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 115-1 du code de la consommation et de l'article L. 641-2 du nouveau code rural permettent au pouvoir réglementaire de donner au produit bénéficiaire d'une appellation d'origine contrôlée la dénomination du pays, de la région, ou de la localité où il est produit, sans limiter ce choix à la dénomination sous laquelle ce produit était, le cas échéant, connu antérieurement ; qu'il ressort des pièces du dossier que la zone de production définie par le décret attaqué est située dans le massif du Vercors ; que, par suite, et alors même que le produit dont il s'agit aurait été antérieurement connu sous la dénomination "Bleu de Sassenage", du nom de la commune dans laquelle il était habituellement commercialisé, le choix de la dénomination "Bleu du Vercors-Sassenage" par le décret attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte clairement des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 que le régime transitoire de protection accordé par un Etat membre cesse de plein droit de produire ses effets à compter de la décision prise sur l'enregistrement par les autorités communautaires ; que, par suite, le Premier ministre a pu s'abstenir de fixer un terme à la protection conférée par le décret attaqué sans méconnaître le caractère transitoire de cette protection ;
Mais considérant qu'il résulte également de manière claire de ces dispositions qu'un nouveau régime national de protection ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa transmission à la Commission des communautés européennes ; que ces dispositions ont eu pour effet de reporter au 28 octobre 1998, date à laquelle la demande d'enregistrement de l'appellation dont il s'agit a été transmiseà la Commission des communautés européennes, l'entrée en vigueur des dispositions des articles 1 à 10 et de l'article 12 du décret attaqué, pour lesquels aucune disposition dudit décret ne fixe de date d'entrée en vigueur ; que les dispositions de l'article 11 du décret attaqué, aux termes desquelles les entreprises situées en dehors de la zone d'appellation et commercialisant des fromages sous le nom "Sassenage", pourront, sous certaines conditions, continuer à utiliser ce nom pendant un délai de deux ans à compter de la date de publication du décret attaqué, soit le 8 août 1998, doivent dès lors être annulées en tant qu'elles entrent en vigueur à une date antérieure au 28 octobre 1998 ;
Sur les conclusions de l'Institut national des appellations d'origine tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la S.A. L'ETOILE DU VERCORS à verser à l'Institut national des appellations d'origine la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 11 du décret du 30 juillet 1998 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Bleu du Vercors-Sassenage" est annulé en tant qu'il fixe le point de départ du délai qu'il définit à une date antérieure au 28 octobre 1998.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. L'ETOILE DU VERCORS est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de l'Institut national des appellations d'origine tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. L'ETOILE DU VERCORS, à l'Institut national des appellations d'origine et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 200047
Date de la décision : 02/02/2000
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PECHE - PRODUITS AGRICOLES - GENERALITES - CAAppellations d'origine contrôlée - Procédure - a) Demande de reconnaissance d'appellation d'origine contrôlée - Demande valant demande d'enregistrement au sens de l'article 5 du règlement CEE n° 2081/92 du conseil du 14 juillet 1992 - Existence - b) Régime national de protection - Entrée en vigueur subordonnée à la transmission à la Commission des Communautés européennes de la demande d'enregistrement.

03-05-01, 14-02-01-03, 15-05-18 a) Eu égard à la nature particulière et à la portée transitoire qu'a, depuis l'entrée en vigueur de la réglementation européenne instituée par le règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992, la reconnaissance d'appellation d'origine contrôlée au niveau national prévue par les dispositions de l'article L. 641-2 du code rural, une demande de reconnaissance d'origine contrôlée adressée aux autorités d'un Etat membre doit être regardée comme constituant la demande d'enregistrement prévue à l'article 5 du règlement, dans sa rédaction issue du règlement (CEE) n° 535/97 du 17 mars 1997. b) Il résulte des stipulations de l'article 5 du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 qu'un nouveau régime national de protection ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa transmission à la Commission des Communautés européennes. Un décret accordant à un produit agricole une appellation d'origine contrôlée et prévoyant une entrée en vigueur du régime de protection à compter d'une date antérieure à celle à laquelle la demande d'enregistrement de l'appellation en cause a été transmise à la Commission est, par suite, illégal dans cette mesure.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES ACTIVITES ECONOMIQUES - ACTIVITES SOUMISES A REGLEMENTATION - REGLEMENTATION DE LA PROTECTION ET DE L'INFORMATION DES CONSOMMATEURS - CAAppellations d'origine contrôlée - Procédure - a) Demande de reconnaissance d'appellation d'origine contrôlée - Demande valant demande d'enregistrement au sens de l'article 5 du règlement CEE n° 2081/92 du conseil du 14 juillet 1992 - Existence - b) Régime national de protection - Entrée en vigueur subordonnée à la transmission à la Commission des Communautés européennes de la demande d'enregistrement.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - PROTECTION DES CONSOMMATEURS - CAAppellations d'origine contrôlée - Procédure - a) Demande de reconnaissance d'appellation d'origine contrôlée - Demande valant demande d'enregistrement au sens de l'article 5 du règlement CEE n° 2081/92 du conseil du 14 juillet 1992 - Existence - b) Régime national de protection - Entrée en vigueur subordonnée à la transmission à la Commission des Communautés européennes de la demande d'enregistrement.


Références :

CEE Règlement 2081-92 du 14 juillet 1992 Conseil art. 5
CEE Règlement 535-97 du 17 mars 1997 Conseil
Code de la consommation L115-1, L115-26-1
Code rural L641-2
Décret du 30 juillet 1998 art. 11 décision attaquée annulation partielle
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 113
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2000, n° 200047
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:200047.20000202
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award