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04/02/2000 | FRANCE | N°202981

France | France, Conseil d'État, Section, 04 février 2000, 202981


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD), dont le siège est ... La Défense) ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, réformant le jugement du 6 mars 1997 du tribunal administratif de Paris, l'a condamné à verser à la SNC "Coeur Défense", la somme de 1 366 162 156,56 F en

remboursement des sommes versées par ladite société en applicati...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD), dont le siège est ... La Défense) ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, réformant le jugement du 6 mars 1997 du tribunal administratif de Paris, l'a condamné à verser à la SNC "Coeur Défense", la somme de 1 366 162 156,56 F en remboursement des sommes versées par ladite société en application d'une convention signée le 5 mars 1992 dans le cadre de l'aménagement de la région de la Défense, d'autre part, a décidé que cette somme porterait intérêts au taux majoré de cinq points, enfin, a enjoint à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE de régler à la SNC "Coeur Défense", la somme de 1 366 162 156,56 F, avec les intérêts correspondants, dans les six mois suivant la notification de cet arrêt ;
2°) de condamner la SNC "Coeur Défense" à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 ;
Vu le décret n° 68-838 du 24 septembre 1968 ;
Vu le décret n° 58-815 du 9 septembre 1958 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat de l' ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SNC "Coeur Défense",
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'établissement public dénommé ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD) et la société en nom collectif SNC "Coeur Défense" ont conclu, le 5 mars 1992, un protocole d'accord, modifié par un avenant du 16 septembre 1992, relatif à la construction par la SNC "Coeur Défense" de 190 000 m à usage principalement de bureaux qui devaient être réalisés sur un terrain pour lequel une promesse de vente avait été consentie à cette société par la société Esso ; que ce protocole stipule que l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE s'engage à "faire en sorte que les autorisations nécessaires à cette fin soient délivrées" et notamment à "apporter en tant que de besoin son aide et son expérience pour que le permis de construire soit délivré par le préfet des Hauts-de-Seine dans les meilleurs délais" ; que l'établissement public s'est par ailleurs engagé, "en cas de réalisation de la promesse de vente, à réaliser à ses frais, en plus des travaux déjà exécutés (réseaux, dalles, circulations, accès routiers, autoroutiers, ferroviaires, parcs de stationnement, réalisations techniques), les travaux d'infrastructures et d'aménagements devant permettre à l'ensemble immobilier projeté de bénéficier d'accès et d'un environnement d'une qualité comparable à ceux déjà mis en oeuvre dans le quartier de Paris-La Défense et cohérente avec celle de l'ensemble monumental à construire" ; que la SNC "Coeur Défense" s'est, en contrepartie, engagée à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE une "participation" d'un montant de 1 339 352 831 F, majoré de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'après avoir acquitté, en septembre 1992 puis en septembre 1993, les deux premiers versements ainsi prévus, la SNC "Coeur Défense" a refusé, en septembre 1994, de payer le troisième, pour lequel l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE a fait jouer la garantie bancaire prévue au protocole ; que la SNC "Coeur Défense" a demandé au tribunal administratif de Paris de constater la nullité du protocole du 5 mars 1992 et d'ordonner le remboursement des sommes versées en exécution de ses stipulations ; que, par un jugement du 6 mars 1997, le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande et condamné l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE à rembourser à la SNC "Coeur Défense" une somme d'un montant en principal de 1 615 268 317,68 F, majorée des intérêts ; que, par l'arrêt attaqué en date du 27 octobre 1998, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé la nullité du protocole du 5 mars 1992, mais a ramené la condamnation de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE à la somme de 1 366 162 156,56 F, correspondant au montant hors taxe -et non, comme l'avait décidé le tribunal administratif, taxes comprises- de la participation litigieuse ; que la cour administrative d'appel a par ailleurs modifié les modalités de calcul des intérêts ;
Sur la condamnation en principal mise à la charge de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE :

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : "Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. Toutefois ces contributions telles qu'elles sont définies aux 2° et 3° dudit article ne peuvent porter sur les équipements publics donnant lieu à la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 ; 4° La participation à la diversité de l'habitat prévue à l'article L. 332-17. Les taxes ou contributions qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions du présent article sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement des taxes ou contributions ou de l'obtention des prestations indûment exigées. Les sommes à rembourser portent intérêt aux taux légal" ;
Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 1585 A du code général des impôts : "Une taxe locale d'équipement, établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments de toute nature, est instituée : 1° De plein droit : b) Dans les communes de la région parisienne figurant sur une liste arrêtée par décret. La taxe est perçue au profit de la commune" ; que l'article 1585 H du même code prévoit que : "Des décrets déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'applications des articles 1585 A à 1585 G ainsi que les dispositions transitoires que l'application de ces articles peut comporter" ; que sur le fondement de ces dispositions, l'article 328 D Quater de l'annexe III au même code dispose : "Peuvent être exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement les constructions édifiées à l'intérieur : 2° Des zones dont l'aménagement et l'équipement ont été entrepris ... avant le 1er janvier 1969 ... selon l'une des modalités suivantes : b) réalisation confiée à un établissement public ... Pour les zones visées au II, le préfet apprécie dans chaque cas, si les équipements prévus à l'article 317 quater de l'annexe II au code général des impôts sont bien mis à la charge des constructeurs." ; qu'aux termes des dispositions de l'article 3 du décret du 24 septembre 1968, reprises à l'article 317 quater de l'annexe II au code général des impôts : "Dans les zones d'aménagement concerté, l'exclusion de la taxe locale d'équipement prévue au 2° du I de l'article 1585 C du code général des impôts est subordonnée à la condition que soit pris en charge par les constructeurs au moins le coût des équipements ci-après : 1° Dans le cas des zones d'aménagement concerté autres que de rénovation urbaine : a) Les voies intérieures à la zone qui n'assurent pas la circulation de secteur àsecteur ainsi que les réseaux non concédés qui leur sont rattachés ; b) Les espaces verts, aires de jeux et promenades correspondant aux seuls besoins des habitants ou des usagers de chaque secteur ; c) Les aires de stationnement correspondant aux seuls besoins des habitants ou des usagers de chaque secteur." ;

Considérant en troisième lieu, que le VIII de l'article 25 de la loi du 18 juillet 1985 dispose : "Les participations exigées des bénéficiaires d'autorisations de construire ou de lotir dans les zones qui ont été exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement antérieurement à l'entrée en vigueur du présent titre demeurent acquises à la collectivité ou à l'établissement public intéressé. Le régime de ces participations demeure applicable dans les mêmes zones pendant un an à compter de l'entrée en vigueur du présent titre. Passé ce délai, la zone est réintroduite de plein droit dans le champ d'application de la taxe locale d'équipement si la commune n'a pas délibéré conformément à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la présente loi" ;
Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme fixent de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire ; qu'il en résulte qu'aucune autre participation ne peut leur être demandée ; que cette règle s'applique alors même que l'autorité administrative au profit de laquelle une telle participation serait versée ne serait pas celle qui délivre le permis de construire ; qu'eu égard enfin au caractère d'ordre public des dispositions de l'article L.332-6 du code de l'urbanisme, toute stipulation contractuelle qui y dérogerait serait entachée de nullité ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées de l'article 25 de la loi du 18 juillet 1985 n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier le régime applicable aux zones, mentionnées à l'article 328 D quater de l'annexe III au code général des impôts, dont l'aménagement et l'équipement ont été entrepris avant le 1er janvier 1969 et dont la réalisation a été confiée à un établissement public ; qu'ainsi il résulte de la combinaison des dispositions du code général des impôts et du code de l'urbanisme que, dans de telles zones, les participations susceptibles d'être exigées des constructeurs sont celles prévues par les dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ou, lorsque le préfet a exclu, sur le fondement des dispositions de l'article 328 D quater de l'annexe III au code général des impôts, lesdites zones du champ d'application de la taxe locale d'équipement, les participations prévues par les dispositions du 2°, du 3° et du 4° de l'article L. 332-6 et par celles de l'article 317 quater de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Paris n'a pas inexactement qualifié la participation prévue par la convention signée le 5 mars 1992 entre l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE et la SNC "Coeur Défense" en la regardant, eu égard tant à son objet qu'aux stipulations de cette convention, comme une contribution imposée aux constructeurs entrant dans le champ d'application de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la cour a pu légalement constater la nullité de la convention liant l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE à la SNC "Coeur Défense" ; qu'elle n'avait pas dans ces conditions à rechercher si les obligations mises à la charge de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE par cette convention entachée de nullité pouvaient venir limiter le montant des sommes à rembourser ; qu'ainsi la cour administrative d'appel de Paris n'a ni entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ni commis, sur ce point, d'erreur de droit ;
Considérant que la réalisation du projet d'aménagement de la région de la Défense a été confiée, par l'article premier du décret du 9 septembre 1958 susvisé, à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE ; que, par deux arrêtés du 21 avril 1969 et du 1er avril 1971, pris sur le fondement des dispositions de l'article 328 D quater de l'annexe III au code général des impôts, le préfet des Hauts-de-Seine a exclu du champ d'application de la taxe locale d'équipement la zone A du périmètre de la Défense dans laquelle sont situés les terrains dont lacession est à l'origine du litige ;
Considérant que l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE a fait valoir, devant la cour administrative d'appel de Paris, que la zone A de la Défense ayant été exclue du champ d'application de la taxe locale d'équipement, la participation litigieuse pouvait être exigée des constructeurs ; que, toutefois, il ne résulte pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond -et que l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE n'a d'ailleurs pas soutenu- que la participation litigieuse ait été au nombre de celles limitativement mentionnées par l'article 317 quater de l'annexe II au code général des impôts pour les zones exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement ; que le moyen invoqué par l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE doit être écarté pour ce motif, qui n'implique aucune appréciation de fait et doit être substitué à celui qui a été retenu dans l'arrêt de la cour administrative d'appel, dont il justifie légalement, sur ce point, le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE, qui, en tout état de cause, ne saurait se prévaloir de stipulations contractuelles contraires à l'ordre public selon lesquelles la SNC "Coeur Défense" aurait renoncé à toute action en justice relative à la légalité de la participation litigieuse, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 27 octobre 1998 en tant qu'il concerne le principal des sommes qu'il a été condamné à rembourser à la SNC "Coeur Défense" ;
Sur les intérêts :

Considérant qu'en ce qui concerne les intérêts, l'arrêt de la cour administrative d'appel est contesté d'une part par l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE, qui critique l'application d'un taux d'intérêt majoré aux sommes qu'il a été condamné à payer, d'autre part, par la SNC "Coeur Défense", qui présente des conclusions incidentes relatives au point de départ des intérêts ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 janvier 1993 : "Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. ( ...) Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points." ; qu'en tant qu'elles prévoient une majoration de cinq points du taux d'intérêt légal, ces dispositions présentent le caractère d'une punition infligée aux collectivités qui ont imposé aux constructeurs des prélèvements en violation des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 du code de l'urbanisme ; qu'eu égard à ce caractère, la loi du 29 janvier 1993 ne peut être regardée comme ayant entendu s'appliquer à des versements antérieurs à son entrée en vigueur ; qu'ainsi, en se fondant sur ce que le taux légal majoré de cinq points était applicable aux sommes que l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE a été condamné à rembourser la SNC "Coeur Défense" alors même que le premier versement de ladite société était antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE est, par suite, fondé à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué ;
Considérant en deuxième lieu que, pour rejeter la demande de la SNC "Coeur Défense" tendant à ce que les intérêts des sommes qui lui sont dues soient calculés à compter de la date de paiement de ces sommes à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LAREGION DE LA DEFENSE, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que, selon le principe dont s'inspirent les dispositions de l'article 1378 du code civil, il n'y a lieu de fixer le point de départ des intérêts au jour du paiement que lorsqu'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu les sommes dont il est demandé répétition ; qu'après avoir constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, l'absence de mauvaise foi de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE, la cour administrative d'appel de Paris a pu légalement en déduire qu'il y avait lieu de fixer le point de départ des intérêts à compter de la date à laquelle la SNC "Coeur Défense" a demandé la répétition des sommes indûment perçues par l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE ; qu'ainsi la SNC "Coeur Défense" n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel sur ce point ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en ce qui concerne les intérêts ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les versements auxquels, en application de la convention du 5 mars 1992, la SNC "Coeur Défense" a procédé envers l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE, sont intervenus respectivement, le 16 septembre 1992, le 15 septembre 1993 et enfin le 27 septembre 1994 ; que la SNC "Coeur Défense" a demandé le remboursement de ces sommes par deux mémoires enregistrés au greffe du tribunal administratif de Paris respectivement le 14 septembre 1994 et le 23 décembre 1994 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SNC "Coeur Défense" a droit au remboursement de la somme de 1 366 162 156,56 F, assortie des intérêts à compter du jour de sa demande tendant au remboursement des sommes indûment versées et que les intérêts au taux majoré ne sont applicables qu'aux versements postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993 ; que, par suite, et compte tenu des sommes dont le remboursement était respectivement demandé par les mémoires présentés au tribunal administratif, la somme de 1 366 162 156,56 F due à la SNC "Coeur Défense" doit être assortie des intérêts au taux légal sur une somme de 322 352 831 F à compter du 14 septembre 1994, des intérêts au taux légal majoré de cinq points d'une part sur une somme de 490 879 475,44 F à compter du 14 septembre 1994 et d'autre part, sur une somme de 552 929 850,12 F à compter du 23 décembre 1994 ;
Sur les conclusions de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la SNC "Coeur Défense" qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article premier de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 27 octobre 1998 est annulé en tant qu'il a trait aux intérêts.
Article 2 : La somme de 322 352 831 F portera intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 1994.La somme de 490 879 475,44 F portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 14 septembre 1994. La somme de 552 929 850,12 F portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 23 décembre 1994.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE est rejeté.
Article 4 : Les conclusions incidentes de la SNC "Coeur Défense" sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE, à la SNC "Coeur Défense", au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 202981
Date de la décision : 04/02/2000
Sens de l'arrêt : Annulation partielle réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - CACollectivités ayant imposé aux constructeurs des prélèvements en violation des articles L - 311-4-1 et L - 332-6 du code de l'urbanisme - Remboursement des sommes indûment exigées - Majoration de cinq points du taux d'intérêt légal (article L - 332-30 du code de l'urbanisme - dans sa rédaction issue de la loi du 29 janvier 1993) - Caractère de punition - Existence - Effets - Application à des versements antérieurs à la loi du 29 janvier 1993 - Absence.

01-08-03 Aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 29 janvier 1993 : "Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. (...) Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points." En tant qu'elles prévoient une majoration de cinq points du taux d'intérêt légal, ces dispositions présentent le caractère d'une punition infligée aux collectivités qui ont imposé aux constructeurs des prélèvements en violation des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 du code de l'urbanisme. Eu égard à ce caractère, la loi du 29 janvier 1993 ne peut être regardée comme ayant entendu s'appliquer à des versements antérieurs à son entrée en vigueur.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - CAContributions aux dépenses d'équipement public indûment perçues - Mauvaise foi de celui qui a reçu les sommes dont il est demandé répétition.

54-08-02-02-01-03 L'appréciation de la mauvaise foi de celui qui a reçu les sommes dont il est demandé répétition, dans l'hypothèse de contributions aux dépenses d'équipement public indûment perçues, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - CONTRIBUTIONS DES CONSTRUCTEURS AUX DEPENSES D'EQUIPEMENT PUBLIC - CAa) Caractère d'ordre public des dispositions de l'article L - 332-6 du code de l'urbanisme fixant de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire - Conséquences - Nullité de toute stipulation contractuelle y dérogeant - b) Collectivités ayant imposé aux constructeurs des prélèvements en violation des articles L - 311-4-1 et L - 332-6 du code de l'urbanisme - Remboursement des sommes indûment exigées - Majoration de cinq points du taux d'intérêt légal (article L - 332-30 du code de l'urbanisme - dans sa rédaction issue de la loi du 29 janvier 1993) - Caractère de punition - Existence - Effets - Application à des versements antérieurs à la loi du 29 janvier 1993 - Absence - c) Point de départ des intérêts - Mauvaise foi de la part de celui qui a reçu les sommes dont il est demandé répétition - Jour du paiement.

68-024 a) Les dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme fixent de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire. Eu égard au caractère d'ordre public de ces dispositions, toute stipulation contractuelle qui y dérogerait serait entachée de nullité. b) Aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 29 janvier 1993 : "Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. (...) Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points". En tant qu'elles prévoient une majoration de cinq points du taux d'intérêt légal, ces dispositions présentent le caractère d'une punition infligée aux collectivités qui ont imposé aux constructeurs des prélèvements en violation des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 du code de l'urbanisme. Eu égard à ce caractère, la loi du 29 janvier 1993 ne peut être regardée comme ayant entendu s'appliquer à des versements antérieurs à son entrée en vigueur. c) Selon le principe dont s'inspirent les dispositions de l'article 1378 du code civil, le point de départ des intérêts est fixé au jour du paiement lorsqu'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu les sommes dont il est demandé répétition.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - CONTRIBUTIONS DES CONSTRUCTEURS AUX DEPENSES D'EQUIPEMENT PUBLIC - TAXE LOCALE D'EQUIPEMENT ET PARTICIPATION FORFAITAIRE REPRESENTATIVE - CADispositions du VIII de l'article 25 de la loi du 18 juillet 1985 - Effets - Modification du régime applicable aux zones mentionnées à l'article 328 D quater de l'annexe III au code général des impôts dont l'aménagement et l'équipement ont été entrepris avant le 1er janvier 1969 et dont la réalisation a été confiée à un établissement public - Absence.

68-024-03 Aux termes de l'article 328 D quater de l'annexe III au code général des impôts : "Peuvent être exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement les constructions édifiées à l'intérieur : 2° Des zones dont l'aménagement et l'équipement ont été entrepris ... avant le 1er janvier 1969 ... selon l'une des modalités suivantes : b) réalisation confiée à un établissement public ...". Aux termes du VIII de l'article 25 de la loi du 18 juillet 1985 : "Les participations exigées des bénéficiaires d'autorisation de construire ou de lotir dans les zones qui ont été exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement antérieurement à l'entrée en vigueur du présent titre demeurent acquises à la collectivité ou à l'établissement public intéressé. Le régime de ces participations demeure applicable dans les mêmes zones pendant un an à compter de l'entrée en vigueur du présent titre. Passé ce délai, la zone est réintroduite de plein droit dans le champ d'application de la taxe locale d'équipement si la commune n'a pas délibéré conformément à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la présente loi". Ces dernières dispositions n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier le régime applicable aux zones mentionnées à l'article 328 D quater précité dont l'aménagement et l'équipement ont été entrepris avant le 1er janvier 1969 et dont la réalisation a été confiée à un établissement public. Dans de telles zones, les participations susceptibles d'être exigées des constructeurs sont celles prévues par l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ou lorsque le préfet a exclu, sur le fondement de l'article 328 D quater précité, lesdites zones du champ d'application de la taxe locale d'équipement, les participations prévues par les dispositions du 2°, du 3° et du 4° de l'article L. 332-6 et par celles de l'article 317 quater de l'annexe II au code général des impôts.


Références :

Arrêté du 21 avril 1969
Arrêté du 01 avril 1971
CGI 1585 A, 1585
CGIAN2 317 quater
CGIAN3 328 D quater
Code civil 1378
Code de l'urbanisme L332-6, L332-30, L311-4-1
Décret 58-815 du 09 septembre 1958
Décret 68-838 du 24 septembre 1968 art. 3
Instruction du 05 mars 1992
Loi 85-729 du 18 juillet 1985 art. 25
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 93-122 du 29 janvier 1993


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2000, n° 202981
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Edouard Philippe
Rapporteur public ?: Mme Bergeal
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Célice, Blancpain, Soltner, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:202981.20000204
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