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16/02/2000 | FRANCE | N°143839

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 16 février 2000, 143839


Vu la requête enregistrée le 24 décembre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 29 octobre 1992 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que, par ledit arrêt, la cour, réformant un jugement du 27 février 1990 du tribunal administratif de Paris, a substitué les intérêts de retard aux pénalités pour taxation d'office appliquées aux droits dus par M. et Mme X... au titre des années 1981 à 1983 en matière d'impôt sur le revenu et condamné l'Etat

verser aux époux X... la somme de 3 000 F au titre des frais irrépé...

Vu la requête enregistrée le 24 décembre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 29 octobre 1992 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que, par ledit arrêt, la cour, réformant un jugement du 27 février 1990 du tribunal administratif de Paris, a substitué les intérêts de retard aux pénalités pour taxation d'office appliquées aux droits dus par M. et Mme X... au titre des années 1981 à 1983 en matière d'impôt sur le revenu et condamné l'Etat à verser aux époux X... la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le pourvoi du ministre est dirigé contre l'arrêt du 29 octobre 1992 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que, par ledit arrêt, d'une part, la cour, réformant un jugement du 27 février 1990 du tribunal administratif de Paris, a substitué les intérêts de retard aux pénalités pour défaut de déclaration appliquées aux droits dus par M. et Mme X... au titre des années 1981 à 1983 en matière d'impôt sur le revenu et, d'autre part, a condamné l'Etat à verser aux époux X... la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Sur les pénalités dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur le revenu des années 1981, 1982 et 1983 :
Considérant que si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée ; que la cour a commis une erreur de droit en se fondant, pour refuser la substitution des pénalités au taux de 100 %, prévues par l'article 1733 du code général des impôts en cas de défaut de déclaration ou dépôt tardif de celle-ci, aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses au taux de 150 %, prévues par l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, initialement appliquées par l'administration, sur la seule circonstance que les pénalités de l'article 1733 n'avaient pas fait l'objet d'une lettre de motivation qui leur était propre ; que, dès lors, son arrêt doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour infliger aux époux X... des pénalités pour manoeuvres frauduleuses au titre des années 1981 à 1983, l'administration, si elle mentionnait dans sa lettre de motivation des pénalités, avoir mis en oeuvre la procédure de taxation d'office, s'est exclusivement fondée sur la nature des redressements auxquels elle a procédé et qui impliquaient, selon elle, l'existence de manoeuvres frauduleuses ; qu'il s'ensuit que l'administration, ayant estimé, sur réclamation des contribuables, que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses n'étaient pas applicables , ne pouvait pas leur substituer les pénalités au taux de 100 % prévues par l'article 1733 du code général des impôts, alors applicable en cas de défaut de déclaration, en invoquant des faits distincts de ceux qu'elle avait retenus pour motiver les pénalités initialement appliquées ; qu'il y a lieu, toutefois, de remplacer ces pénalités par les intérêts de retard prévus aux articles 1727 et 1734 du code général des impôts, alors en vigueur, dans la limite des pénalités initialement appliquées ; que M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à leur demande dans les limites ci-dessus précisées ;
Sur les conclusions du ministre et des époux X... relatives à la condamnation de l'Etat par la cour à verser à ces derniers des sommes au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 14 octobre 1992, soit la veillede l'audience, dans lequel les époux X... ont présenté des conclusions nouvelles tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur payer la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, ait été communiqué en temps utile à l'administration fiscale ; qu'il en résulte que l'arrêt de la cour a été rendu, sur ce point, en violation du principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse ; que l'article 5 de son dispositif doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de régler l'affaire au fond et de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X... une somme de 3 000 F au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens et de faire droit aux conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par les requérants aux fins de condamner l'Etat à leur verser, au titre des mêmes frais exposés en cassation, une somme de 7 000 F ;
Article 1er : L'arrêt du 29 octobre 1992 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il substitue les intérêts de retard aux pénalités de défaut de déclaration appliquées aux droits dus au titre des années 1981, 1982 et 1983 dans la limite des pénalités initialement assignées et en tant que, par son article 5, il condamne l'Etat à verser à M. et Mme X... la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
Article 2 : Les intérêts de retards sont substitués aux pénalités de défaut de déclaration appliquées aux droits dus au tire des années 1981, 1982 et 1983 dans la limite des pénalités initialement appliquées.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme X... la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le jugement du 27 février 1990 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 143839
Date de la décision : 16/02/2000
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-04,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES, PENALITES, MAJORATIONS -CADemande de l'administration de substitution de pénalités - Conditions - a) Garanties de procédure - Nécessité d'une lettre de motivation propre aux nouvelles pénalités - Absence - b) Identité des faits invoqués - Absence en l'espèce (1).

19-01-04 Si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée. a) La seule circonstance que les pénalités dont l'administration demande la substitution n'aient pas fait l'objet d'une lettre de motivation qui leur soit propre ne constitue pas un obstacle à la substitution demandée par l'administration. b) Pour infliger au contribuable des pénalités pour manoeuvres frauduleuses, l'administration, si elle mentionnait, dans sa lettre de motivation des pénalités, avoir mis en oeuvre la procédure de taxation d'office, s'est exclusivement fondée sur la nature des redressements auxquels elle a procédé et qui impliquaient, selon elle, l'existence de manoeuvres frauduleuses. Par suite, pas de substitution des pénalités en cas de défaut de déclaration aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses (1).


Références :

CGI 1733, 1729, 1727, 1734
Code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel L8-1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11

1.

Cf. sol. contr. Section, 1999-10-01, Association pour l'unification du christianisme mondial, p. 286


Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2000, n° 143839
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:143839.20000216
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