Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 mai 1998, présentée pour M. Max X..., demeurant à Puniaauia, Le Lotus, Lot 207, B.P.4633 à Papeete, Polynésie française ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 19 mars 1998 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'indemnité d'éloignement au titre de son cinquième séjour en Polynésie française ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la totalité de l'indemnité d'éloignement à laquelle il peut prétendre depuis le 5 janvier 1987 jusqu'à son retour en métropole, la première fraction de cette indemnité portant intérêts à compter du 26 janvier 1998 ;
3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droit et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret du 2 mars 1910 portant règlement sur l'affectation, la solde et les allocations accessoires des fonctionnaires, employés et agents des services coloniaux ou locaux et les décrets qui l'ont modifié ;
Vu le décret n° 51-511 du 5 mai 1951 ;
Vu le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 relatif à la durée de séjour dans les territoires d'outre-mer de certains fonctionnaires et magistrats et le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'indemnité d'éloignement destinée aux fonctionnaires et magistrats en service dans les territoires d'outre-mer ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mochon, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de M. Max X...,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour demander l'annulation de la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'indemnité d'éloignement au titre de son cinquième séjour en Polynésie française, M. X... soutient qu'elle méconnaît les dispositions transitoires prévues par l'article 7 du décret susvisé du 27 novembre 1996 et, à titre subsidiaire, que ces dispositions sont entachées de rétroactivité illégale et sont contraires tant à la loi du 30 juin 1950 relative au régime de rémunération des fonctionnaires outre-mer qu'au principe d'égalité ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 27 novembre 1996 : "Le droit à l'indemnité est ouvert lors de l'affectation dans un territoire d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte à la condition que cette affectation entraîne, pour l'agent concerné, un déplacement effectif pour aller servir en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux" ; qu' aux termes de l'article 4 du même décret : "Le droit à l'indemnité pour les personnels qui sont affectés sans limitation de durée dans un territoire d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte n'est ouvert que pour deux périodes de deux ans ( ...) / Les intéressés n'acquièrent un nouveau droit à l'indemnité pour une nouvelle affectation dans un territoire d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte qu'après une période de service de deux ans au moins accomplie en dehors de toute collectivité ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité" ; qu'enfin aux termes de l'article 7 de ce décret : "Les personnels qui sont déjà affectés dans un territoire d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte à la date de publication du présent décret conservent les droits à l'indemnité d'éloignement dans les conditions qui étaient antérieurement applicables. Toutefois, la secondefraction de l'indemnité leur est versée au moment où ils prennent leur congé administratif" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les agents nommés dans un territoire d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte avant l'intervention du décret précité du 27 novembre 1996 conservent les droits à l'indemnité d'éloignement dans les conditions qui étaient antérieurement applicables jusqu'au terme du congé administratif pris en vertu de ces dispositions antérieurement applicables ; que, dès lors qu'ils ont effectué un séjour d'une durée supérieure à quatre ans dans un territoire d'outre-mer ou dans la collectivité territoriale de Mayotte, les nouvelles dispositions qui leur sont applicables, issues de l'article 4 du décret précité du 27 novembre 1996, font obstacle à ce qu'une nouvelle indemnité d'éloignement leur soit versée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., magistrat affecté depuis le 5 janvier 1987 à Papeete, a bénéficié à partir du 2 juin 1997 d'un quatrième congé administratif à l'issue duquel lui a été versée la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement à laquelle il avait droit ; qu'ayant accompli dans ce territoire un séjour d'une durée supérieure à quatre ans, il relevait, en ce qui concerne ses droits à l'indemnité d'éloignement, des dispositions de l'article 4 du décret précité ; que ces dispositions faisaient obstacle à ce que lui fût versée une nouvelle indemnité d'éloignement au titre de son cinquième séjour ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant le versement de l'indemnité d'éloignement au titre de son cinquième séjour ;
Sur l'exception d'illégalité du décret du 27 novembre 1996 :
Considérant que M. X... demande que lui soient appliquées les dispositions relatives à l'indemnité d'éloignement antérieures au décret du 27 novembre 1996, en excipant de l'illégalité de l'article 4 de ce décret en tant qu'il prévoit que le droit à l'indemnité d'éloignement n'est ouvert que pour deux périodes de deux ans ; qu'à supposer fondée cette exception, l'illégalité de l'article 4 du décret du 27 novembre 1996 n'aurait pas pour effet de remettre en vigueur les dispositions réglementaires antérieures régissant l'attribution des indemnités d'éloignement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'illégalité du décret du 27 novembre 1996 est, en tout état de cause, inopérant ;
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Max X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.