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16/02/2000 | FRANCE | N°205965

France | France, Conseil d'État, 16 février 2000, 205965


Vu le recours, enregistré le 24 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 de l'arrêt du 30 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, réformant le jugement du 17 juillet 1996 du tribunal administratif de Nantes a accordé à la société Jet Systems la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décem

bre 1988, à raison de la non déductibilité de la taxe ayant grevé les...

Vu le recours, enregistré le 24 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 de l'arrêt du 30 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, réformant le jugement du 17 juillet 1996 du tribunal administratif de Nantes a accordé à la société Jet Systems la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988, à raison de la non déductibilité de la taxe ayant grevé les loyers de crédit-bail et les dépenses d'entretien des hélicoptères qu'elle utilise pour les besoins de son exploitation ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution desdits articles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 et la neuvième directive n° 78/583/CEE du 26 juin 1978 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Jet Systems,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 : "1. La TVA qui a grevé les éléments de prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération ..." ; que l'article 273 du même code, issu du même article de la loi du 6 janvier 1966, dispose : "1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment : ... les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite. 2. Ces décrets peuvent édicter des exclusions ou des restrictions et définir des règles particulières, soit pour certains biens ou certains services, soit pour certaines catégories d'entreprises ..." ;
Considérant que l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts, issu de l'article 8 du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967, pris en application du 2 de l'article 273, précité, dispose, en son premier alinéa, que "les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction" et, en son troisième alinéa, que "toutefois, cette exclusion ne concerne pas : ... les véhicules ou engins acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration a, en se fondant sur ces dispositions, assujetti la société Jet Systems pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988 à des compléments de TVA, à raison de la non déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur les loyers de crédit-bail et les dépenses d'entretien des deux hélicoptères que la société utilise pour le transport public de voyageurs et pour d'autres activités telles que la photo aérienne, les travaux agricoles, la surveillance de lignes électriques et l'animation publicitaire ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative de Nantes du 30 décembre 1998 en tant que par ses articles 1er et 2, il a accordé à la société Jet Systems la décharge des compléments de TVA, s'élevant à 878 286 F en droits et 157 858 F en pénalités, auxquels elle a été assujettie de ce chef au titre de la période précitée ;

Considérant qu'aux termes des paragraphes 2 et 5 de l'article 17 de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : "2. Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a. La taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti ...5. En ce qui concerne les biens et services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois desopérations ouvrant droit à déduction ... et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations ..." ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que l'affectation non exclusive d'un bien ou d'un service à la réalisation d'opérations taxées n'entraîne pas la suppression, mais seulement la réduction, à proportion du montant des opérations non taxées, du droit à déduction de la taxe due ou acquittée sur la livraison de ce bien ou la fourniture de ce service ;
Considérant que l'article 17, paragraphe 6, de la même directive dispose que : "Au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation. Jusqu'à l'entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les Etats membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la présente directive" ; qu'il résulte clairement de ces dispositions, d'une part, qu'elles visent les exclusions du droit à déduction particulière à certaines catégories de biens, de services ou d'entreprises et non les règles qui, ayant trait à la définition même des conditions générales d'exercice du droit à déduction, telles que fixées, notamment, par les paragraphes 2, a) et 5, précités, de la sixième directive, ne sont pas applicables aux dépenses entrant dans le champ de ces exclusions, et, en particulier, de celles qui étaient prévues par des dispositions nationales antérieures à la date d'entrée en vigueur de la sixième directive, et d'autre part, qu'elles donnent la possibilité aux Etats membres de maintenir ces exclusions et les mesures qui y dérogent, sans étendre les premières, ni restreindre la portée des secondes, jusqu'à ce que le Conseil, statuant à l'unanimité, sur proposition de la Commission, en décide, le cas échéant, autrement ;

Considérant qu'il découle de ce qui vient d'être dit que les trois premiers alinéas, précités, de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts sont au nombre des dispositions que la République française a pu maintenir en application, conformément à l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, après l'entrée en vigeur de cette dernière ; que la validité de la condition d'affectation exclusive à la réalisation de transports publics de voyageurs à laquelle le troisième alinéa de l'article 237 continue de subordonner la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de véhicules par des entreprises qui effectuent de tels transports devant être appréciée au regard des seules dispositions de l'article 17, paragraphe 6, précité, auxquelles, ainsi qu'il vient d'être dit, elle n'est pas contraire, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en examinant sa conformité au droit communautaire au regard des dispositions du paragraphe 2 de l'article 17 de la sixième directive et en jugeant qu'elle était devenue incompatible avec celle-ci ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est, en conséquence, fondé à demander, dans les limites qu'il assigne aux conclusions de son recours, l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société Jet Systems n'est pas fondée à soutenir que l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts est incompatible avec l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive du 17 mai 1977, en tant que son troisième alinéa subordonne la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition d'un véhicule par une entreprise de transports publics de voyageurs à la condition qu'il soit affecté de façon exclusive à la réalisation de tels transports ;
Considérant que cette condition n'était pas remplie dans le cas des deux hélicoptères qui étaient affectés à l'exploitation de la société Jet Systems ; que, par suite, les dispositions de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts faisaient obstacle à la déduction de la taxe afférenteà ces appareils ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les deux hélicoptères en cause n'avaient pas été initialement conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que ces véhicules ne seraient pas visés par l'exclusion de principe du droit à déduction du premier alinéa de l'article 237 du code général des impôts ;
Considérant que la société Jet Systems ne peut, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, utilement se prévaloir de l'article 4 du règlement CEE du Conseil du 27 juillet 1992 qui a trait à la délivrance des licences d'exploitation des transporteurs aériens et qui est dépourvu de toute portée fiscale ;

Considérant enfin qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante entre dans les prévisions de la documentation 3 D 1532, dont elle invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales les paragraphes 9 à 12 qui prévoient que : "9. La déduction est également subordonnée à une affectation exclusive desdits véhicules à une activité de transports publics de personnes. 10. Ainsi, un autocar qui esrait affecté concurremment à des activités d'enseignement et des activités de transport public de personnes ne pourrait ouvrir droit à déduction. De même, les agences de voyages qui utilisent des véhicules de transport de personnes leur appartenant ne peuvent opérer la déduction de la taxe afférente à ces véhicules que si elles les affectent exclusivement à une activité de transport de voyageurs distincte de leur activité d'agences de voyages et donnant lieu à une imposition portant sur le prix total du transport réclamé à leurs clients (sur le régime des transporteurs publics routiers de voyageurs qui organisent des voyages, cf. 3 L 62). 11. Toutefois, lorsque les entreprises de transport public de voyageurs utilisent des véhicules visés à l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts pour réaliser, à titre accessoire ou occasionnel, des prestations de transports de marchandises ou de messageries passibles de la TVA au taux normal, cette utilisation occasionnelle ou accessoire n'est pas de nature à remettre en cause le droit à déduction de la taxe afférente à l'acquisition des véhicules concernés. 12. La règle exposée ci-dessus est applicable aux artisans-taxis. Pour les intéressés, il y a lieu de considérer que les transports de l'espèce ont un caractère accessoire ou occasionnel lorsque les recettes correspondantes sont inférieures à 30 000 F TTC par an et n'excèdent pas 20 % des recettes totales annuelles TTC."
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Jet Systems n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 juillet 1996 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988, à raison de la non déductibilité de la taxe ayant grevé les loyers de crédit-bail et les dépenses d'entretien des hélicoptères qu'elle utilise pour les besoins de son exploitation ;
Sur les conclusions de la société Jet Systems tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la société Jet Systems la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 30 décembre 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés, en tant qu'ils déchargent la société Jet Systems des rappels de taxe sur la valeurajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988 à raison de la non déductibilité de la taxe ayant grevé les loyers de crédit-bail et les dépenses d'entretien des hélicoptères qu'elle utilise pour les besoins de son exploitation, et en tant qu'ils ont réformé, en ce sens, le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 février 1995.
Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par la société Jet Systems devant la cour administrative d'appel de Nantes qui tendent à la décharge des droits et pénalités mentionnés à l'article 1er ci-dessus sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Jet Systems présentées devant le Conseil d'Etat et tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Jet Systems.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 205965
Date de la décision : 16/02/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE.


Références :

CGI 271, 273, 237
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
CGIAN2 237
Décret 67-604 du 27 juillet 1967 art. 8, art. 273, art. 1, art. 2, art. 17, art. 237
Loi 66-10 du 06 janvier 1966 art. 17
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2000, n° 205965
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vallée
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:205965.20000216
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