Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars 1995 et 12 juillet 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Bénédicte Y..., demeurant à Fontaine-Bellanger (27600) ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé, à la demande de M. et Mme Philippe X..., l'arrêté du 18 février 1992 du préfet de l'Essonne l'autorisant à exploiter 36 ha 20 ares de terres précédemment mises en valeur par M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme Philippe X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et notamment son article 188-5 ;
Vu le décret n° 85-1099 du 14 octobre 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de Mme Bénédicte Y...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu de l'article 188-5 du code rural dans sa rédaction issue de la loi du 23 janvier 1990, applicable à l'espèce, la déclaration ou la demande d'exploitation ou de cumul d'exploitation de terres agricoles "est adressée au représentant de l'Etat dans le département sur le territoire duquel est situé le fonds" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 14 octobre 1985 pris pour l'application de l'article 188-5 dans sa rédaction antérieure résultant de la loi du 1er août 1984, demeuré applicable : "Lorsque la demande concerne des fonds situés sur le territoire de plusieurs départements, elle est adressée au préfet du département sur le territoire duquel est situé le siège de l'exploitation du demandeur ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : "Lorsque les fonds sont situés sur le territoire de plusieurs départements, le préfet compétent statue sur la demande de l'intéressé après avoir consulté le préfet du ou des autres départements" ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 1er août 1984, que par "fonds" au sens de ces dispositions il faut entendre les terres qui font l'objet de la demande ;
Considérant qu'il est constant que le fonds que Mme Y... demandait à exploiter est situé tout entier dans le département de l'Essonne ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 188-5 du code rural dans sa rédaction applicable au litige que le préfet de l'Essonne était compétent pour statuer sur la demande et qu'il n'avait l'obligation de consulter ni le préfet des Yvelines, département dans le territoire duquel était situé le siège de l'exploitation de Mme Y... ni le préfet de l'Eure, département dans lequel le mari de Mme Y... exploitait personnellement une autre exploitation ; que c'est, dès lors, à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'absence de consultation par le préfet de l'Essonne des préfets des Yvelines et de l'Eure pour annuler la décision du préfet de l'Essonne du 18 février 1992 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant que le préfet de l'Essonne, pour autoriser Mme Y... à exploiter les terres précédemment mises en valeur par M. X..., a comparé les situations respectives du preneur et du demandeur et s'est référé aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X..., la décision attaquée est suffisamment motivée ;
Considérant que les moyens invoqués par M. X... et tirés d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier lebien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du préfet de l'Essonne en date du 18 février 1992 ;
Article 1er : Le jugement en date du 28 novembre 1994 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Bénédicte Y..., à M. et Mme Philippe X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.