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27/03/2000 | FRANCE | N°204227

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 27 mars 2000, 204227


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février 1999 et 31 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l' UNION DES METIERS ET DES INDUSTRIES DE L'HOTELLERIE (UMIH) venant aux droits de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE dont le siège social est ... et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE dont le siège social est Immeuble Péricentre, rue Van Gogh à Villeneuve d'Asc (59658) ; l'UNION DES METIERS ET DES INDUSTRIES DE L'HOTELLERIE (UMIH) et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE OR

GANISEE demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la déc...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février 1999 et 31 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l' UNION DES METIERS ET DES INDUSTRIES DE L'HOTELLERIE (UMIH) venant aux droits de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE dont le siège social est ... et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE dont le siège social est Immeuble Péricentre, rue Van Gogh à Villeneuve d'Asc (59658) ; l'UNION DES METIERS ET DES INDUSTRIES DE L'HOTELLERIE (UMIH) et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant leur demande du 5 août 1998 visant à abroger l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les décisions ministérielles des 23 mars 1942 et 19 mars 1943 au profit des cantines d'entreprise ;
2°) de condamner l'Etat à prononcer cette abrogation sous astreinte de 1 000 F par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 3 milliards de francs par an de réparation des préjudices subis par les entreprises adhérentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 portant loi de finances pour 1979 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE et du SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE :
Considérant qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 des statuts de la fédération requérante : "Le président fédéral assure la représentation juridique de la FNIH" ; qu'aucune autre clause ne réserve à un autre organe le pouvoir de décider d'engager une action en justice au nom de la fédération ; qu'ainsi, le président de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE avait qualité pour présenter la requête au nom de cette organisation ;
Sur les conclusions en annulation :
Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenu d'y référer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE ont demandé le 5 août 1998 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'abroger les décisions ministérielles des 23 mars 1942 et 19 mars 1943 exonérant des taxes sur le chiffre d'affaires, sous certaines conditions, les cantines d'entreprise et les cantines d'administration, au motif notamment que ces exonérations étaient incompatibles avec lesobjectifs définis par la sixième directive du conseil des communautés européennes 77/388/CEE du 17 mai 1977 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de quatre mois, il en est résulté une décision implicite de rejet, dont la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE demandent au Conseil d'Etat l'annulation ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256-I du code général des impôts, dont les dispositions, prises, comme celles qui suivent, pour l'adaptation de la législation nationale à la 6ème directive, sont conformes aux dispositions de l'article 2 de cette dernière : "Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées par un assujetti agissant en tant que tel" et qu'aux termes de l'article 256 A du même code dont les dispositions sont conformes à celles de l'article 4 paragraphe 1 de la 6ème directive : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la nature ou la forme de leur intervention" ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 256 B du code général des impôts : "Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. Ces personnes morales sont assujetties, en tout état de cause pour les opérations suivantes : ... opérations des économats et établissements similaires ..." ; que ces dispositions, prises pour l'adaptation de la législation nationale à la 6ème directive dont l'article 4 paragraphe 5 prévoit que les organismes de droit public ont, en tout état de cause, la qualité d'assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée pour les opérations énumérées à l'annexe D ..., au nombre desquelles figurent, notamment "les opérations des cantines d'entreprises, économats, coopératives et établissements similaires", doivent être interprétées en ce sens que les personnes morales de droit public sont en tout état de cause assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des opérations de leurs cantines et établissements similaires ; qu'il résulte des dispositions précitées, rapprochées des autres dispositions de la 6ème directive et des articles du code générale des impôts qui les ont transposées, que tant les administrations que les entreprises sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations des cantines ouvertes à leur personnel ;
Considérant, enfin, que, si le ministre invoque l'article 13 A.1 sous g) de la sixième directive aux termes duquel "Les Etats exonèrent ( ....) g) les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'Etat membre concerné" les prestations que les organismes gestionnaires des cantines d'entreprises fournissent ne sauraient être regardées comme "étroitement liées" à l'assistance sociale et à la sécurité sociale ; qu'elles ne sont donc pas, en tout état de cause, au nombre des prestations exonérées par cette disposition ; qu'aucune autre des dispositions d'exonération énumérées à l'article 13 de la directive et reprises aux articles 261 et suivants du code général des impôts ne leur est applicable ; que, par suite, les décisions du 23 mars 1942 et 19 mars 1943 sont illégales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances a illégalement refusé de déférer à la demande de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE et du SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE tendant à l'abrogation des décisions du 23 mars 1942 et du 19 mars 1943 ; que la décision attaquée doit, par suite, être annulée ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 6-1 de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée :

Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 introduit dans la loi du 16 juillet 1980 par la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine ..." ; que l'annulation de la décision implicite attaquée implique nécessairement l'édiction de mesures portant abrogation des décisions du 23 mars 1942 et 19 mars 1943 ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette abrogation dans un délai de 6 mois à compter de la présente décision ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les conclusions à fin d'indemnités :
Considérant que la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE ne justifient d'aucun préjudice qui leur soit propre ; que s'ils invoquent les préjudices qu'auraient subis leurs adhérents, ils ne sont pas recevables à en demander réparation ; que leurs conclusions en indemnités doivent par suite être écartées ;
Article 1er : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la demande présentée le 5 août 1998 par la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE et le SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de prononcer l'abrogation des décisions des 23 mars 1942 et 19 mars 1943 dans un délai de 6 mois à compter de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE et du SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DE L'INDUSTRIE HOTELIERE, au SYNDICAT NATIONAL DE LA RESTAURATION PUBLIQUE ORGANISEE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Sens de l'arrêt : Annulation injonction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - FISCALITE - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - CADispositions d'exonération de la 6° directive - Champ d'application - Exclusion - Prestations fournies par les organismes gestionnaires de cantines d'entreprise.

15-05-11-01, 19-06-02-01-01 Les dispositions de l'article 256B du code général des impôts qui prévoient que les personnes morales de droit public sont assujetties à la TVA pour les opérations des économats doivent être interprétées en ce sens que les personnes morales de droit public sont en tout état de cause assujetties à la TVA à raison des opérations de leurs cantines et établissements similaires (1). Par suite, tant les administrations que les entreprises sont assujetties à la TVA sur les opérations des cantines ouvertes à leur personnel. Par ailleurs, les prestations que les organismes gestionnaires des cantines d'entreprise fournissent ne sauraient être regardées comme "étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale" au sens des dispositions de l'article 13 A. 12 g) de la sixième directive. Ni ces dispositions, ni aucune autre des dispositions d'exonération de la sixième directive, reprises par le code général des impôts, ne leur sont applicables. Illégalité des décisions ministérielles des 23 mars 1942 et 19 mars 1944 exonérant des taxes sur le chiffre d'affaires, sous certaines conditions, les cantines d'entreprise et les cantines d'administration.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - OPERATIONS TAXABLES - CAExistence - Prestations fournies par les cantines et établissements similaires - Cantines des administrations et des entreprises - Illégalité des décisions ministérielles des 23 mars 1942 et 19 mars 1944.


Références :

CGI 256, 256 B, 4, 13 A 1, 261
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 95-125 du 08 février 1995

1.

Cf. Assemblée, 1989-12-22, Ministre du budget c/ Cercle militaire mixte de la Caserne Mortier, p. 260


Publications
Proposition de citation: CE, 27 mar. 2000, n° 204227
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova
Avocat(s) : Me Odent, Avocat

Origine de la décision
Formation : 8 / 3 ssr
Date de la décision : 27/03/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 204227
Numéro NOR : CETATEXT000008083880 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2000-03-27;204227 ?
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