Vu la requête enregistrée le 10 avril 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 10 février 1998 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a annulé, à la demande de Mme X..., le jugement du 17 avril 1996 du tribunal administratif de Paris et la décision du 31 mai 1994 par laquelle le maire a demandé à Mme X... de quitter le logement qu'elle occupait au sein du groupe scolaire du Chêne Pointu ;
2°) statuant au fond, de rejeter la demande de Mme X... dirigée contre la décision du 31 mai 1994 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Séners, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de Mme Y... Brida,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme X..., recrutée à compter du 1er juin 1991 par la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS en qualité d'agent administratif non titulaire par un contrat d'engagement prorogé par arrêtés successifs jusqu'au 31 octobre 1994, a été chargée, par un second contrat en date du 29 avril 1993, des fonctions de gardienne du groupe scolaire du Chêne pointu et s'est vu attribuer à ce titre, par nécessité absolue de service, un logement dans le groupe scolaire ; que le maire de Clichy-sous-Bois ayant mis fin à ce dernier contrat à compter de la rentrée scolaire de 1994 par une décision du 31 mai 1994 et ayant refusé, par une décision du 11 juillet 1994, de proroger une nouvelle fois le contrat portant recrutement de Mme X... en qualité d'agent administratif, l'intéressée a contesté les deux décisions devant le tribunal administratif de Paris qui l'a déboutée de sa demande ; que, par son arrêt en date du 10 février 1998, la cour administrative d'appel de Paris a annulé, en tant qu'il rejetait la demande de Mme X... dirigée contre la décision du 31 mai 1994 du maire de Clichy-sous-Bois, le jugement susmentionné du 17 avril 1996 du tribunal administratif de Paris ainsi que cette décision ; que la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS ne conteste l'arrêt dont il s'agit que dans cette mesure ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1987 applicable au présent litige : "Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de titulaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé parental, ou de l'accomplissement du service national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. /Ces collectivités et établissements peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel. /Des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les mêmes cas et selon les mêmes conditions de durée que ceux applicables aux agents de l'Etat. /Toutefois, dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour une durée déterminée et renouvelés par reconduction expresse pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet et correspondant à un nombre maximal d'heures de travail qui n'excède pas celui mentionné à l'article 107 de la présente loi" ; que, d'autre part, aux termes des dispositions de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 rendues applicables aux agents territoriaux par l'article 3 précité de la loi du 26 janvier 1984 : "Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée maximale de trois ans qui ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions législatives précitées que les contrats passés par les collectivités et établissements publics territoriaux en vue de recruter des agents non titulairesdoivent, sauf disposition législative spéciale contraire, être conclus pour une durée déterminée et ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse ; que, par suite, dans le cas où, contrairement à ces prescriptions, le contrat de recrutement d'un agent non titulaire comporte une clause de tacite reconduction, cette stipulation ne peut légalement avoir pour effet de conférer au contrat dès son origine une durée indéterminée ; que le maintien en fonctions à l'issue du contrat initial a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est soit celle prévue par les parties, soit, à défaut, celle qui était assignée au contrat initial ;
Considérant que, pour déclarer illégale la décision du 31 mai 1994 par laquelle le maire de Clichy-sous-Bois a mis fin au contrat du 29 avril 1993 portant recrutement de Mme X... en qualité de gardienne du groupe scolaire du Chêne pointu, la cour administrative d'appel a estimé que ce contrat avait revêtu, après avoir été tacitement renouvelé le 1er mai 1994, le caractère d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il résulte des principes ci-dessus énoncés découlant des prescriptions de la loi du 26 janvier 1984 que l'arrêt attaqué est, sur ce point, entaché d'une erreur de droit ; que, par suite, la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS est fondée à demander, dans cette mesure et pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS ;
Considérant que ni l'illégalité alléguée du contrat en cause ni la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressée aurait effectivement exercé les fonctions prévues par ce contrat, y compris postérieurement à la date à laquelle le maire y a mis fin, n'ont d'incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'en vertu des stipulations du contrat du 29 avril 1993 le maire de Clichy-sous-Bois était autorisé à mettre fin à l'engagement de Mme X... et à la concession de logement après un préavis de trois mois ; que ni ce contrat ni aucune disposition de nature législative ou réglementaire n'imposaient au maire de prendre cette décision sous la forme d'un arrêté ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 1994 ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 10 février 1998 est annulé en tant qu'il a annulé, à la demande de Mme X..., la décision du maire de Clichy-sous-Bois en date du 31 mai 1994.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme X... devant la cour administrative d'appel de Paris, relatives à la décision du 31 mai 1994, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS, à MmeFrancisca Brida et au ministre de l'intérieur.