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19/04/2000 | FRANCE | N°174018

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 19 avril 2000, 174018


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 26 octobre 1995, le 11 décembre 1995, le 10 septembre 1996, le 10 septembre 1997 et le 19 juin 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE (S.C.A.R.), dont le siège social est à Saint-Aubin de Terregatte (50111) ; la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 29 juin 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa req

uête tendant à l'annulation du jugement du 25 mai 1993 du tribu...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 26 octobre 1995, le 11 décembre 1995, le 10 septembre 1996, le 10 septembre 1997 et le 19 juin 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE (S.C.A.R.), dont le siège social est à Saint-Aubin de Terregatte (50111) ; la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 29 juin 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 mai 1993 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande en décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1986 à 1990 ;
2°) prononce la décharge de ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, modifiée ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, modifiée ;
Vu la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Pradon, avocat de la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'article 1454 du code général des impôts exonère de la taxe professionnelle : "Les sociétés coopératives et unions de sociétés coopératives d'artisans ... lorsque ... ces ... organismes sont constitués et fonctionnent conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent" ;
Considérant qu'en vertu de l'article 4 de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983, relative au développement de certaines activités d'économie sociale, les sociétés coopératives artisanales sont régies par les dispositions du titre 1er de cette loi et, en ce qu'elles ne sont pas contraires à celles-ci, par les dispositions de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération, et de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée, sur les sociétés commerciales ; que la loi du 20 juillet 1983, énonce, en particulier, en son article 1er, premier alinéa, que "les sociétés coopératives artisanales ont pour objet la réalisation de toutes opérations et la prestation de tous services susceptibles de contribuer, directement ou indirectement, au développement des activités artisanales de leurs associés, ainsi que l'exercice en commun de ces activités" ;
Considérant que ni les dispositions de la loi du 20 juillet 1983, ni celles de la loi du 10 septembre 1947, dont l'article 1er prévoit que l'un des "objets essentiels" des sociétés coopératives est "de réduire au bénéfice de leurs membres ... le prix de revient ... de certains produits ou de certains services en assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient", ne font obstacle à ce que, même si elle n'exerce elle-même aucune activité de fabrication ou de transformation, de réparation ou de prestation de service, une société coopérative artisanale soit regardée comme fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, lorsqu'elle procure à ses associés des produits, objets ou marchandises destinés à être revendus par ceux-ci en l'état, à la condition que ces opérations commerciales n'aient qu'un caractère accessoire et, par suite, que les services effectivement rendus à ses membres par la coopérative gardent pour principal objet de contribuer, directement ou indirectement, au développement de leurs activités purement artisanales de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service ;

Considérant que, pour juger que la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE, qui regroupe des artisans réparateurs, ne pouvait être regardée comme fonctionnant conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1983, et que n'étant, dès lors, pas en droit de bénéficier du régime d'exonération prévu par l'article 1454 du code général des impôts, elle n'était pas fondée à demander la décharge de la taxe professionnelle qui lui a été assignée au titre des années 1986 à 1990, la cour administrative d'appel de Nantes a estimé que ladite société coopérative avait essentiellement pour activité d'être un groupement d'achat destiné à procurer à ses adhérents des pièces détachées et des matériels agricoles qui ne pouvaient être regardés que comme revendus en l'état par les associés en dépit du travail spécifique de pose ou de préparation réalisés parceux-ci ; qu'en statuant ainsi, alors que l'utilisation de pièces détachées est inhérente à l'activité même d'un artisan réparateur et ne peut être regardée comme constituant de sa part une opération purement commerciale de revente en l'état, la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'une erreur de qualification juridique des faits ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, "le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond, si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que si, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'utilisation de pièces détachées par des artisans réparateurs ne peut, eu égard à l'objet même de leur activité, être regardée comme constituant de leur part une opération commerciale de revente en l'état, en revanche la fourniture par ces mêmes artisans à leurs clients de matériels agricoles revêt le caractère d'une telle opération ; que la circonstance que lors de la livraison de ces matériels, lesdits artisans sont conduits à réaliser des travaux de montage, n'est pas de nature à faire perdre à ces opérations leur caractère principalement commercial ; qu'il résulte de l'instruction que la fourniture de matériels agricoles à ses adhérents représentait une part non accessoire du chiffre d'affaires de la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE ; qu'ainsi, ladite société coopérative ne fonctionnait pas conformément aux dispositions législatives précitées qui régissent les sociétés coopératives d'artisans ; que, par suite, elle ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par l'article 1454 et n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 25 mai 1993, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 29 juin 1995 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE devant le Conseil d'Etat et sa requête devant la cour administrative d'appel sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COOPERATIVE DES ARTISANS RURAUX DE BASSE-NORMANDIE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 174018
Date de la décision : 19/04/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-03-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE.


Références :

CGI 1454
Loi 47-1775 du 10 septembre 1947 art. 1
Loi 66-537 du 24 juillet 1966
Loi 83-657 du 20 juillet 1983 art. 4, art. 1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11, art. 1454


Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2000, n° 174018
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Guilhemsans
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:174018.20000419
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