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19/04/2000 | FRANCE | N°205390

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 19 avril 2000, 205390


Vu, enregistrées au secrétariat du Contentieux le 8 mars 1999, les ordonnances du 22 février 1999, par lesquelles le président du tribunal administratif de Paris transmet, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les requêtes présentées devant le tribunal pour M. Albert X..., demeurant résidence Beauvallon, 68 B avenue du Maréchal Foch, à Fontenay-aux-Roses (92260) ;
Vu 1°), sous le n° 205390, la requête enregistrée le 8 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Albert X.

.. devant le tribunal administratif de Paris ; M. X... demande :
1...

Vu, enregistrées au secrétariat du Contentieux le 8 mars 1999, les ordonnances du 22 février 1999, par lesquelles le président du tribunal administratif de Paris transmet, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les requêtes présentées devant le tribunal pour M. Albert X..., demeurant résidence Beauvallon, 68 B avenue du Maréchal Foch, à Fontenay-aux-Roses (92260) ;
Vu 1°), sous le n° 205390, la requête enregistrée le 8 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Albert X... devant le tribunal administratif de Paris ; M. X... demande :
1°) l'annulation de la décision du 8 décembre 1998 par laquelle le payeur général du Trésor lui réclame le reversement d'un trop perçu d'un montant de 157 341 F sur le paiement de sa pension civile de retraite ;
2°) la prononciation du sursis à exécution de cette décision ;
3°) la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu 2°), enregistrée sous le n° 205397 au secrétariat de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée le 3 août 1998 pour M. X... devant le tribunal administratif de Paris ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1° à titre principal, d'annuler la décision du 12 juin 1998 par laquelle le chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a procédé à la révision de sapension civile de retraite à compter du 1er février 1997 ;
2° à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, d'une part, à lui rembourser les cotisations au régime de retraite des fonctionnaires qu'il a acquittées de 1966 à 1991 pour un montant de 1 000 095,45 F et, d'autre part, à lui verser la somme de 3 600 000 F ou à défaut toute autre somme déterminée par voie d'expertise à titre de dommages et intérêts pour le préjudice que lui cause la révision de sa pension de retraite ;
3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment ses articles L. 87 et L. 93 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 59-309 du 14 février 1959 ;
Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 205390 et 205397 et présentées pour M. X... ont fait l'objet d'une instruction commune et sont relatives au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Considérant que M. X..., ingénieur en chef des ponts et chaussées, a été placé en position de détachement pour servir auprès de l'UNESCO du 1er mars 1966 au 31 janvier 1991 ; qu'il bénéficie à ce titre depuis le 1er février 1991 d'une pension servie par la caisse commune des pensions du personnel des Nations-Unies ; qu'il a également été admis à compter du 1er février 1997 à faire valoir ses droits à une pension de retraite de l'Etat qui a été liquidée sur la base d'un taux de 77 % ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 87 du code des pensions civiles et militairesde retraite : "En aucun cas, le temps décompté dans la liquidation d'une pension acquise au titre ... d'un régime de retraites d'un organisme international ne peut intervenir dans la liquidation d'une autre pension rémunérant des services accomplis à l'Etat" ; qu'en se fondant sur ces dispositions, et pour tenir compte de la pension dont M. X... bénéficiait au titre de sa période de détachement auprès de l'UNESCO, le chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a, par une décision du 12 juin 1998, partiellement suspendu la pension civile de retraite versée par l'Etat à compter du 1er février 1997, en ramenant le pourcentage de la pension de 77 % à 41 % ; que M. X... conteste cette décision, ainsi que l'ordre de reversement de 157 341 F pris en conséquence ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 juin 1998 du chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant, en premier lieu, que dans sa demande introductive d'instance tendant à l'annulation de la décision du 12 juin 1998 du chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, M. X... n'a invoqué que des moyens de légalité interne ; que s'il a ensuite invoqué, dans un mémoire récapitulatif enregistré postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux, la violation de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers au motif que le chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a procédé à la révision de sa pension sans le mettre à même de présenter au préalable ses observations écrites, ce moyen, qui est fondé sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposent les moyens seuls invoqués dans la demande introduite dans le délai de recours, est irrecevable ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 46 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui a repris les dispositions de l'article 40 de l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires : "Le fonctionnaire détaché ne peut, sauf dans le cas où le détachement a été prononcé auprès d'organismes internationaux ou pour exercer une fonction publique élective, être affilié au régime de retraite dont relève la fonction de détachement, ni acquérir, à ce titre, des droits quelconques à pensions ou allocations, sous peine de la suspension de la pension de l'Etat" ; que si ces dispositions autorisent un fonctionnaire détaché auprès d'une organisation internationale à être affilié au régime de retraite de cette organisation, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre, en dérogation au principe posé par l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le cumul de la pension servie par le régime de retraite de cette organisation internationale avec une pension civile de l'Etat français rémunérant la même période d'activité ; que par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que le chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a méconnu la portée de l'article 46 précité de la loi du 11 janvier 1984 en refusant de prendre en compte, pour le calcul de sa pension civile de l'Etat, la période rémunérée par une pension servie par la caisse commune des pensions du personnel des Nations-Unies ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance invoquée par M. X..., qui allègue qu'il aurait été tenu de cotiser à la caisse commune des pensions du personnel des Nations-Unies, est sans incidence sur l'application qui lui a été faite de la législation sur le cumul des pensions ; que le moyen tiré de ce que la décision du 12 juin 1998 méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi en infligeant à M. X... un traitement moins favorable que les fonctionnaires détachés auprès d'autres organisations internationales ou que ceux qui ont obtenu le paiement de la pension acquise auprès de l'institution de détachement sous forme d'un versement en capital, doit également être regardé comme inopérant, dès lors que l'interdiction de cumul résulte de l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 12 juin 1998 par laquelle le chef du service des pensions duministère de l'économie, des finances et de l'industrie a ramené le taux de sa pension civile de retraite de l'Etat de 77 % à 41 % ;
Sur les conclusions subsidiaires tendant au reversement des cotisations acquittées par M. X... et à l'allocation d'une indemnité, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant que M. X... demande au Conseil d'Etat, d'une part, le remboursement des cotisations au régime de retraite des fonctionnaires qu'il a acquittées de 1966 à 1991 pour un montant de 1 000 095,45 F et, d'autre part, le versement d'une somme de 3 600 000 F à titre de dommages et intérêts pour le préjudice que lui cause la révision de sa pension de retraite ;

Considérant que les articles L. 61 et L. 63 du code des pensions civiles et militaires de retraite fixent un principe général en vertu duquel les fonctionnaires civils notamment supportent une retenue pour pension, prélevée sur leur traitement ; qu'aux termes de l'article 32 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions, qui a repris la règle posée par l'article 18 du décret du 14 février 1959 : "Le fonctionnaire détaché supporte, conformément à la réglementation en vigueur, la retenue prévue à l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le traitement d'activité afférent à son grade et à son échelon dans l'administration dont il est détaché" ; qu'il résulte du texte même de ces dispositions que les traitements versés à M. X... dans sa position de détachement étaient soumis à la retenue prévue à l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite nonobstant la circonstance qu'ils ne puissent être pris en compte pour la liquidation de sa pension civile de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Les retenues légalement perçues ne peuvent être répétées ..." ; que par suite, M. X... n'est pas fondé à demander le reversement des retenues légalement opérées sur son traitement pendant la durée de son détachement auprès de l'UNESCO ;
Considérant qu'eu égard à l'objet en vue duquel a été établie la législation sur le cumul des pensions civiles et militaires de retraite des fonctionnaires de l'Etat, qui tend à assurer l'égalité des droits à pension entre les intéressés quelles que soient les positions qu'ils ont occupées au cours de leurs carrières, les décisions légalement intervenues en application de cette législation ne sauraient engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des agents qui, comme l'intéressé, ont occupé des fonctions de détachement ; que la circonstance que l'administration n'ait pas expressément informé M. X... que les dispositions précitées de l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite faisaient obstacle à ce qu'une pension servie par la caisse commune des pensions du personnel des Nations-Unies puisse être cumulée avec une pension civile française rémunérant la même période n'est pas davantage de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que par suite, M. X... n'est pas fondé à demander des dommages et intérêts pour l'application qui lui a été faite de la législation sur le cumul des pensions ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordre de reversement du 8 décembre 1998, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le payeur général du Trésor :

Considérant qu'à la suite de la décision du 12 juin 1998 par laquelle le chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a procédé à la révision de la pension de M. X..., le payeur général du Trésor a émis le 8 décembre 1998 un ordre de reversement d'un montant de 157 341 F, correspondant à l'excédent des sommes qui avaient été versées à M. X... du 1er février 1997 au 30 juin 1998 et payable par retenues d'un cinquième sur le montant mensuel de sa pension à compter de l'échéance du 6 janvier 1999 ; que constatant l'opposition forméepar M. X... contre l'ordre de reversement du 8 décembre 1998, le payeur général du Trésor a suspendu le recouvrement des sommes en cause à compter de l'échéance du 6 février 1999, en application de l'article 6 du décret susvisé du 29 décembre 1992 ;
Considérant que le principe de non rétroactivité des actes administratifs ne faisait pas obstacle à ce que le payeur général du Trésor procède au recouvrement des sommes payées indûment à M. X... au titre des pensions du 1er février 1997 au 30 juin 1998 ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'ordre de reversement émis pour ladite période serait entaché de rétroactivité illégale ne peut être accueilli ; que M. X... n'est donc pas fondé à demander l'annulation de la décision du 8 décembre 1998 par laquelle le payeur général du Trésor lui réclame le reversement d'un trop-perçu d'un montant de 157 341 F sur le paiement de sa pension civile de retraite ; que, de même, ses conclusions tendant au remboursement de la somme de 2 264,01 F qui a été retenue sur l'échéance du 6 janvier 1999 de sa pension de retraite en application de l'ordre de reversement susmentionné doivent être également rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... les sommes qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner M. X... à payer à l'Etat la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de M. X... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Albert X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 205390
Date de la décision : 19/04/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

48-02-02 PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - PENSIONS CIVILES.


Références :

Code des pensions civiles et militaires de retraite L87, L61, L63, L64
Décret 59-309 du 14 février 1959 art. 18
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8
Décret 85-986 du 16 septembre 1985 art. 32
Décret 92-1369 du 29 décembre 1992 art. 6
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 46
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 59-244 du 04 février 1959 art. 40


Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2000, n° 205390
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:205390.20000419
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