Vu la requête enregistrée le 7 août 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed Y... élisant domicile chez Me X...
... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 1994 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a prononcé son expulsion en urgence absolue du territoire français ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "L'expulsion prévue à l'article 23 ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes (.) 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission siégeant sur convocation du préfet ( ...)" ; et qu'aux termes de l'article 26 du même texte : "L'expulsion peut être prononcée : a) En cas d'urgence absolue, par dérogation à l'article 24 ; b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25. / En cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'expulsion peut-être prononcée par dérogation aux articles 24 et 25" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., qui a été condamné le 25 mars 1993 par le tribunal de grande instance de Lille à une peine de trente mois d'emprisonnement pour avoir contrevenu à la législation sur les stupéfiants, a été maintenu en détention du 6 décembre 1991 au 27 octobre 1993, date à laquelle il a été libéré ; que l'arrêté d'expulsion le concernant n'a été pris que le 12 juillet 1994 ; que, dans ces conditions et alors même que l'éloignement de M. Y... constituait, eu égard à la gravité des infractions dont il a été reconnu coupable, une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, cette mesure ne pouvait être regardée comme présentant un caractère d'urgence absolue, dispensant le ministre de consulter la commission prévue par le 2° de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 juillet 1994 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire prononçant son expulsion ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 4 mai 1995, et l'arrêté du 12 juillet 1994 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed Y... et au ministre de l'intérieur.