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21/04/2000 | FRANCE | N°180325

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 21 avril 2000, 180325


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 juin 1996 et 7 octobre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS, dont le siège est ... représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège ; la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 avril 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon :
1°) a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 25 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Ly

on a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté ur...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 juin 1996 et 7 octobre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS, dont le siège est ... représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège ; la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 avril 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon :
1°) a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 25 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Lyon à lui verser une indemnité de 9 165 173 F, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de l'exercice par ladite communauté urbaine du droit de préemption sur un terrain lui appartenant ;
2°) l'a condamnée à payer à la communauté urbaine de Lyon une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la commune urbaine de Lyon,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêté du 14 novembre 1991, le président de la communauté urbaine de Lyon (COURLY) a décidé d'exercer son droit de préemption sur un terrain appartenant à la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS, et qui avait fait l'objet d'un compromis de vente passé entre cette société et la société anonyme Résidence Bernard Teillaud ; que, par l'arrêt attaqué du 2 avril 1996, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS tendant à l'annulation du jugement en date du 25 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Lyon à lui verser une indemnité de 9 165 173 F ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt de la cour en tant qu'il a statué sur les conclusions de la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS relatives à l'indemnisation, d'une part, de la perte sur le prix de vente causée par la décision de préemption, d'autre part, du préjudice constitué par les frais financiers supportés par ladite société :
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que si la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS soutient que l'arrêt attaqué serait entaché d'un défaut de réponse au moyen tiré de la perte de chance de vendre son terrain à la société anonyme Bernard Teillaud, à la suite de la décision de préemption, la cour a jugé que la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS n'était pas fondée à soutenir que l'illégalité fautive de la décision de préemption "l'aurait privée de la possibilité de réaliser un bénéfice", ce préjudice n'étant pas la cause directe de la faute commise par la communauté urbaine de Lyon ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Sur le préjudice constitué par la perte sur le prix de vente :
Considérant qu'après avoir relevé que la décision de préemption du président de la communauté urbaine en date du 14 novembre 1991 était illégale comme ne satisfaisant pas à l'obligation de motivation d'une telle décision, la cour administrative d'appel a estimé que le compromis de vente conclu le 16 avril 1991 entre la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS et la société de promotion immobilière "résidence Bernard Teillaud" concernant le terrain litigieux pour une somme de 16 000 000 F, qui était subordonné à plusieurs conditions suspensives, n'aurait pu en tout état de cause être exécuté et que, dès lors, le préjudice allégué, constitué par la différence entre la somme mentionnée dans le compromis de vente et le prix payé par la communauté urbaine ne trouvait pas sa cause directe dans l'illégalité commise par la communauté urbaine de Lyon dans l'exercice de son droit de préemption ; qu'ainsi, après avoir souverainement apprécié les circonstances de l'espèce notamment en estimant qu'eu égard à la brièveté des délais stipulés, les conditions suspensives n'auraient pu permettre la réalisationdu compromis de vente, la cour administrative d'appel a pu légalement déduire de cette constatation, laquelle est exempte de toute dénaturation, que le préjudice invoqué était sans lien direct de cause à effet avec la décision illégale de la communauté urbaine de Lyon ;
Sur le préjudice constitué par les frais financiers :

Considérant que la cour a pu, sans commettre d'erreur de qualification juridique des faits, ne pas retenir le caractère direct du lien de causalité allégué entre, d'une part, le préjudice invoqué par la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS et tenant à ce que la requérante aurait dû continuer à payer les frais financiers afférents à l'emprunt qu'elle a contracté le 3 décembre 1990 et, d'autre part, l'illégalité de la décision de préemption ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt de la cour en tant qu'il a statué sur les conclusions de la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS relatives à l'indemnisation du préjudice causé par les retards dans le règlement du prix des terrains acquis par voie de préemption :
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que le contrat par lequel une commune achète un bien immobilier constitue en principe un contrat de droit privé ; qu'il en va ainsi alors même que ce contrat est conclu à la suite de l'exercice par cette commune de son droit de préemption urbain ; qu'il s'ensuit que le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de conclusions tendant à la condamnation de l'acquéreur au paiement d'une indemnité à raison du paiement tardif du prix d'acquisition du bien préempté ;
Considérant qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, que c'est à tort que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas rejeté ces conclusions comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut soit renvoyer l'affaire ... soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le juge judiciaire était seul compétent pour connaître d'une demande d'indemnité correspondant aux frais financiers qui seraient résultés du paiement tardif du bien préempté ; que par suite c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a statué sur ces conclusions ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande présentée en ce sens par la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sur les conclusions de la communauté urbaine de Lyon tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, et de condamner la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS à payer à la communauté urbaine de Lyon la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 2 avril 1996 de la cour administrative d'appel de Lyon et le jugement du 25 janvier 1995 du tribunal administratif de Lyon sont annulés en tant qu'ils statuent sur les conclusions de la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Lyon à lui payer une indemnité en réparation du préjudice causé par le retard de paiement du bien préempté.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la communauté urbaine de Lyon tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FONCIER IMMOBILIER LYONNAIS, à la communauté urbaine de Lyon et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 180325
Date de la décision : 21/04/2000
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - RESPONSABILITE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - CONTRATS DE DROIT PRIVE - CAConclusions tendant à la condamnation d'une commune au paiement d'une indemnité à raison du paiement tardif du prix d'acquisition d'un bien préempté (1).

17-03-02-05-02-02, 68-02-01-01-01 Le contrat par lequel une commune achète un bien immobilier constitue en principe un contrat de droit privé. Il en va ainsi alors même que ce contrat est conclu à la suite de l'exercice par cette commune de son droit de préemption urbain. Le juge administratif n'est par suite pas compétent pour connaître de conclusions tendant à la condamnation de l'acquéreur au paiement d'une indemnité à raison du paiement tardif du prix d'acquisition d'un bien préempté.

- RJ1 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - PREEMPTION ET RESERVES FONCIERES - DROITS DE PREEMPTION - DROIT DE PREEMPTION URBAIN (LOI DU 18 JUILLET 1985) - CAContrat d'acquisition d'un bien préempté - Contrat de droit privé - Conséquence - Juge judiciaire compétent pour connaître de conclusions tendant au paiement d'une indemnité à raison du paiement tardif du prix d'acquisition du bien (1).


Références :

Arrêté du 14 novembre 1991
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1. Comp. CAA de Lyon, 2000-03-07, Mme Giraud c/ Commune de Mont-Saint-Martin, T. p.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 avr. 2000, n° 180325
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Lerche
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:180325.20000421
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